lundi 28 juillet 2025

Libres mais pas trop

Cette idée de liberté, à laquelle on aspire plus ou moins toutes et tous, qui figure même dans notre devise, elle est quand même fort relative. En fonction de l'endroit du monde où l'on vit, de ses lois. De l'assouvissement de nos besoins primaires ou pas. Et rassurez-vous, je n'ai pas fait de longues et onéreuses études de philosophie pour en arriver à cette conclusion tarte à la crème.

C'est d'ailleurs curieux qu'on emploie le même mot pour parler d'une personne célibataire et d'un prisonnier qu'on relâche. (Le couple est-il une prison ? Vous avez deux heures et probablement un billet à lire sur le couvent d'ici peu).

Et même, la plupart d'entre nous tiennent à leur(s) liberté(s) mais pas d'une façon jusqu'au-boutiste. Si on parle d'ici et de maintenant, que faudrait-il pour être absolument libre ? Ne pas avoir d'identité reconnue. Ne pas payer d'impôts, donc ne jamais déclarer de revenus. Donc avoir une activité qui peut se payer en liquide, ou en services rendus. Ne se soumettre à aucune forme d'autorité. Echapper au système bancaire. La vie devient tout de suite très compliquée. Enfin trop pour moi.

Alors voilà, on veut être libre, jusqu'à un certain point, pour la plupart des gens. Dans la limite des règles établies par l'endroit où l'on vit, plus ou moins (et cette nuance a de l'importance) et de nos attaches affectives.

Le soleil aperçu dans une couche de nuages furieux, le ciel plus dégagé en dessous, les faites des toits parisiens, en bas.

Et ensuite ?

Arg. Là aussi, il y a des limites à ce que la plupart d'entre nous est prêt(e) à accepter.

Par exemple : la semaine dernière j'ai vu quatre films différents [1], aux horaires à peu près choisis (avec comme contraintes : mes horaires de boulot, ceux des cinémas et, pour celui que j'ai vu accompagnée, les contraintes de l'autre personne concernée). Pas tellement besoin de me soucier de transports, de météo, d'heure à laquelle rentrer, de dépenses impossibles à assumer. Pas non plus besoin de m'inquiéter de mon droit à circuler - à part l'arrivée du Tour de France qui a légèrement et ponctuellement impacté les transports en commun parisiens hier, de la façon de m'habiller (résolument trop optimiste hier).

De la bonne liberté comme on aime, facile, légère.

Impossible dans d'autres régions du monde, néanmoins.

Et plus compliquée pour un certain nombre de personnes qui vivent au même endroit que moi, au même moment.

Savourons.

Le corollaire le plus violent de l'envie absolue de liberté, c'est la solitude. Faire ce qu'on veut, quand on le veut, sans tenir compte de quiconque, ça ramène assez vite à être seul(e) le plus souvent. Je ne suis pas sûre que de vivre en absolu(e) solitaire tout au long de sa vie soit quelque chose de bénéfique. Nous sommes des animaux sociaux, nous affranchir de contacts, de connivence, de codes partagés, de chaleur humaine, c'est quand même s'amputer d'une bonne part de ce qui rend la vie vivable.

Pour autant, on se la fait grignoter, notre liberté, depuis des années. Sans trop de sursauts. Je veux dire : il y a des gens pour protester, s'indigner. Heureusement. Mais globalement nos territoires de liberté sont rétrécis, insidieusement. Pas encore de façon très sensible, pour beaucoup de gens.

J'ai peur, pour les décennies à venir, que le réveil ne soit brutal. Si un réveil est encore possible. Qu'il ne s'agira plus de liberté de se divertir, mais de sujets beaucoup plus fondamentaux, qui form(ai)ent la société dans laquelle nous avons grandi.

Tout ça pour dire que trop de liberté, c'est sans doute difficile à vivre. Nous avons trop besoin des liens que nous créons pour ne pas accepter les contraintes qui vont avec. Mais pas assez, c'est invivable. Même abruti(e)s de divertissements et de vie facilitée par le progrès.

Est-ce qu'on est sûr(e)s de ce qu'on veut sacrifier ?

