La vie et toutes ces sortes de choses

mercredi 19 juillet 2023

Mon guide ultime pour lire "Ulysse" de James Joyce

Ce titre est un pur mensonge. Une putacliquerie de haut vol. Une escroquerie majeure. Chacun lit bien ce qu'il veut quand il veut et comme il veut. Mais comme ça m'a fait rire d'élaborer cette stratégie de lecture, autant partager (et merci Thierry pour le feu aux poudres de l'élan pour écrire le billet !)

Or donc il y a quelques mois j'écoutais avec intérêt parler de la traduction en français d'Ulysse, de James Joyce.

A ma grande honte, j'étais à cette époque (février dernier, donc) arrivée sur cette pente descendante qui mène avec brutalité à la cinquantaine sans l'avoir ouvert. Et ça prétend aimer les histoires. Et avoir fait des études de lettres. Imposteresse, va ![1]

Alors j'ai tourné un peu autour de l'idée. Lu un peu "autour" de l’œuvre. Attrapé les mots "flux de pensée". Ça m'a bien plu, ça, moi qui suis strictement incapable d'arrêter les miennes.

Et puis mon bureau a déménagé et j'ai commencé à prendre les transports en commun. Quel régal ! (non je ne plaisante pas. Quiconque a trois enfants et récupéré une grosse demi heure de lecture par jour "sur site" saura à quel point c'était une bonne nouvelle !). J'ai donc fait l'acquisition d'une toute petite liseuse qui tient dans la petite poche de mon sac à dos, et j'y ai mis le long roman.

Vous pourrez bien débattre des vertus du papier contre l'électronique, moi, j'aime les deux. Mais pouvoir lire 1 600 ou 1 700 pages sans se faire une tendinite ou blesser son voisin de ligne 13, ça présente des avantages certains. Et surtout : c'est pas décourageant de se dire "il me reste tout ça !"[2]

Lecture dédiée aux transports en commun, donc. Incluant les transports en commun de longue distance : j'ai emmené Bloom à Marseille en TGV. Il a bien aimé, je pense. Parce que ça déambule sérieusement, dans Ulysse. Donc si moi aussi j'étais en mouvement en lisant, c'était logique, non ? [3]

Dernière règle de lecture : puisqu'on est dans le flux de pensée, on avance. Si je m'emmerde ? Je continue. Si j'ai loupé un bout ? Pas grave, on avance. Ce n'est pas le genre de roman pour lequel, si vous loupez une phrase, vous risquez de ne pas comprendre qui a tué le Colonel Moutarde avec le chandelier dans la cuisine. Et si vous êtes comme moi vous le refermerez en ayant principalement l'envie de le recommencer. Donc pas de problème.

Et donc j'ai lu. Je l'ai emporté avec moi, dans le Var, à Marseille, dans le 9e (de Paris), un peu dans le 15e et le 10e (toujours de Paris) aussi. On a passé deux mois ensemble. Je m'étais interdit de lire hors des moments de transport juste pour le plaisir de me frustrer un peu et d'avoir encore plus hâte de le reprendre. Quand je vous dis que je ne suis pas une lectrice très sérieuse, ni érudite.

J'ai loupé deux fois ma station de métro. Eclaté de rire plusieurs fois dans un bus ou un train ("le ciel incertain comme un derrière d'enfant", ça va me durer jusqu'à mon dernier souffle, je la recase dès que je peux). J'avais peur un peu, de la dernière partie, je l'ai adorée.

Et quand je l'ai fermé, Molly et Leo ont continué à flotter autour de moi. Je pense à eux, souvent. Je ne comprends pas pourquoi tant de gens s'en font une montagne, qualifient ce bouquin d'illisible. C'est juste la vie qui grouille et les humains, tels qu'ils sont, absolument imparfaits. Et vivants.

Je me dis parfois qu'il faudrait que je relise l'autre, Ulysse, pour mieux avoir les clins d'yeux en tête. Mais je trouve que c'est un récit fait pour être raconté, et pas lu, alors je renâcle. Et que je potasse un peu mon histoire de l'Irlande. Mieux choper certaines choses. Mais tout ça n'a pas été nécessaire à passer un formidable moment.

