La vie et toutes ces sortes de choses

mardi 11 mars 2025

Mon rabicoin

Il y a un côté complètement déconnecté à se projeter dans quelques années. Où serons nous, qui serons nous ? Est-ce que notre vie sera complètement différente ? Pas encore ?

Et pourtant.

Mon "sujet" du moment, c'est que, je le vois bien, Cro-Mi pose des jalons pour annoncer un départ, sinon proche, pas trop lointain. On parle d'une à deux paires d'années, selon comment se passe la fin de celle-ci.

Alors évidemment, j'anticipe la crise du nid vide.

Je fais comme si cette idée m'était parfaitement indifférente et des plans sur la comète. (#Zeugme)

Déplacer mon bureau dans sa chambre ? Oui ! Y mettre un canapé lit pour encore plus d'amis ? Probable ! Ah tiens, et des étagères. Pour y mettre des livres. Au hasard.

Et dans le coin laissé libre de ma chambre-bureau actuelle, je voudrais un fauteuil confortable dans lequel on puisse se lover, s'assoir de travers ou pas, étendre ses jambes pour... lire. Ou m'assoir quand je téléphone. Avec une petit table pour poser une théière, un ordinateur, une paire de lunettes.

Restez en ligne, prochainement je bascule du côté baignoire à portes et autres rêves de vieille dame indigne.

Bien évidemment, d'ici là il se sera passé moultes choses et j'aurai peut-être complètement oublié cette idée.

En attendant, quand je croise mon bureau du coin de l'œil, je m'imagine rêvasser dans un rayon de soleil de fin de journée et, ma foi, ça n'est pas la pire des choses que je puisse me souhaiter.

samedi 8 mars 2025

Songs at funerals

L'autre jour, je tentais avec un remarquable manque d'efficacité de trier des photos numériques. Sachant que je suis incapable de jeter une photo de mes enfants, ou de quelqu'un que j'aime, ou d'un souvenir aimé, même si la photo est floue, ratée, moche... pas beaucoup d'octets gagnés sur le stockage dans le cloud.

J'ai donc une immense collection de photos moisies de gens que j'aime ou ai aimé.

Parmi elles, Erick dont je vous avais parlé ici, en plein tournage dans un restau à côté de mon bureau de l'époque. Je me souviens de son goût immodéré pour la musique et de quelques découvertes partagées. Je me souviens de la musique très présente lors de ses funérailles et comme elle le rendait si présent avec nous, alors que justement, nous étions abasourdis de la douleur de ne plus jamais le voir.

Il y a quelques semaines, Nick Cave, dans l'un de ses Red Hand Files répondait à la question d'un lecteur sur une chanson à choisir pour son enterrement.

(Oui, Nick Cave répond au courrier des lecteurs et c'est à chaque fois une perle de rire, de tristesse, de profondeur, de pistes à explorer. C'est ma pépite à savourer à chaque fois.)

Je ne lui ai pas (encore) dit, mais je sais qui devrait choisir la musique de mes funérailles. Une personne qui saurait choisir de la musique pour dire qui j'étais, y mettre le son de la tristesse et de mes éclats de rire, la touche inattendue, la fidèle signature de ce que j'aurais été dans ce monde.

Depuis que cette pensée m'a traversé la tête, je me dis qu'il faut que je fasse un truc accessible pour mes enfants au cas où, avec les gens à prévenir, et ce genre de choses. Ce n'est pas morbide, rassurez-vous, je vais bien, mais c'est un truc auquel on est, je crois, un peu obligé de faire face quand on est seul(e) avec ses mômes. Et si ?

Et puis c'est sans doute une petite superstition pour conjurer le mauvais sort. Qui passe sous un bus alors qu'il vient de faire la liste des choses utiles en cas de brutale disparition ?

Or donc voilà. Pour la musique, on est bien. Enfin il faut juste le prévenir.

Et, oh ! Pep, s'il n'est pas dispo ou pas d'accord, tu es numéro 2 sur la liste.

jeudi 6 mars 2025

Sur l'écran noir de mes dimanches

Je ne sais pas d'où me vient ce goût du cinéma.

Maman nous emmenait voir le Disney rituel des vacances scolaires, mon père n'aimait pas aller au cinéma où, disait-il, on ne lui servait pas son whisky dans la salle. C'est un argument d'autant plus curieux que je ne l'ai jamais vu boire un whisky devant un film à la maison. En revanche je l'ai vu ronfler tout au long de "2001, l'Odyssée de l'espace" qu'il nous avait emmené voir à La Rochelle lors de vacances dans le coin[1]. Le film, à l'époque, m'était un peu passé au dessus de la tête (je devais avoir 10 ans, mon frère presque 5 de moins).

