Sacrip'Anne

« Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout. » (Colette)

vendredi 6 décembre 2024

Mon (coûteux et improbable) fauteuil de bureau

Je ne sais pas m'asseoir.

Enfin : je ne sais pas m'asseoir poliment.

Etre assise sans être en tailleur, ou semi tailleur, une jambe coincée sous l'autre, à cheval ou que sais-je encore m'est une torture. En plus j'ai facilement mal au dos, le TMS[1] facile, bref, une sorte de princesse au petit pois de la chaise ou du canapé.

J'ai donc testé, les uns après les autres, plusieurs assises pour mon bureau de la maison, du ballon au siège "japonais", rien ne m'a convaincue très longtemps.

Un jour, j'ai vu sur les internets de la pub pour un fauteuil qui s'ajustait de mille et une façons différentes ; j'en suis tombée en admiration immédiation.

J'ai cliqué, recliqué, pesé le pour (waouh), le contre (le prix, le risque du crowdfunding). Et un jour de premier confinement, j'ai craqué. J'ai dépensé 3OO balles pour l'idée d'un fauteuil.

Les gars nous tenaient au courant, mais ils ont enchaîné problème majeur sur avanie contrariante, entre la pandémie, la fermeture des échanges avec les pays producteurs de matières premières, etc. Quoi qu'il en soit, ils envoyaient des nouvelles tous les mois. Quand les premiers impatients ont commencé à crier à l'escroquerie, je me suis rassurée à coups de newsletters, en me disant que les escrocs, ça prend le pognon et ça se casse en silence. Là, peut-être, juste, ils n'arriveraient jamais au bout du projet, ça n'est pas exactement pareil, si ? Non ?

Et puis le jour est venu où les fauteuils ont été produits, envoyés. Bon, le coût du transport était très élevé, mais j'avais deux ans et demi de rêve derrière moi, alors pourquoi laisser tomber maintenant ?

Le fauteuil est arrivé (ha ! Mon fauteuil exiiiiiiste ! Ca n'est pas une escroquerie !!!!).

Je suis allée l'autre jour sur le site des fabricants, j'ai finalement fait d'excellents choix de vie : le fauteuil coûte maintenant près de mille balles (d'euros). Et est en rupture de stock continue : je crains que le projet n'ait pas été assez rentable pour vivre longuement.

C'est ainsi que je m'assieds plusieurs jours par semaine sur l'un des rares (quelques milliers ? Dizaines de milliers ?) fauteuils identiques au mien répartis dans le vaste monde. Il répond presque parfaitement aux rêves qu'il avait provoqués en moi il y a plusieurs années maintenant.

J'écris ce billet assise perpendiculairement au dossier, en tailleur, l'un des accoudoirs me soutient le dos, l'autre est abaissé pour que je puisse, quand j'aurai envie de bouger, étendre mes jambes. Le dossier est incliné parallèle au sol, ma tasse de thé posée dessus. Tout au long de la journée je vais prendre les positions les plus improbables, comme un enfant sauvage à qui on aurait échoué à apprendre l'usage d'une chaise ou d'un fauteuil. Les chats se percheront dessus, Et pas un instant je ne regrette le trou de mon compte en banque et les années d'angoisse à l'idée de ne jamais le sentir sous mes fesses.

Lomalarchovitch, atteint depuis le plus jeune âge par la même incapacité que moi et ObiWan également très heureux de mon achat.

Note

[1] Trouble musculo squelettique

dimanche 1 décembre 2024

Back back back again

Je suis d'un tempérament un peu, comment dire ? Excessif, parfois (?)

Du genre à peut-être aller parfois un peu plus loin que ce qu'on me demande, disons. A chercher à offrir du bonheur à l'autre sans trop compter ma peine. Je fais gaffe à ça, depuis quelques temps, parce qu'il m'est arrivé souvent de me dévouer pour le bien être de qui ne m'en avait pas tant demandé et d'en concevoir quelques frustrations lorsque je me sentais, de mon côté, complètement... ignorée dans mes envies et besoins.