Du coup mon vrai conseil de lecture, si vous en voulez un : arrêtez de prendre les histoires au sérieux. Prenez les au vol, surtout, et laissez-vous embarquer, laissez votre cœur battre.

(et si vous n'en voulez pas ne lisez pas la phrase au-dessus).

Notes

[1] J'invente des mots si je veux.

[2] d'ailleurs c'était un préjugé qui s'est retourné contre moi. Sur la fin j'ai ralenti tant que j'ai pu tellement je n'avais pas envie que ça s'arrête.

[3] Oui, je suis un peu folle, mais une fois la phase d'adaptation passée c'est généralement la raison pour laquelle les gens m'aiment.

samedi 24 juin 2023

L'invasion bourgeoise est en route

Je vis depuis 18 ans dans un quartier populaire de Colombes. Pas celui qui est tristement célèbre pour ses règlements de comptes entre dealers, celui tout à l'opposé.

Il y règne une atmosphère détendue et familiale. La foule y est multicolore, multiconfessionnelle (on m'a même dit qu'on y trouve une famille pastafariste !) Et nous avons parfois, souvent, fait partie des "derniers servis" en termes de travaux et aménagements au détriment des quartiers bourgeois à habitants mieux payés.

J'y mets régulièrement 30 minutes pour faire 200 mètres, à force de croiser voisins ou inconnus avec qui on fait les bazarettes[1] et c'est l'une des choses que je préfère, dans mon quartier. Ce côté "tout le monde parle avec tout le monde". Les immeubles y sont globalement assez laids, la vue, moyenne, la vie commerçante limitée mais on a une énorme médiathèque (dorée) (si je vous jure), une troupe de théâtre de rue et un établissement musical difficile à définir qui garantissent une animation régulière.

Mon quartier s.png, juin 2023
Mon quartier à Colombes

Mes enfants vont tous dans les établissements publics du quartier. Le petit dernier, seul blond aux yeux bleus de sa fratrie, fait très visage pâle à côté de beaucoup de ses copains de classe. Les enseignants sont très souvent militants, surimpliqués et très fiers de leurs mômes de banlieue. Faut dire, à voir les bulletins scolaires de mon aîné, ils peuvent !

Ne nous leurrons pas. On est blancs et même si chez les "riches", on est dans les plus pauvres, pour les revenus moyens du quartier on est dans les grands bourgeois. Pour autant, les VRAIS bourgeois, dans ma ville, ils habitent d'anciens pavillons ouvriers agrandis et aménagés classieusement, avec des jardins. Voire des maisons en meulière. Bref, ils ne viennent pas s'entasser à 5 humains, 2 chats, 1 chien dans 78 m². On est à cheval entre deux classes. On a pas les moyens des grandes maisons et des jardins. Et les codes bourgeois nous font un peu chier, on s'y sent bien, nous, dans notre quartier, j'y ai de jolies relations avec quelques autres mamans d'élèves, notamment. Bref, on l'aime comme il est. Surtout avec le petit coup de ravalement qui sévit ses dernières années. On a perdu un peu en végétalisation foutraque, mais gagné en pimpant.

Fait important, mon quartier, il attend son tramway. On en parle depuis que j'ai emménagé et il ne sera pas là avant quelques années encore, mais il est sur le chemin, si j'ose dire, alors que ses rails ne sont pas encore dans nos rues. Il aura juste mis 25 ans, en somme. Le "tramvé" [2], il va sacrément désenclaver le coin. C'est le symbole des espoirs de gentrification qu'entretiennent les promoteurs immobiliers depuis presque deux décennies.

On a un Leclerc à quelques pas de la maison qui nous sert d'épicerie du coin de la rue. Il est question de son déménagement depuis une petite décennie, pour aller dans un nouveau quartier en construction. En attendant il est toujours là, un peu décrépi, résolument moche. Pas cher. On y croise les habitants du quartier, souvent en train de compter les centimes pour boucler les courses de la semaine.

Et là ça fait deux semaines que je prends mon bon vieux Leclerc de quartier populaire en flagrant délit d'embourgeoisement. Des petites dames habillées de coton, accompagnées de gamines à tote-bag de chez Sézane, des jupes longues en jean avec la petite blouse bleue bien sage et bien coupée. Moins de wax, plus de carreaux et de rayures. Des blonds. Aux yeux bleus. Qui piaillent dans les allées façon "Oui Célestine, prends deux sprays dégraissants, la maison est dans un état la-men-table".