Note

[1] Dont, je ne me lasse pas d'en rire, Eddington, qui se passe sur fond de Covid et de complotisme, et figurez-vous que je suis sortie du ciné avec la 5G alors que j'y étais entrée en 4G. Il se trouve que c'était un upgrade gratuit de mon cher opérateur de téléphone mobile, qui, coup de bol, a été déployé au bon moment pour me faire rigoler. Pensez, dans 20 ans, quand je ne me souviendrai plus du pourquoi de cette note, à me rappeler les blagues sur les vaccins et la 5G, merci, bisous.

jeudi 24 juillet 2025

Saisons

Normalement c'est sur le dernier tiers d'août que je remarque que la longueur des jours a pris un coup dans l'aile, à la fin des vacances, quand il ne fait plus clair jusqu'à plus d'heure, quand la fenêtre ouverte laisse entrer, le matin, vers 6 heures, une petite lumière pâle plutôt qu'orangée.

Cette année c'est particulier. La première moitié de juillet était étouffante, puis orageuse, à tour de rôle. Volets baissés pour tenter de garder un peu de fraîcheur, puis pour se protéger des grosses pluies, la nuit. Un demi mois un peu obscur ou alors sous une chaleur d'enfer. Et depuis ? Il pleut, bruine, déluge, brumise, météo grise, un peu moite malgré sa fraîcheur.

La Tour Eiffel sous la grisaille de juillet 2025.

Ces derniers jours ça m'a frappé, que déjà la lumière des petits matins insomniaques commençait plus tard. Mais je ne suis pas encore partie en vacances ! Qu'on me rende mon été ! Qu'on me rende la lumière !

Juillet, c'était aussi un mois de grande liberté : Lomalarchovitch aux bons soins de son père, Cro-Mi vivant dans sa batcave, j'ai parfois mené une vie trépidante, parfois très calme, me suis nourrie principalement de tomates et de fromage (la vie la vraie), j'ai mangé avec des ami(e)s et bu des coups avec d'autres, parfois les deux, dîné d'une bière et de pop corn, un soir, pris du temps pour ne rien faire, passé du temps à lire, à écouter de la musique, vu trois concerts, quelques films.

Personne pour me gonfler, me pousser quand je n'ai pas envie ou me tirer en arrière quand j'ai très envie.

(Ça ne change rien à l'absence de qualité de mon sommeil).

J'adore mes enfants.

J'aime aussi très fort mes moments solitaire.

Même quand ils sont entrecoupés de moments de tristesse, à me dire que j'aimerais bien que quelqu'un ait envie de me prendre dans ses bras, quelque part (et même : dans ses bras, donc).

Bref, encore quelques jours et je retrouve mon géant miniature, les vacances commenceront avec leur lot de bonheurs mais aussi d'agacements. Et puis nous rentrerons et les jours seront vraiment plus courts. Et ça sera reparti pour un tour de la boucle de l'année, de sa fatigue insoutenable, de ses emmerdes à deux balles dont on se passerait.

Bon. Tentons de profiter de tout, des derniers jours quasi seule, du retour de l'enfant hilarant-épuisant, des jours paisibles, de l'eau de mer et toutes ces sortes de choses.

lundi 21 juillet 2025

La logistique des derniers mètres

J'ai la chance, immense, d'avoir un gardien dans mon immeuble, et un gardien avec lequel je m'entends bien. C'est important pour la suite.

Car il a ses têtes.

Et selon, il prend, ou ne prend pas, les colis.

Or, nous avons un flux solide de produits entrants.

De très gros cartons sur la table à manger.

Bien contente quand il les attrape au vol.

Surtout quand ce sont les croquettes des chats qui arrivent, in extremis, et que l'étudiant ne sait plus répondre au téléphone, réagir à l'interphone, ouvrir une porte.

Là, se met en place la logistique des derniers mètres : je lui demande s'il a mon colis, ou il me demande si je suis là. Et puis il met le carton dans l'ascenseur, je réceptionne à la sortie et paf. Aussi simple que ça.

J'aime bien mon gardien.

(J'aime bien, aussi, les colis furtifs qui se faufilent, sans lui, jusque dans ma boîte aux lettres, par surprise et que je vais chercher, le coeur étonné, à des heures étranges).

mardi 15 juillet 2025

Les livres qui changent la vie

Il y a des livres qui changent la vie parce qu'ils viennent chambouler nos façons de voir, de penser, qu'ils viennent se greffer à un truc profond et central, parce qu'on ne peut plus les oublier après, qu'ils laissent une trace pour toujours.

Il y a les livres qui font ça et qui changent aussi la vie encore plus fort.

J'en ai un, dans ma vie, qui a une place toute particulière. Ma mère me l'a offert, il y a une trentaine d'années de ça. C'était un putain de bon roman, une fenêtre sur un monde, un univers, des personnages. On le referme le souffle court, les cheveux en bataille, le coeur battant, on ne l'oublie plus jamais.

