La vie et toutes ces sortes de choses

vendredi 18 avril 2025

On change, on vieillit

J'ai dû me faire, ces jours-ci, un aveu qui ne m'a pas plu du tout.

Imaginez-vous bien que, depuis 49 ans — bientôt 50 —, je me promène avec cette sorte de résilience à toute épreuve : dure à cuire mais sensible quand même, capable de me remettre sur pied, blablabla, bullshit and so on.

Bon.

J'ai constaté que je gérais moyennement bien la tristesse, en ce moment.

Enfin, on se comprend. La paire d’années 2023-2024 est passée par là, terrifiante à plus d’un point de vue : crainde de perdre ma mère, perdre un ami, me jeter à corps perdu dans une nouvelle tranche de vie, galérer tellement à trouver le bon dosage de la bonne molécule que j’ai cru, parfois, ne plus jamais me sentir bien.

Vous allez vous foutre de moi, mais ça prend du temps de se remettre, figurez-vous. Y a pas un jour youpla, tout va bien à nouveau, ou presque.

Il y a du mieux qui gagne, petit à petit. Et puis des jours sans, avec ou sans raison évidente.

Et des jours tristes, parfois.

Pas un drame.

Avant, quand j’étais triste, j’étais juste triste. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, s’il le fallait. Je traînais mon drama le temps qu’il fallait, en général quelques heures, quelques jours, et puis c’était reparti.

Maintenant, quand le flot monte, je sens mes épaules remonter jusqu’à mes oreilles, tout mon corps se crisper, et un cri du cœur qui dit : « Oh non, putain, ça revient. »

Une sorte d’onde de choc qui n’en finit plus de se propager en cercles concentriques — mais dans l’autre sens (je fais les images bizarres que je veux, c’est mon blog, bordel).

Fort heureusement, ça passe. De plus en plus vite, j’ai l’impression. Mais ne nous portons pas la poisse avec des constats trop optimistes.

On change ; je n’ai plus de super-pouvoir pour contrer la tristesse.

On vieillit ; les stocks d’insouciance sont de plus en plus bas chaque année. Raison de plus pour en fabriquer dès qu’on peut. Ne serait-ce que quelques secondes.

mardi 15 avril 2025

La courbe de digestion

Il y a une courbe de la digestion.

Sur le coup, trois stratégies possibles. Toutes perdantes. "Mal" réagir, s'offusquer, crier, reprocher. c'est la porte ouverte au "tu n'as pas d'humour, tu te prends au sérieux, tu interprètes" et à l'ouverture d'un conflit que je n'ai aucune envie de déclencher. Comme dans tout acte de terrorisme, il y a des victimes collatérales et le moins elles s'en prennent plein la gueule par ma faute, le mieux je peux me regarder dans le miroir.

Ne pas réagir. Faire comme si la flèche n'en était pas une, rire pour de faux, ignorer, répondre à côté ou très sérieusement. Faire la bête. C'est celle que j'emploie le plus souvent. En toute connaissance de cause ; faire comme si de rien n'était, c'est lui donner le droit de recommencer. De toute façon il le prendra. Il aura la satisfaction de son trait d'esprit, pas celle de me voir me tortiller de douleur sous son nez et de pouvoir enfoncer le clou.

Supprimer les contacts, ce qui reviendrait à ne plus en avoir, ou quasi pas, avec une de mes personnes préférées au monde.

Il y a quelques jours je faisais ce que je pouvais pour esquiver souplement. Autre chose à foutre, plus urgent, plus prioritaire. Après tout, on ne parle pas de coups ou d'agressions physiques d'aucune sorte. Mettons ça à la bonne hauteur sur l'échelle de la gravité.

Même la Bavarde, qui a utilisé ce carburant avec délectation pendant des années, soupire, lève les yeux au ciel et me regarde l'air de demander si je le crois ou pas.

Non point. Plus maintenant.

La courbe de la digestion, donc. J'encaisse la violence des mots, j'ai un peu pitié de lui. Puis j'ai honte pour lui des dommages qu'il fait aux autres, aux miens. Puis vient une colère triste. Ca, c'était cette nuit. Et la vie reprend son cours, lentement.

Qu'on ne me demande pas ce qu'est cette résistance à planifier la prochaine occasion, pour autant[1].

(Une photo sans aucun rapport et pour laquelle j'ai renoncé à la fois aux concepts d'horizontalité et de verticalité.)

Note

[1] Je sais, tout ceci est cryptique.

vendredi 11 avril 2025

Mes copains du métro

En finissant de rentrer de ma belle bleue, tout à l'heure, j'ai fait connaissance d'une bande d'enfants dans le métro. Une demi douzaine d'enfants vifs et joyeux, cornaqués par une dame entre deux âges.

Au fil des places qui se libéraient autour de moi, je me suis retrouvée cernée par une, puis deux, puis trois, puis une autre en biais. Celle assise à côté de moi admirait les pattes d'épaule de mon perfecto, qui lui auraient tout à fait convenu pour garder en place son sac à dos, a-t-elle fini par me confier. J'ai cru voir un œil jaloux sur mon propre sac à dos mais ceci est une autre histoire.

Elle m'a ensuite fait admirer les lunettes de soleil de sa camarade assise en face de moi ; forme de coeur, strass, la paire parfaite pour une gaminette de 7 ou 8 ans qui s'exclamait "tout le monde me regarde ! "

Miss Sac à Dos me dit alors "c'est la marquise de Carabas !"