Bref, le grand remplacement bourgeois est en route. Je suppose qu'il en est pour se frotter les mains. Moi, moyen. Ils m'agacent un peu. Je devrais me réjouir, la réputation des écoles va y gagner, on aura plus de sous pour les familles qui en ont besoin, peut-être. Mais en fait je crains pour les familles les plus précaires. J'espère qu'il ne sera pas question de les pousser dehors pour faire de la place aux nouveaux. Du coup j'arpente les allées maugréant sur le grand remplacement bourgeois en cours, en y achetant du PQ bio. Enfin vous voyez le genre. C'est pas facile d'avoir le cul entre deux chaises, vous savez ?

Notes

[1] bavardes, à Marseille

[2] Mon aîné vous dirait que j'attrape l'accent Marseillais, à force d'avoir envie d'y vivre

lundi 20 février 2023

L'homme qui doute et celui qui s'ennuie

Vendredi soir j'étais de sortie avec Cro-Mi.

Lors de notre arrêt ravitaillement, nous étions à côté d'une table où un homme jeune racontait ses errances sentimentales à son copain. Visiblement il jouait à une très intéressante partie de "Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis" avec une jeune femme qui lui tenait la dragée haute, mais pas trop. Et du coup il cherchait à évoluer le juste volume de leur conversation et à faire le tri entre les attentes de la demoiselle (ne pas l'envahir mais garder ce fil). C'était joli cet instant d'homme qui doute, sans violence, sans rapport de force, plein d'espoir et de respect. Ca fait du bien. (Sur la foi de ce qui nous est parvenu à cet instant-là, suggestion de présentation).

Puis nous avons rejoint notre salle de spectacle. Disons-le clairement, nous sommes allés voir le spectacle du cast de Drag Race France qui nous a emplis de joie de vivre et d'énergie. Mais, convenons-en, pas un spectacle qu'on va voir par hasard. D'une part parce que ça coûtait les yeux de la tête, de l'autre parce que quelqu'un qui irait voir des Walkyries de 2,25 mètres perruque et talons compris boostées comme jamais et s'étonnerait des décibels émis serait quand même curieusement nonchalant dans ses choix de loisirs.

Bref. C'était bien.

Sauf pour le type assis de l'autre côté de l'allée par rapport à Cro-Mi. Une gueule d'enterrement du début à la fin. Pas le moindre applaudissement, pas le moindre tressautement du pied pour marquer la mesure, rien que l'expression d'un ennui intersidéral.

Le penseur de Rodin - Photo de Charl Durand

Depuis je m'interroge. Qu'est-ce qu'il faisait là, ce type ? Pari perdu ? Reporter puni ? Famille tentant de tenir une promesse faite un soir de beuverie mais carrément pas emballé ? Stoïque à l'enthousiasme discret ? Endeuillé venu honorer une mémoire ? (oui j'ai l'imagination débordante). Le pire c'est qu'il est parti quelques minutes avant la fin du spectacle.

Il a donc loupé Bilal Hassani, venu chanter une chanson en invité. Les paillettes dans les yeux de Cro-Mi étaient, elles, bien présentes. On a passé une vraiment très bonne soirée.

(mais quand même, ce type me hante : qu'est-ce qu'il foutait là ???)

mercredi 8 février 2023

Complètement jetés, une ode à qui n'entre pas dans les cases

Dimanche soir j'ai emmené Cro-Mi voir le spectacle de François Alu, "Complètement jetés" à l'Olympia.

J'avais découvert l'existence de ce danseur par une vidéo sur les réseaux sociaux, il y a un petit moment. Et si je ne suis pas particulièrement portée sur la danse, son expressivité à lui m'avaient attiré l'oeil et l'envie d'en voir plus.

Et donc je louchais sur l'idée de voir ce spectacle atypique depuis un certain temps. C'est fait.

Ca m'a rappelé le moment où Marianne James[1] a eu son Molière pour l'Ultima Recital. Le spectacle était assez... comment dire ? Mettons "underground" et on a vu d'un coup débarquer tout un tas de parisiens férus de théââââtre et d'opérââââ, un peu héberlués devant les horreurs débitées par Ulrika von Glott.