Comme beaucoup de choses dans la vie, on est jamais mieux servie que par soi-même (et le diable sait que j'adoooore me faire servir, pourtant, une réf qu'aucun de vous n'aura, mais ça me fait rire de poser la blague là).

Donc : pas question de mégoter sur une forme de goût du partage, mais ne nous oublions pas dans la distribution.

Bref, je vais aller chercher mon pins. Ca fait deux jours que je me réjouis à peu près en silence. Que dis-je : je jubile !

Après avoir rêvé à l'idée, calculé les sous qui tombent à la fin de l'année, exploré mes envies, j'ai décidé que le premier week-end de l'année, celui où Lomalarchovitch sera chez son père et Cro-Mi sait-on où, moi, je serai à Amsterdam.

Tournée de musées prévue, frustrée de ne pas avoir visité certains, envie de revoir l'autre (celui où se trouve le pins en question ; je vais peut-être en prendre une demi douzaine pour la route...)

Seule.

Cool.

Enfin pas très cool car ça sera un court week-end et j'ai déjà un bon programme, mais cool quand même. Juste moi et mon bon vouloir à prendre en charge.

Amsterdam
avr. 2023

Il fera froid, probablement ; je vais à nouveau m'émerveiller du fait qu'avec de l'anglais et des souvenirs d'allemand, ou peut-être une sorte d'atavisme flamand, j'arrive à sortir une idée générale du néerlandais écrit (vraiment générale, hein, ne comptez pas trop sur moi pour les nuances). Je vais à nouveau trouver qu'être là-bas c'est exactement comme être dans l'idée qu'on a de là-bas. A mon pas, à mon rythme. Personne à tirer, traîner.

J'ai choisi un hôtel au pied du Rijksmuseum, ou à peu près, je pense bien pouvoir faire ma "boucle" à pieds pour profiter de l'air du temps, de l'ambiance, de la ville, aussi.

Et ça va peut-être vous sembler ridicule mais j'avais un peu la larme qui coulait, en appuyant sur le bouton qui confirme la commande. Pas de tristesse, pas de nostalgie. Mais putain, je vous le dis, c'est pas mal bon de bien se traiter.

Je ne sais pas si un jour, il y aura dans ma vie quelqu'un avec qui ça sera vraiment, sans arrière-pensées, incroyable de partager ce genre de moments. Encore moins si ce quelqu'un sera capable de rebondir sur mes rêveries, mes quarts de mots et me surprendre en ayant l'idée tout seul (mon amie N. dirait : "We should have worked harder at being lesbians for that", même pas en rêve un mec est capable de ça).

Mais vous savez quoi ? Que ça soit le cas ou non, ça n'enlève absolument rien au plaisir que je me fais avec ce cadeau-là.

Je vous rapporte un squelette au crâne fumant ?

mardi 26 novembre 2024

Comment savoir que votre fils est un garçon

Je me lamente beaucoup, en ces lieux, sur l'âme chaotique de Lomalarchovitch, qui sème une quantité improbable d'objets sur son passage, a une mémoire à 30 secondes en ce qui concerne les contraintes et, globalement, cherche les limites de ma patience sur une base quotidienne.

Il faut pourtant lui reconnaître un grand coup d'éclat depuis ce début d'année scolaire : pas une fois il n'est arrivé en retard au collège alors que, trois fois par semaine, il se lève et se prépare seul, pendant que je sirote mon café, seule et sereine, sur le rooftop du bureau.

Enfin, sereine.

Sauf quand il m'envoie un message en mode alerte maximale sur son état de santé une minute avant son départ sur le collège ("j'ai le nez qui coule je suis atrocement malade je ne veux pas aller au collège s'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît").

Après quelques montées d'adrénaline, je lui ai expliqué qu'il était impossible de me prendre en otage de la situation, à devoir prendre une décision à distance et en quelques secondes.

Il s'y plie de plutôt bonne grâce.

Mais depuis je reçois, quasiment toutes les semaines, des SMS de type :

"J'ai le nez qui coule mais je pars 'quand même dans 1 minute".

