Sacrip'Anne

« Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout. » (Colette)

lundi 9 septembre 2024

Hand in my empty pocket

J'ai grandi dans le confort d'une maison de petite bourgeoisie. On avait ce qu'il nous fallait et le petit peu plus qui permettait les loisirs et quelques plaisirs sans réfléchir. Pas assez pour ne pas avoir à compter. On ne parlait pas d'argent aux enfants sauf quand ils grandissaient et qu'il fallait leur en apprendre la valeur.

C'est ainsi que dans un grand élan de pédagogie, mon père m'a attribué une somme mensuelle basée sur mes besoins, pour laquelle je devais, si je voulais l'augmenter, argumenter et négocier (une seule ouverture annuelle des discussions était possible).

Sauf que, comment tu dis d'une main "on ne parle pas d'argent, c'est vulgaire" et de l'autre "argumente tes besoins" ? Et puis, vous l'aurez deviné, devoir expliquer ce que je faisais avec mes sous et discuter le bout de gras, c'était pas mon truc. D'ailleurs ça m'a duré longtemps, j'ai cru naïvement pendant de longues années que mon mérite, s'il existait, serait naturellement reconnu, au boulot. Ahaha. Fin de la blague.

C'est ainsi que j'ai survécu à l'université avec le trésor clinquant de 500 balles (de francs, 75 euros de maintenant) tous les mois pour payer mes transports, ma bouffe, mes loisirs. Et mes clopes. Sauf que le budget clopes n'était pas déclaré aux autorités financeuses, et même si à l'époque le paquet devait coûter moins de 2 euros (pleurez, fumeurs modernes !), ça venait sacrément taper dans le pécule.

Bref, j'ai passé mes années fac à me nourrir d'un café avec deux sucres le midi et à gruger le bus pour pouvoir financer mon vice. A se débrouiller entre potes pour quelques plans immanquables, à servir des pintes pendant quelques heures dans un pub irlandais pour financer les miennes.

J'ai pris 25 kilos ; la pédagogie, c'est vraiment utile que si on ne s'en sert pas.

Et on se demande pourquoi ça m'a frappée comme si c'était moi qui la chantais, cette chanson.

dimanche 1 septembre 2024

Comme de la merde

J'avais trois gros chantiers cette année. Les deux premiers sont, à l'heure où j'écris ces lignes, gérés, derrière nous. Pas si mal en huit mois, finalement, non ? Sauf que. Le troisième résiste et pour le dire aussi clairement que je le peux : c'est l'enfer. Ca fait 11 ans que je me traîne le japonais comme un coloc' plus ou moins gérable. Ne nous mentons pas, si "chronique" comme dans maladie chronique commence par ch, exactement comme le mot chiant, ça n'est pas un hasard.

Donc après du mieux il y a eu du pire. On peut résumer les choses ainsi : depuis novembre dernier, il a dû y avoir deux petits mois (en plusieurs morceaux) où j'avais l'impression de tenir le bon bout. Le reste du temps c'est la lutte. Quand le sommeil revient je m'en réveille pas plus reposée qu'en y cédant. Le reste du temps, j'ai l'occasion de voir de très beaux levers de soleils tôtifs, ou des nuits sombres.

Lever de soleil, août 2024

J'en ai parlé parfois, ça n'a RIEN à voir avec le manque de sommeil d'une semaine de fête. Ni même des premiers mois d'un nourrisson non dormeur. C'est un truc écrasant qui vous vrille le cerveau. Enfin je crois qu'il y a assez de maladies qui génèrent de la fatigue pour me dire qu'entre toutes celles-là, j'ai de la chance de vivre avec mon japonais, plutôt qu'un autre. Mais quand même.

Je tiens parce que je ne peux pas m'écrouler.

Je tiens à coup de fake it until you make it. Je tiens parce que j'ai les gènes de ma mère.

Je ne sais pas si on meurt d'hypothyroïdie, mais je ne serai pas surprise qu'il y ait des gens qui se soient fait sauter le caisson à force des idées de merde qui tournent dans la tête à force de fatigue aiguë.