Quand bien même j'aurais voulu, je n'aurais pas pu : il a ressurgi dans ma vie plein de fois, offert "tu vas voir, ça va te plaire" par quelques personnes, envoyé dans une box de livres, trouvé dans une boîte à livres, que sais-je. Je l'ai relu à chaque fois. Je l'ai offert très souvent. Un peu comme on dirait : tu ne peux pas me connaître tout entière, tu ne peux pas savoir comment m'aimer vraiment si tu n'as pas lu et aimé ce bouquin.

La couverture, vue à l'envers, livre posé sur une table en bois, de "Eureka Street" de Robert McLiam Wilson

Et puis parce que la vie est bien des choses et parfois : très excitante, j'ai rencontré son auteur, un de mes héros de littérature, la rock star des bouquins des années 90.

C'est un type complexe (on le savait en lisant), attachiant, drôle, complètement génial et parfois rugueux. Dont on n'a jamais fini de faire le tour, dont les profondeurs sont vertigineuses.

Dans la même conversation on passe par les hauts et les bas des montagnes russes, j'en ressors lessivée, agacée, heureuse d'avoir été là, tout ça en même temps. On s'est vus quelques fois, et bien sûr ce qui s'est dit entre nous ne regarde que ceux qui étaient là.

L'histoire pourrait s'arrêter là et ça serait déjà un peu fou et incroyable, un peu romanesque.

Mais non, il ne s'est pas contenté de m'offrir des pages inoubliables et quelques bières.

Il est aussi celui grâce à qui[1] j'allais commencer une drôle d'histoire.

Voilà, comment les livres peuvent changer la vie, si on se jette dedans assez fort.

Note

[1] Bon, grâce à ma mère aussi !

vendredi 11 juillet 2025

A l'affût

Je suis à l'affût d'une photo, en ce moment. Je ne sais pas laquelle, je ne sais pas ce qu'il y aura dessus. J'ai envie, comme l'autre jour, d'une émotion qui m'explose aux yeux et qui se voit dans l'image.

En attendant j'ai fait des cartes postales sur le rooftop.

L'église de la Trinité à Paris vue à travers des fleurs que mon frère aime bien.

Il me faudrait un kiosque, au coin de la rue, où écouler mes cartes postales avec des timbres, comme autrefois dans les maisons de la presse des bords de mer. Peut-être que ça se pratique encore, d'ailleurs, je n'envoie plus beaucoup de cartes postales.

Je me souviens, enfant, de celles qu'on était autorisés à choisir (belles photos), celles qui étaient déconseillées ("Bon baisers de insérer ici le nom de la ville") et celles qui étaient carrément interdites (filles à poil sur la plage qui faisaient loucher mon petit frère).

Bon, c'est bien beau, les cartes postales, mais ça ne vous dit rien de ce qui me fait frissonner, ça ne vous donne pas la bribe d'humanité extirpée du quotidien. Et puis ça ne donne pas cette petite montée d'excitation d'avoir attrapé un moment, de lui offrir une petite éternité.

Alors j'ai l'œil qui s'égare, un appareil photo ou mon téléphone à la main, je cherche l'instant et j'attends qu'il me trouve à la fois. On dirait que ça devient ma spécialité.

(Un immense merci à Franck pour son nouveau plugin qui me simplifie tellement la vie)

mercredi 9 juillet 2025

Arrêter de s'excuser d'exister

(Billet foutraque et décousu sans ligne particulière. On s'en fout). Vieillir, au stade où j'en suis, est une expérience formidable. D'abord, d'être dans un état global suffisant pour en arriver là. Ensuite parce que ce qui se joue à l'intérieur est tellement libérateur que je souhaite ça à tout le monde, se rencontrer, se regarder en face, se dire ok et arrêter de s'excuser d'exister.

Et c'est ainsi que j'ai passé la journée dans la piscine avec mes collègues pour démarrer juillet. Les seules choses qui me sont parvenues c'est "mais tu es un poisson dans l'eau, c'est kiffant de te voir aussi heureuse" et "canon ton maillot" (dont j'avais oublié la fâcheuse propension à ne pas tellement tenir du haut, mais lui et moi avons géré la situation avec le plus de dignité possible. Libérateur, donc, d’exister avec les mêmes droits que les autres à découvrir ma peau, un exercice qui a probablement mis mal à l'aise quelques uns d'entre vous ces derniers temps, mais c'est pour la bonne cause.