"J'ai le nez qui coule, mal à la tête et ma température est de 0.3[1] mais je pars quand même dans 3 minutes".

"Je suis habillé mais j'ai mal au ventre et à l'épaule gauche, j'y vais quand même[2]."

Comme ils m'ont dit avec beaucoup de sagacité en salle d'accouchement : vous avez un garçon en pleine forme, Madame. Enfin en pleine forme, avec des rhumes d'homme, quoi.

Mon fils, ce martyr.

(Voyons le bon côté des choses, si je vais encore réchauffer le climat à force de soupirs, vous en avez pour quelques années à rigoler grâce à lui).

Lomalarchovitch aux rhumes d'homme
déc. 2023

Notes

[1] Comprendre, 0.3 degrés supérieure à sa norme personnelle, que personne ne panique, il n'est pas mort.

[2] Haha, en plus on peut jouer à Docteur House grâce à lui : douleur à l'épaule gauche et mal au ventre, c'est soit un lupus, soit une scolarite aiguë ! Commencez les traitements, s'il ne meurt pas, c'est que j'ai raison !

lundi 25 novembre 2024

Fucking ronchon

Depuis hier fin de journée je suis ronchon.

Pas dans un genre "ça va mal", non, juste ronchon. J'ai envie de mordre, un peu, de rouméguer, y a rien qui va (mais rien qui va vraiment mal non plus).

Faut dire que le futur docteur qui me prend pour le room service quand il invite sa douce moitié, le tout en me disant qu'on "va manger chacun de notre côté, ça va être sympa" (comprendre : merci de nous foutre la paix), ça va deux secondes.

Novembre, aussi, je n'aime pas trop novembre. Et puis on a pris 15° en 48 heures, on en a déjà reperdu 6 ou 7, je ne comprends rien à la météo, ça me saoule.

Et puis la retombée de beaucoup de belles émotions de la semaine d'avant. Je n'en finis pas d'essayer de reprendre prise avec la vraie vie, j'y arrive modérément.

Un truc auquel je vais devoir dire non et me battre pour mon non (ou ses conséquences).

Un autre dont j'aimerais bien qu'il tombe tout seul mais pour lequel il va falloir aller au charbon, je ne sais pas combien de temps, est-ce que je m'en fous, vraiment ? Peut-être qu'un peu plus souvent j'aimerais que ça aille de soi.

Et les trucs à la con, du genre tu as le rhume qui monte mais faut tout gérer quand même, est-ce que c'est humain de trier/ plier/ranger quatre lessives quand on a le rhume qui monte ? Non, évidemment. Est-ce que quelqu'un va le faire à ma place ? Non, évidemment.

Je suis fucking ronchon.

Deal with it (ou envoie du doux)

Mon chat Maïa avec sa dégaine d'ado rebelle
Mon chat Maïa avec sa dégaine d'ado rebelle

mercredi 20 novembre 2024

Noirceur et Kintsugi

Je ne sais pas très bien où va aller ce billet, à vrai dire. Tout n'est pas bien rangé à l'intérieur de ma tête (l'essentiel y est rarement bien rangé) et plein de pensées différentes se croisent ces derniers jours. Envie de les poser là pour les regarder de plus haut. On verra bien.


***

J'avais envie de parler de noirceur, de zones sombres. Mes goûts, en littérature, en musique, par exemple, me portent souvent sur des œuvres qui m'amènent à explorer ma propre part d'ombre. Sans doute parce que j'ai la chance d'avoir un instinct qui me pousse vers la vie, vers la joie assez facilement, ça ne me fait pas peur d'aller contempler les sujets moins légers (la joie est-elle légère ? Pas si sûre). Je crois qu'il n'existe pas de vie qui ne soit confrontée à la peur, à la douleur, physique ou morale. Et qu'il est important de savoir naviguer dans ses propres tourments. Qu'il y aura un après, quel qu'il soit. Que ça aussi, c'est vivre. Ou alors c'est la fin et on y peut pas grand chose.