Donc voilà. J'ai de la merde dans la tête en permanence et ça me prend une énergie de dingue de lui résister. Je dis de la merde, je fais de la merde. Je suis sûre que j'ai laissé passer plein de trucs chez les gens que j'aime parce la plupart du temps, je suis hallucinée de fatigue.

Ok, le fait de chercher à être plus têtue que la maladie et de battre le pavé pour passer de bons moments n'aide pas. En fait si, ça aide, mais pas complètement.

Je ne sais pas demander de l'aide, je l'ai déjà dit[1]. Et puis je ne sais pas bien de quelle aide je pourrais avoir besoin : on va encore tâtonner jusqu'à trouver le bon dosage. 4 à 6 semaine à chaque fois pour avoir une idée, parfois provisoire, de ce qui marche ou pas. Espérons que la prochaine sera la bonne.

Mais de l'aide qui ne soit pas médicale ? Aucune idée.

J'ai juste hâte de ne pas me sentir comme une merde pendant plus de deux ou trois semaines. En attendant, je remets mon poker face, pour ne pas faire flipper les enfants, pour ne pas "déranger".

Et si j'ai fait de la merde avec vous, je vous prie de bien vouloir m'en excuser. Il y a des années où je suis pire que d'autres.

Note

[1] Et quand par miracle, je le fais, je me dis que la personne a bien assez donné pour que je l'emmerde encore, donc, bon.

mercredi 28 août 2024

Money money money

J'ai l'impression de ne parler que de fric, ces derniers temps[1]. Principalement pour dire que je suis fauchée. Mais ça me donne mauvaise conscience de dire ça : je sais fort bien que je fais partie des privilégiés.

En effet, après de nombreuses années de tripalium, j'ai l'honneur et l'avantage d'être passée au-dessus du salaire moyen des français employés du secteur privé. Du coup, assez nettement au-dessus du salaire médian. Bien, mettons-nous une claque dans le dos, ça n'a pas été rien d'arriver à avoir un revenu en vague rapport avec mon niveau d'expertise et d'expérience. Alors comment ça se fait que ça soit, à défaut de vraiment juste au quotidien, trop pour multiplier les vacances ?

Parce que, putain, pour une littéraire, je compte.

Alors OK, en tant que représentante des classes moyennes, je bénéficie de peu d'aides sociales. Ok mes enfants mangent. Beaucoup. Ils dilapident mes revenus en comté râpé et parmesan. Ok l'un d'entre eux pousse tellement que je suis revenue au stade du nourrisson à qui on refait la garde robe trois fois par an. OK on privilégie le frais au marché plutôt qu'à l'hypermarché (encore que la différence n'est pas saisissante). Ok j'ai un plan de vie qui fait que je privilégie un petit confort au quotidien plutôt que de se serrer la ceinture toute l'année pour une semaine de vacances de rêves.

Mais, quand même.

J'ai beau me foutre un peu de l'argent, j'ai une fâcheuse tendance à vivre dans le monde réel, quoi qu'on en dise, et c'est chiant d'arriver à 48 ans, 11 mois, 28 jours pour continuer à avoir des fins de mois difficiles à partir du 15-20 et à se demander quel abonnement on pourrait supprimer sans que ça ne soit une punition.

Soyons très clairs : je ne me plains pas. D'autant que j'ai encore de quoi me donner un peu d'air sous forme de concerts, bouquins, verres en terrasses ou à couvert selon la météo. Pas tout le temps, mais régulièrement.

Je m'effare des conditions de vie des gens qui sont vraiment vraiment fauchés, eux.

(Et que personne ne me conseille de me trouver un mec riche. Dans l'immense majorité des cas, les mecs riches aiment les femmes pas comme moi et tendent à s'intéresser à des sujets chiants, et quand même, faut pas déconner, on mangera encore du riz et des patates et marre plutôt que de se fader un conducteur d'Audi).

Oué. Fuquons le capitalisme, vivons d'amour,d'eau fraîche et de pinard, toussa.