Un jeune homme filme Jim Jarmusch depuis le balcon de la Cigale

Ce jour-là, une collègue de longue date m'a engueulée et son engueulade était un cadeau. "Tu n'apprends rien, me dit-elle, tu vieillis mais tu n'apprends rien !" Je me suis donc enquise des raisons de cette certitude tranquillement assénée, il paraît que je lui avais survendu quelqu'un de l'équipe qui a été l'objet d'une lourde déconvenue pour elle. "Non, mais toi, tu vois le bien chez tout le monde mais à force, tu es déçue et tu souffres".

Pas faux. Mais bon. Je suis aussi beaucoup plus capable de m'en foutre qu'avant. Alors tant pis, continuons comme ça et n'apprenons pas.

Depuis l'un des balcons de la salle Pierre Boulez à la Philharmonie de Paris

Il y a quelques mois j'ai vu que Nick Cave serait présent deux soirs de cet été à la Philharmonie de Paris. J'ai passé 25 minutes dans une file d'attente et acheté une place pour dimanche dernier. Et puis, dans les deux heures qui ont suivi, j'ai reçu en cadeau de copains une place pour samedi.

Encore un peu après j'ai vu que Jim Jarmusch (ouiiii celui qui fait des films !) jouait sur scène avec son pote joueur de luth électrique, et j'ai dit banco parce qu'ils ont fait ensemble la musique de Only lovers left alive, un film que j'adore dont la musique m'envoûte.

Une femme prend la scène de la CIgale en photo

Et puis j'ai vu que j'avais des concerts trois soirs de suite. La vie est courte, profitons.

J'ai fait un truc que je n'aurais fait il y a quelques années : j'ai pris des vacances pour moi. Avant, chacun de mes moments de congé devait être dédié à mes enfants. Là, non, je voulais me poser, faire des siestes à des heures improbables, prendre du temps pour faire des choses que j'aime. Un luxe incroyable dans une vie de parent.

Alors voilà, j'ai passé le week-end avec Nick Cave. Je suis passée de "centrist" à "balcony girl", ce qui ne fera rire que ceux qui étaient là. C'était beau, et puissant. J'en parlerai, je pense, un peu plus avant dans un billet que j'ai en tête pour le couvent, ce type est essentiel à la survie des âmes, voilà l'essentiel (et pourquoi Colin Greenwood, qui a quand même joué sur quelques scènes à dimensions incroyables dans sa vie, a-t-il toujours l'air de sortir d'un épisode de Mister Bean et d'avoir atterri devant nous on ne sait pas trop comment ? Ce mystère me fera rire ma vie entière, je pense).

Nick Cave et Colin Greenwood sur la scène de la Philharmonie de Paris.

Lundi j'ai lu et glandé et dormi puis je suis allée voir "L'accident de piano" avant d'aller à la Cigale. Gens, sachez que j'ai été dans la même pièce que Jim Jarmusch. Ca fait un truc. Et c'est drôle de le voir un peu pataud, en tout cas pas habitué, sur scène ; c'est vrai que ça n'est pas son "vrai" métier.

Je crains que tout le monde n'ait pas aimé cet improbable moment d'expérimentation musicale, j'inclus dedans la première partie (un morceau, 35 minutes). Moi ? J'ai volé bien haut. Et papoté avec mon jeune voisin de concert, qui avait l'air de voir flou d'avoir une conversation sur l'art et le sens de la vie avec une daronne à pins et DocMartens. Il m'a demandé ce que je faisais de mes photos, après, "rien", lui ai-je répondu, "c'est pour l'exercice de l'œil"

Un spectateur attentif à la Cigale

La photo, c'est dessiner avec la lumière et le temps, disait... qui ? Un de mes photographes de référence ? Ou Wim Wenders ? Je ne sais plus. Un mec qui s'y connaissait. Bon, l'absence de lumière avec le matériel et les conditions dont je disposais, c'était plus de la contrainte artistique, c'était un pari foutu d'avance, mais j'ai aimé ce que j'ai vu, ça en laisse une trace infime.

Jozef van Wissem au luth électrique et Jim Jarmusch à la guitare sur scène à la Cigale

Hier glande, siestes et lecture, puis ciné avec Cro-Mi qui m'a traîné voire une merde sans nom un film que je n'ai pas aimé (oui mais avec Pedro Pascal - je ne comprends toujours pas à l'issue du film pourquoi, à part qu'il paraît qu'il serait vaguement un mec bien, jusqu'à preuve du contraire, il émouvait tant les meufs et les mecs trans). Retour progressif à la vie, puis au bureau. Tiens, on vide d'une partie de son sens un de mes projets. Oui. Bon.