Bien sûr il n'est pas question d'aller mal et de tout faire pour que ça dure, mais de prendre conscience que ça existe et que c'est ok. Il faut de l'aide parfois, souvent, ça dépend de vous. Il y a des moments qui paraissent insurmontables. Dans mon cas, ça s'assortit souvent d'une impression globale qu'il est inutile de casser les pieds du monde avec et de planquer ça sous de grands sourires et des blagues pas très brillantes. Pas ma stratégie la plus maline. Mais hey. Il existe des gens plus intelligents que moi qui savent briser barrages et défenses. Merci à eux. Il y a des périodes où on ne peut pas en prendre plus et il faut évidemment se préserver. Trouver tout ce qui peut nous soutenir pour faire ce chemin, que ça soit en nous, ou pas.

J'ai une collègue qui s'assied souvent en face de moi. Elle se vante souvent de n'être que positivité. Je sais bien qu'elle est plus complexe que ça mais le discours ambiant sur le mental, l'injonction à être positif, me dépasse beaucoup. Ca me paraît tellement plus dur de lutter contre une douleur en voulant s'obliger à être positif que d'accepter de se laisser traverser. Et bien sûr qu'on peut relativiser, mettre à distance ou en perspective. Bien sûr qu'on est rien du tout dans l'univers et que tout ceci n'est que poussière d'étoile à l'échelle globale. A la notre, c'est parfois un drame qui se joue, parfois tellement moins grave. Qu'on a le droit d'accueillir. Et avec un peu de chance, de laisser partir, un peu plus tard.

J'aime accueillir la joie, la pulsion de vie, qui éclabousse nos existences de lumière. J'aime aussi que les ombres vécues où à venir lui donnent de la saveur en plus. Caravagisme ? Peut-être.

Depuis quelques semaines je me sens enfin vraiment dans l'après de deux années difficiles. Je commence à me retourner et à mesurer tout ce que j'ai appris au passage. De ma relation avec ma mère, notamment. De ma relation avec moi. J'ai l'impression d'avoir plus grandi en 24 mois que pendant les dix années précédentes. Je ne sais pas si, sans ce bout de route chaotique, j'en serais là aujourd'hui ; mon "là" d'aujourd'hui me plaît pas mal.

Ces morceaux de moi, qui ont volé en éclats après les chocs successifs, se regroupent et se rassemblent, nettoyés de leurs scories. C'est bon.


***

La semaine dernière a été un peu folle. Trois concerts, une soirée avec une amie, un ciné avec Lomalarchovitch.

J'y ai constaté que j'étais à nouveau capable de sentir des nuances dans la fatigue. Yeah. Ca va mieux.

Dans l'un des concerts j'ai pris une bouffée d'énergie folle. Dans l'autre la douceur d'un cocon intime, d'une qui écrit ses chansons avec de tout petits bouts de sa vie, des instants qu'on pourrait juger futiles, et en fait des histoires qui touchent. Du troisième des émotions que je n'ai pas fini de trier. J'ai m'y suis retenue de pleurer. Des larmes qui ne sont pas négatives, ce genre d'émotions qui arrivent quand l'art nous rend plus grands que nous, nous ouvre un univers immense dans lequel on reconnaît, néanmoins, des morceaux de soi. Pas envie de partager ce bout-là avec 19 999 autres personnes. Je prends mon temps pour ressentir ce qui s'est joué (littéralement, figurativement).

Puissance de la musique qui, depuis la nuit des temps, nous rassemble, nous fait toucher du doigt des choses puissantes, à nous, tout petits morceaux d'humains.

A la fin de ce dernier concert, parmi plein de pensées qui tourbillonnaient en moi, il y avait cette idée que nos morceaux qui se rassemblent, après les chocs, les moments durs, se ressoudent, c'était un peu du Kintsugi humain. Qu'on se répare et que les traces de nos brisures nous rendent plus beaux que les objets initiaux.

Ca n'est pas une idée d'une originalité folle mais je l'aime quand même, cette image. Je me suis retrouvée et les traces qui me restent de ces deux dernières années rendent l'ensemble mieux que son état initial. Enfin, vu de l'extérieur, je n'en sais rien. Mais de l'intérieur, oui, vraiment.