On a vu E.T., aussi, avec ma copine Géraldine, je crois que c'était mon premier film qui n'était pas un dessin animé, on devait avoir autour de 7 ans. J'avais plongé tête la première dans l'histoire, un peu trop, d'ailleurs, longtemps j'ai cru qu'ET se planquait sous mon lit et qu'il allait m'attraper la cheville quand j'allais en sortir. J'étais d'accord pour l'aider mais rétive à l'idée de le toucher. On m'appelait parfois Miss Chochotte, à l'époque, allez comprendre le lien.

Mais bon. Pas vraiment un marqueur de mon enfance. Un peu plus, plus tard, en fin de lycée, pendant la fac. Puis différents sur les films à voir avec le père de mon aîné, lorsque nous n'avions pas encore d'enfant. Puis enfant petit, plus de cinéma. L'année où j'ai été seule, je m'arrêtais souvent, un week-end sur deux, au cinéma du Forum des Halles pour une séance avant d'aller récupérer Cro-Mi et voiture chez son père, alors de l'autre côté de Paris. C'est pratique de mettre un ciné là où on fait son changement de train.

Puis compagnon à vie décalée, enfants petits, puis nouveau bébé, etc.

Ca fait donc assez peu de temps que je peux voir, au moins un week-end sur deux et parfois en laissant la marmaille en plan, le film que je veux au moment où je veux et je savoure ce moment avec bonheur et gourmandise. Normalement, ça devrait aller en s'améliorant, avec le temps, cette perspective me réjouit.

Et tant mieux quand le film me transporte, évidemment, mais juste la joie de choisir sa place, de s'installer bien calée au fond d'un fauteuil rouge (parfois gris ou noir, mais souvent rouge), de voir le grand écran, c'est une fête.

Note

[1] Mon arrière-grand mère habitait Fouras où nous nous rendions au mois d'août, on s'échappait dès qu'on pouvait du voisinage de ma grand-mère, c'était les rares fois de l'année où il venait avec nous au cinéma. Depuis quelques temps ils y vont bien plus souvent, mais à l'époque ça n'était qu'un loisir d'évasion, pour lui.

dimanche 2 mars 2025

Des films psychanalystes

J'ai vu "A real pain" ce midi, à l'issue d'une promenade dont vous pouvez voir quelques images ici.

On va commencer par dire que c'est un excellent film.

Quelqu'un dont j'admire le talent a écrit un jour "All stories are love stories", et s'est mis du même coup dans la poche quelques millions de lecteurs, acquis à la cause de son bouquin dès la première phrase. Parmi ces histoires, il y a celles qui nous parlent de nous et qui nous font ainsi plus d'effet que d'autres.

Les deux s'appliquent parfaitement à ce film ; une histoire d'amour familial : deux cousins, Benjamin et David, élevés comme deux frères à l'ombre d'une grand-mère aimée et récemment décédée, un peu éloignés depuis, partent sur les traces de son histoire en Pologne.

Je ne suis ni polonaise, ni cousine proche dans le cœur de qui que ce soit, mais Benjamin et David, ce sont deux bouts de moi.

D'un côté le sociable Benjamin, en contact direct avec ses émotions et toujours heureux de les faire partager, pour le meilleur et pour le pire. Celui qui connecte avec les gens en quelques secondes, aime rire et faire rire. Qui dit ce qu'il pense quoi qu'il en coûte. Tissé de doutes, de valeurs incompréhensibles par d'autres. Celui, aussi, qui vit une peine plus grande que lui et se trouve seul au monde. Pas sans famille, non, pas sans amis, sans doute, mais seul comme on l'est quand on a pas, ou plus, la personne qui détient la deuxième clé de notre âme.

De l'autre, David, son angoisse omniprésente, sa résilience raisonneuse, son soucis de ne pas faire peser ses drames existentiels sur les autres.

Entre eux, comme en moi, en dialogue intérieur, de l'exaspération, de la tendresse, de la compréhension, de l'impossibilité à se faire comprendre. L'un qui tend la main à l'autre qui la prend ou la repousse, selon.