J'ai eu l'impression qu'on était dans le même genre de contexte. Un public amateur de danse qui vient voir le danseur étoile, le juré d'une émission populaire et qui se retrouve devant un spectacle drôle, irrévérencieux et pas du tout dans les clous. J'ai vu pas mal de gens partir dans le dernier tiers et d'autres vitupérer sur le chemin entre le théâtre et Saint-Lazare.

De mon côté j'ai beaucoup aimé. J'ai ri, déjà, beaucoup. J'aurais sans doute apprécié encore plus de danse, mais je pense que ça serait assez sadique pour l'interprète qui donne bien de sa personne.

C'était pour moi un tel bon moment que je me suis retrouvée un peu héberluée à constater que tout le monde ne partageait pas ce sentiment.

Mais finalement c'est assez normal. François Alu est un danseur atypique (ce qui fait sa richesse mais aussi un bon paquet des choses qu'il raconte dans ce spectacle). Une personnalité qui visiblement a du mal à entrer dans les cases. Quelque chose que je reconnais (comme beaucoup d'entre vous, sans doute) Du coup ses mots m'ont parlé, ce qu'ils soulèvent comme interrogations entre les rires.

Et puis aussi l'empathie. Si ce qu'il nous raconte n'est pas un récit autobiographique exact, il y est questions de choses qui sont importantes pour lui, qui l'ont forgé. Ca m'a touchée, énormément.

Ma conclusion est donc qu'il s'agit d'un spectacle pour les gens (nombreux, plus qu'ils ne croient eux-mêmes ! ) qui n'entrent pas dans les cases. Ou n'ont plus envie de se forcer à le faire.

Le fait d'aimer regarder de la danse y est presque secondaire : quoi qu'il arrive il vous épatera.

Un avant-goût ici

Note

[1] Par un curieux hasard des programmations, elle, c'est samedi soir, que je vais la voir, et j'ai hâte !

jeudi 29 décembre 2022

La vilaine veuve - Nice, le procès oublié (Robert McLiam Wilson)

Je ne parle pas souvent ici ou sur les réseaux sociaux de ce que je lis, ni n'en tiens le compte (d'ailleurs pourquoi les gens comptent-ils le nombre de livres lus par an ? De pages ? Une histoire de taille de... pile à lire ? Une fierté mal placée à être dans le camp de ceux qui lisent ? Bref, ça n'est pas le sujet).

Mais aujourd'hui ça n'est pas exactement pareil.

Déjà parce que ça n'est pas une lecture faite pour le plaisir d'un loisir léger. Je n'ai pas encore fini mais comme j'avais lu l'ensemble des chroniques de Robert McLiam Wilson dans Charlie Hebdo (il a couvert le procès de l'attentat de Nice, articles désormais compilés sous forme de livre / hors-série), il s'agit surtout d'une relecture en papier.[1] J'ai suivi le procès, un peu via la presse régionale, beaucoup par ses chroniques. D'abord parce que c'est un auteur dont les livres m'accompagnent depuis longtemps, ensuite parce que ses mots me donnent parfois l'impression d'être moins seule à traquer dans chaque chose de la vie une once de bonheur, de sourire, bref, la vie dans la vie. Du coup le lire, lui, sur ce sujet-là c'est avoir presque l'impression d'avoir quelqu'un à côté qui me donne une sorte de courage à affronter l'impensable (oui je suis parfaitement cinglée, je suis au courant).

Me voilà installée au fond de mon lit, parce que comme Colette et Almodovar, mon lit est mon vaisseau amiral et c'est de là que je fais les choses les plus importantes. Un chat sur chaque jambe, ils sentent que j'ai besoin de leurs vibrations réconfortantes. Ou ils ont envie de s'allonger sur mes pieds. Calée sur mon traversin, qui me sert souvent d'épaule sur laquelle m'épancher, quand mes propres épaules, pourtant larges, n'ont plus de place pour accueillir quoi que ce soit d'autre.