Je lui ai aussitôt demandé des nouvelles du chat botté, qui ne lui disait rien a priori, mais lui est revenu en tête quand toute la bande s'est mise à lui rappeler l'histoire, ou en tout cas une version approximative.

Miss Sac à Dos trouvait d'ailleurs que le chat botté n'avait pas de cœur, à manger de délicieux petits mammifères.

C'est ainsi que toute la bande a fini par rigoler devant une photo de Maïa en train de bouffer le vert des poireaux qui dépassait de la poubelle. "Vous lui direz, qu'elle est bizarre, les chats, ça ne mange pas de poireaux". Je lui ai répondu que j'étais bien d'accord avec son approche diététique mais que le chat ne m'avait pas cru.

Ma station est arrivée et je les ai quittés en leur disant que j'étais très heureuse de les avoir croisés.

Ils m'ont fait de grands saluts et j'ai fini mon trajet ravie de nos échanges absurdes et drôles. J'aime, chez les enfants, cette capacité à s'engouffrer dans n'importe quelle conversation, je ne sais pas ce qu'il faudrait changer au monde pour qu'ils la gardent en vieillissant.

Maïa the vert de poireaux slayer
avr. 2025

vendredi 4 avril 2025

C'est l'attention qui compte

J’ai peu de goût pour les cadeaux-obligations, ceux dans lesquels on ne met rien de soi, où l’on se contente de cocher une case sur sa liste. Ceux derrière lesquels on se cache en disant : « C’est l’intention qui compte, hein ! »

Bah non. C’est l’attention qui compte.

Et ce n’est pas si courant, dans la vie, d’avoir justement l’idée de quelque chose qui plairait à l’autre. Il y a toujours une sorte de pari — des paris, même : celui de louper le coche, de ne pas avoir réussi à transmettre… l’intention.

L’autre jour, une amie me disait : « Offrir un livre, ce n’est pas un cadeau personnel. »

J’ai ri, parce que si.

Enfin non — pas si on attrape le premier bandeau rouge venu, au prétexte que l’autre aime lire.

Mais je pratique depuis longtemps avec ma mère — et assez assidûment ces derniers temps avec pas-ma-mère — une forme de communication très particulière, à base de : « Si tu es comme je crois que tu es, tu vas sans doute aimer ce livre qui m’a fait de l’effet. » Croyez-moi, c’est personnel. Pour moi, ça l’est, en tout cas.

J’adore quand surgit l’idée d’un cadeau pour quelqu’un. J’ai autant de joie à préparer mon méfait que, j’espère, la personne à qui il est destiné en aura à le recevoir. Et souvent, c’est ça aussi, le cadeau : l’attention particulière, la pensée qu’on a pour l’autre, ce que ça dit de notre histoire partagée.

En ce moment précis, je me consume d’impatience et d’excitation à l’idée de voir une idée qui a pris forme. Encore plus à la transmettre à celle ou celui à qui elle est destinée.

J’aime, quand je reçois une attention, sentir la pensée de celui ou celle qui offre derrière. Cette espèce d’urgence à savoir si l’effet est bien celui espéré. J’ai de la chance, j’en reçois, des gestes d’attention. C’est parfois totalement immatériel, parfois pas.

J’espère que la personne à l’autre bout sent que mon sourire persiste absurdement sur mon visage — entre autres symptômes que l’attention a touché juste.

« Et c’est quoi votre budget ? » On s’en fout.

Parfois, ça ne coûte rien : c’est un moment partagé, un lien qui mène à quelque chose qui va nous réunir en pensées.

Parfois, ça se monnaie. Et là, on fait comme on peut. Mais la corrélation entre prix et pensée est rarement le principal critère de pertinence.

La date peut être très accessoire, aussi. Chaque occasion fabriquée se suffit à elle-même. On se fout des anniversaires et autres dates imposées, non ?

Ce qui est essentiel, c’est de savourer, quand on a dans sa vie, des gens qui sont touchés par ce qu’on leur offre — et qui nous touchent et nous surprennent en retour.

C’est toi, le cadeau, ai-je souvent envie de dire.

Des tas de cadeaux à lire, parfois complètement à côté de la plaque, parfois des trésors qui nous resteront dans le cœur toute la vie. (N'essayez pas de lire les titres d'ici, petits curieux, de toute façon mes préférés absolus sont dans ma chambre !)

mercredi 2 avril 2025

Ma grand-mère est morte, je n'ai plus d'aïeux

Or donc voilà. Je l'ai vieillie d'un an hier en commençant à annoncer la nouvelle, ma grand-mère est morte hier à 103 ans trois quart. On est plus à ça près quand on en est arrivée là.

On ne va pas refaire son portrait. ll n'y a plus rien à en faire. Je flotte un peu. Pas du tout bouleversée, mais quelque chose a changé.

Juste dire qu'au milieu de milliers de choses qui n'ont jamais fonctionné entre nous (ouah, cet euphémisme), il y a un grand miracle qui est sorti d'elle et dont je suis sortie : ma maman.

Comme quoi on peut être une merveilleuse personne avec un modèle maternel défectueux.

Alors voilà, je crois que je vais m'arrêter là.

Merci pour ma maman.