Aussi loin que je me rappelle, et ça commence à faire un peu loin, j'ai toujours eu un livre à la main, une ou plusieurs histoires en cours. J'ai choisi mes études pour avoir un prétexte pour lire encore plus. Je fais un métier où la lecture et l'écriture ont une grande place dans mon quotidien.
Je l'ai écrit, déjà, quelque part (flemme de plonger dans quasi 20 ans d'archives) mais depuis toujours les livres sont mes copains, mes mentors, mes voyages et mes rêves.
Ouvrir un bouquin pour moi c'est comme sauter dans un Tardis pour une promenade dans le temps et l'espace. Au bout de ma rue ou dans un univers totalement fictif, la semaine dernière, dans 2 000 ans ou bien il y a 40 000, une porte s'ouvre et l'exploration commence.
Je lis de tout, j'ai beaucoup d'indulgence pour des livres imparfaits mais dans lesquels je ris, pleure m'indigne, tombe amoureuse d'un personnage, déteste un autre, suis en colère, émue, touchée au cœur, à l'âme. Je n'ai aucune indulgence pour un livre dont la lecture m'ennuie (mais suis capable d'aller jusqu'à la fin au cas où il se passe quelque chose de génial dans les quatre dernières pages. C'est rarement le cas).
Pour autant, je n'aime que très modérément les réunions à visée culturelle, où l'on trouve parfois quelques personnes très fières d'être lecteurs avertis. Entendre des choses très élaborées sur les intentions et influences d'un(e) auteur(e) m'est rarement inspirant. C'est que, voyez-vous, chez moi il n'y a rien d'intellectuel dans la lecture, c'est une activité viscérale et passionnée.
Prenez Emma Bovary en moins dépressive et plus marrante (j'espère !) et vous aurez un début d'idée.
De la même façon, alors que pour un ancien boulot, il m'est arrivé souvent d'accueillir des gens un peu connus, je ne cours pas forcement à la rencontre de ceux dont la plume m'a touchée.
Une petite superstition, la peur d'être déçue, un peu.
Et puis aussi, admettons-le, bien que ne me sentant pas du tout dépourvue de confiance en moi (certains diraient : pas assez dépourvue !) dans la vie de tous les jours, et pas très souvent intimidée par qui que ce soit, il en est, quand même, quelques uns, qui m'ont donné tant de plaisir à les lire, de rires, de larmes et d'émotions que je me retrouve comme une pré ado pas très dégourdie en leur présence. Complètement con, même, pour dire les choses comme elles sont.
Parfois, j'envoie balader tout ça. Mon peu de goût pour les endroits où l'on s'applique à faire démonstration de sa culture, ma crainte de la terrible désillusion (je vous rappelle, je suis une émotive), l'agacement vis-à-vis d'un bout de moi qui perd ses moyens. Parce que derrière des mots il y a un humain dont le regard m'a souvent fait sentir moins seule au monde par exemple.
Parce que ça serait trop con de louper ça, tout simplement.
Hier soir était donc une soirée où j'ai envoyé paître tous ces trucs encombrants pour aller rencontrer un auteur qui m'a accompagnée toute ma vie adulte. J'ai ri, j'ai héroïquement réussi à retenir quelques larmes. J'ai essayé de lâcher prise sur la conscience de ma propre connerie.
Et je suis sortie de là en me disant que je ne sais pas si ce qui me plaisait le plus, c'était de le lire ou d'apercevoir en lui des choses que je reconnais souvent dans les humains qui me sont chers.
(Et aussi, j'ai fait scandale en souriant dans le métro parisien et rencontré en en sortant une dame prénommée Noisette, barmaid de 36 ans d'expérience, veuve, deux fois déracinée, nouvellement fiancée, qui m'a donné une telle bouffée de jolie humanité un peu décalée et réjouissante en quelques minutes que c'était la conclusion parfaite à cette soirée).