Encore suffisamment planante de ce qui donne vraiment du sens à ma vie pour en être plus triste que nécessaire. On verra.

Je racontais hier à Cro-Mi ma rencontre avec le jeune fan de Jarmusch. En lui disant : quand je commence à faire la vieille qui fait comme si elle était jeune, dis moi, hein. Et sa réponse était tellement chouette. Il m'a dit : "Non mais toi, on voit que tu kiffes ce que tu vis et ça fait de la lumière partout autour".

Mon ombre le matin quand je prends mon café en regardant les toits de Paris

J'aime comme la vie cet enfant terriblement chiant mais qui a appris à me flatter exactement comme il faut. Non, je rigole. Il n'a pas été le seul, à dire des mots perçants de justesse et de beauté. Des mots qui me disent qu'il n'y a, au fond, pas d'autre solution que d'être soi, jusqu'au bout des fibres.

Ca m'a pris du temps, si vous saviez. Et oui, c'est maintenant : fini de s'excuser d'exister, si je vous gêne, il y 8 milliards d'autres humains à fréquenter, basta. Il est des chemins pour lesquels on ne peut pas prendre de raccourcis, mais qui sonnent tellement juste quand on a choisi l'embranchement qui nous va.

Edit

J'ai repensé à ce poème de William Carlos Williams en écrivant ce billet. Il y a un lien qui ne sera peut-être pas évident pour tout le monde ; Jim Jarmusch lui rend hommage merveilleux dans son très beau film Paterson. Ca date d'il y a presque 100 ans et ça n'a pas pris une ride (comme moi) :

Le vent forcit


La terre harcelée
est balayée
Les arbres
les crêtes brillantes des
tulipes

se dérobent et
tressautent –

Lâche les rênes
à ton amour

Souffle !

Bon Dieu, qu’est-ce
qu’un poète – si cela existe ?
un homme
dont les mots
mordent
droit
au but – bien réels

pétris
de mouvement

Au bout de chaque rameau

neuf

sur le corps
torturé de la pensée
agrippée
au sol

un chemin
jusqu’au bout de la dernière feuille

vendredi 4 juillet 2025

L'été de la tapenade

Ce titre est absolument mensonger, tous mes étés ont été "de la tapenade" depuis que j'y ai goûté, et comme j'ai passé presque tous mes étés dans un endroit où on en fait, et de la bonne, encore...

Mais je ne sais pas ce qui s'est passé exactement, j'ai dû être prise par l'inspiration, touchée par la grâce, enfin si, je sais : j'ai trouvé une vendeuse de bonne tapenade sur mon marché, et donc rompu mon vœu de n'en manger qu'en région productrice, et paf.

Les conséquences sont sans fin.

D'abord j'en ai mélangé avec la passata di pomodoro (Mutti, on se respecte), et ça a fait la meilleure sauce de pasta du monde. Je pèse mes mots.

Et puis, vous ne savez peut-être pas, élever des enfants c'est dur, seule, ça l'est encore plus. Alors depuis qu'il est en vacances j'ai levé le pied sur la cuisine. Très haut, le pied.

L'autre jour je suis entrée dans ma cuisine, un de ces jours de grosse chaleur. J'ai ouvert la porte du réfrigérateur. Ai envisagé de virer la bouffe pour m'installer dedans. Et puis j'ai vu des pois chiches[1], une tomate énorme ananas qui me tendait les bras.

Le temps de cuire un œuf dur, de l'écaler, de le couper en morceaux, mélangés aux dits pois chiches, à la tomate pareillement débitée en cubes, le tout enrobé d'une cuiller à soupe de tapenade.

Je vous le jure, votre honneur, si j'ai gémi, c'était seulement par bonheur de mon palais. Et encore, je n'avais pas encore attaqué la poignée de cerises en dessert.

Et puis hier, un reste de blé, une tomate en morceaux, une cuiller de tapenade et même effet. Bref, la tapenade, c'est bon, mangez-en (si vous aimez ça).

Je ne sais pas pourquoi j'ai pris cette assiette en photo ce jour-là, sans doute par plaisir anticipé, mais aujourd'hui, je sais. C'est pour vous faire regarder l'heure et mesurer le temps qui vous sépare de votre repas.

Une salade de pois chiche, oeuf dur, tomate ananas et tapenade. On aperçoit au fond des cerises.

Note

[1] J'aime les pois chiches, j'achète des sacs d'un kilo, les cuits vapeur en quelques minutes puis les répartis en sachets congélation et j'ai donc très souvent des pois-chiches prêts à l'emploi ou quasi