Début de relecture, donc. Ca ne veut pas dire que je n'ai pas de surprises. Tel passage oublié, telle phrase qui me tire une larme ou un sourire. Je m'arrête beaucoup pour réfléchir, laisser la place à une pensée qui passe. Mesurer à quel point ça me touche, alors qu'on pourrait dire que je ne suis pas concernée. Penser aux survivant(e)s, aux victimes, à leurs proches. Ils se dessinent en creux sous les mots de l'auteur, comme une porte qu'il m'ouvre en me disant "voilà ce que je vois, il y a un monde, là, devant toi, regarde".

Et puis aussi concernée en tant que personne appartenant à l'espèce humaine. En tant que mère qui a vu son ado partir, il y a quelques semaines, pour un concert au Bataclan et qui a crevé d'une trouille irrationnelle jusqu'à son retour.[2] Bien sûr que rien de tout ça ne m'autorise à l'empêcher de vivre, d'aller voir des concerts, mais moi, ça me coupe le souffle pendant quelques heures et je guette les réseaux sociaux pour conjurer une nouvelle salve d'horreur. Comme si arrêter de respirer avait jamais empêché quoi que ce soit.

Concernée aussi parce qu'en tant qu'employée d'une très grosse entreprise française, on a eu des collègues dans chaque attentat, quasiment. Loi des statistiques. Certains morts, certains survivants. On est près d'un demi million dans le monde alors ça n'a vraiment rien à voir avec perdre quelqu'un qu'on aime, mais ça tape curieusement dans une zone intime et quotidienne qui nous rapproche un peu, comme une sorte d'immense famille étendue.

Je pose ce clavier, je lis deux chroniques de plus. Aucune urgence à finir, pourtant, mais c'est un peu comme tenir virtuellement la main à celles et ceux qui ont vécu ce procès. Comme leur signifier que la concentration que je mets à lire est une toute minuscule pierre pour dire qu'ils ne sont pas oubliés, ni eux, ni leurs morts.

Je sais comment se termine ce livre, j'ai déjà lu en ligne le dernier papier. Je sais donc que par une curiosité de la vie nous nous sommes suivis, lui, l'écrivain et moi, la lectrice à quelques dizaines de kilomètres et à quelques jours d'intervalle dans la région. [3]

Je ne le savais pas encore avant de la voir pisser fesses nues, au coin de la maison de mon frère, en y arrivant, mais pendant ce séjour, j'ai vu la sœur de ma belle-sœur, qui était infirmière à Nice, a travaillé cette nuit-là et m'avait esquissé en quelques mots et quelques verres l'enfer qu'elle a vécu. Elle et moi, on est pas dans des phases de nos vies où on peut brandir le bonheur étincelant comme réponse à toutes les emmerdes. Alors on a raconté beaucoup de conneries et on a ri beaucoup, autour d'une tablée pleine d'enfants, d'un bon plat de mon frère, de bons vins de ma belle-sœur, dans leur baraque en chantier permanent, perdue dans une nature partie en fumée il y a moins de deux ans et qui a déjà repris le dessus.

Drôle d'image, ces arbres mi calcinés mi verts, comme si rien ne pouvait jamais aliéner leur droit à se tenir droit vers le ciel (ou penchés, selon s'ils sont beaucoup exposés au Mistral, d'ailleurs). La vie est forte, puissante. Peut-elle l'être autant pour des humains soumis à une telle souffrance ? Je leur souhaite un peu de bourgeons verts sur leurs troncs calcinés. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est possible, mais je leur souhaite de tout cœur.

Bref. Je ne vous ai pas dit grand-chose de ce livre mais c'est important que vous le lisiez. J'espère que vous me croirez sur parole. C'est par ici que ça se passe.

Mise à jour du 18 juillet 2023 : petite liste de livres ou textes sur l'attentat de Nice que vous aurez peut-être du mal à trouver sur les zinternets :

Si vous en avez d'autres en tête, faites-moi signe que je les ajoute.

Notes

[1] D'ailleurs un type qui fait son autopromo à l'heure où tout le monde est sur Netflix a besoin d'un sérieux coup de main en mercatologie. Je ne sais pas si vous êtes encore nombreux à venir ici mais je compte sur vous, lecteurs amis de qualité.

[2] Et devinez qui avait déchargé la batterie de son téléphone portable pile poil ce soir-là ?

[3] Les puristes vous diront que ça n'est pas exactement la même région, mais on s'en fout.