Note

[1] A vrai dire j'ai l'impression de moins parler. J'ai des bouts de billets qui virevoltent et je soupire en faisant "meh". Peut-être trop d'exposition ces derniers mois, avec des conséquences un peu désagréables. Peut-être que je me fatigue. Peut-être que je rumine deux trois sujets qui me bouffent de l'énergie. Bref, aucune idée d'où je vais côté blogs et ça ne changera pas le monde.

vendredi 23 août 2024

On the road

J'ai songé en me mettant au volant que c'était sans doute la première fois de ma vie que j'allais faire tout le trajet de retour de chez mes parents seule au volant.

Je n'aime pas beaucoup conduire longtemps serait l'explication logique, elle cache un empilement d'autres choses, mais comme j'ai décidé de ne plus me laisser emmerder par ça, j'ai pris le volant, et puis voilà.

On a quand même coupé la route en une grande et une petite moitié, parce que bon, 900 kilomètres, quand même.

Premier jour : ambiance au top, circulation chiante et mistral dans la tronche. On était contents d'arriver à l'étape, même si on s'est, quelques heures après, accusés mutuellement d'avoir ronflé / gémi et empêché les autres de dormir.

Le lendemain, enfants ramollos mais route au top. J'étais donc là, à écouter Fontaines D.C. en me réjouissant du concert à venir, de ce chouette album (qui a fini de sortir aujourd'hui pour ma plus grande joie), à rouler vite[1] sur l'autoroute aussi dégagée qu'ensoleillée, mes mômes moitié endormis à côté de moi, chaque chanson comme un mini univers.

Je ne dirais pas que je ferais ça tous les jours, j'ai trouvé que ça n'en finissait pas, par moments, je suis encore sous le coup de la surprise d'arriver par le périph' (ça n'arrive jamais, c'est toujours tellement bouché que le GPS nous fait contourner de façon plus ou moins efficace) et voir en vrai la voie réservée aux JO !!

Nous voici rentrés, tous les trois bien contents de ce moment ensemble. Encore quelques jours de vacances pour moi, quelques uns de plus pour Lomalarchovitch. Cro-Mi est en cours de pré-rentrée. Les jours raccourcissent nettement, mais nos bonnes mines ont encore le goût de l'été.

Il est temps de planifier les prochaines vacances.

Note

[1] Dans la limite de la réglementation en vigueur

samedi 17 août 2024

La réinvention de la roue de la solitude

Je crois que c'est la chose qui est la plus (et la seule à être vraiment) effrayante, dans le retour à la vie célibataire : et s'il m'arrive quelque chose d'embêtant ? Accident, gros pépin de santé, dans quel délai vais-je mourir, qui, des chats et des enfants, me mangera en premier ?

Plus sérieusement, c'est surtout aux enfants, que je pense. Ils ont chacun un père, ils ne seront pas rejetés sur le rivage, mais quand même. C'est pas rien, un parent, quand on essaie de faire environ bien les choses. Il y a donc une sorte de responsabilité supplémentaire qu'on se créé à vivre seul avec charge d'âme.

Pour les angoisses de mort solitaire d'une vieille dame à chats, ça peut encore attendre un peu.

Pour être honnête, ça n'est pas non plus une pensée quotidienne qui me conduit à marcher en chaussettes antidérapantes pour éviter l'accident domestique bête, juste une pensée, de loin en loin, une vague inquiétude.

Il y a aussi l'épreuve de la réalité. L'autre jour je disais que j'ai peu de goût pour les fêtes "conventionnelles" dont mon anniversaire. C'est plutôt une bonne nouvelle, car ce qui me reste des 13 derniers, ce sont ceux pour lesquels les ami(e)s ont mis la main à la patte d'une façon ou d'une autre. J'ai perdu l'habitude que quelqu'un fasse "quelque chose" de particulier (à part me laisser choisir la sauce de la pasta) à cette occasion si je ne l'ai pas expressément demandé.

Mais là, dans la vraie vie, on verra si je fais autant la maline. Et ça approche à grands pas. Peut-être que j'y pense aussi parce que c'est la première fois depuis longtemps que je suis réellement seule à cette date ? Effet de cap à passer qui s'accroche à ce qu'il peut ?

Je ne suis pas très inquiète ; dans aucun des cas possible il n'y aura de drame. Juste un de ces moments où la vie peut, éventuellement, ricaner un peu en disant "tu fais toujours la fière avec tes cases dont tu n'as rien à faire ?"