Alors voilà, ces deux personnages et leurs relations compliquées, ça m'a touchée, en plus de l'histoire belle et poignante et drôle, souvent, comme un reflet tendu par un miroir auquel je ne m'attendais pas.

Loin de la drôlerie, cette image de fin qui me hante plusieurs heures après[1].

Note

[1] De même que me hante ce moment d'absolue beauté dans l'épilogue de "The Brustalist", dont je suis bien incapable de dire un mot tant il m'a émue, désolée, toi, au fond, qui attendait ça. Je suis sûre que plein de gens intelligents l'auront fait mieux que moi, va.

jeudi 20 février 2025

Dans la liste de mes rêves

Quand j'avais 18 (ou 19) ans, lors d'un voyage chez ma tante au Québec, nous sommes allées à Tadoussac voir les baleines. Il y avait moins de précautions que maintenant, les sorties se faisaient en zodiac, au plus près de ces gigantesques créatures, on parlait moins de ce que ça leur faisait à elles que du plaisir qu'on y prenait nous.

De fait, c'est l'un des souvenirs les plus puissants, les plus émouvants de la vie. Nous en avons vu une de très près, tellement près qu'elle était sous notre bateau, perpendiculaire.

Résultat ? Un peu de frayeur (que se passe-t-il si on l'agace ?), mais surtout une émotion qui est venue m'attraper un peu par surprise, comme une conscience accrue d'être minuscule et très temporaire en ce monde, face à cette immense baleine, sous mes yeux comme venue du fond des âges.

Depuis on a un peu progressé sur ce genre de tourisme, je crois qu'on se préoccupe un peu plus de la préservation de leur environnement. Comme si on en avait pas déjà massacré l'essentiel.

Dans la liste de mes rêves, il y a(vait) aussi : être pote avec un éléphant. Je crois que j'ai un truc avec les animaux colossaux. Je suis dingue d'eux, j'adore qu'on les trouve intelligents, qu'on raconte qu'ils nous trouvent mignons, qu'on leur prête des caractères de drama queens. Au delà de l'anthropomorphisme et des approximations pseudo scientifiques, j'aimerais bien avoir un copain éléphant. J'ai déjà des copains chats, pourquoi pas un éléphant (à condition qu'il ne saute pas à pieds jointe sur moi quand je lis, comme les deux velus qui partagent mon existence, ou qu'il ne me donne pas des coups de boule furieux pour me dire qu'il m'aime et qu'il voudrait une place entre le plaid et moi, n'est-ce pas Maïa ?).

Mais bon, voilà. L'éléphant il n'habite pas tout près. Et j'ai, maintenant, très présent à l'esprit le fait qu'on lui a piqué son habitat naturel, compromis sa bouffe, empoisonné l'existence en lui tournicotant autour. Je trouve ça assez insupportable. Et puis j'essaie de ne pas prendre l'avion. (Et puis je n'ai pas de thunes pour de grands voyages, de toute façon).

Alors je reste chez moi et je rêve d'éléphants. Et de tant d'autres choses. Je voyage en train, parfois en voiture quand on est plusieurs dedans.

A quelque chose, malheur est bon. Mon empreinte carbone calculée récemment à la faveur d'un atelier au bureau est de 5,3t de CO2e par an, celle du français moyen (pas celui de Cabu, la moyenne de celle des français) de 9,1 tonnes. Peut nettement mieux faire, mais fait mieux que beaucoup.

Les matins désabusés, je me dis que ça ne sert à rien, que de toute façon on a le pied sur l'accélérateur et qu'on va tous crever, quoi qu'il en soit. Et que ça sera tout aussi difficile pour ceux qui ont essayé de faire un peu mieux que pour les autres. (Et même : pire ?) Si celles et ceux qui ont les moyens d'inverser la tendance, de nous épargner famines, guerre civile, désastres s'en foutent, pourquoi je m'en ferais ?

Et puis je pense au copain éléphant dans ma tête, je me demande si à une personne près, ça change la donne, pour lui. Sans doute que ça ne se calcule pas comme ça.

Peut-être qu'un jour j'aurai plus de sous, et que ça sera encore possible. Ou alors qu'un mec plus malin que les autres ne me laissera pas le choix de mettre ce rêve de côté, peut-être qu'au final, un jour, je serai la pote d'un éléphant. Si le mec en question veut bien m'offrir le Leica D-Lux 8 qui me fait de l'œil, pour qu'on rapporte des souvenirs, aussi ? Non, j'abuse ?

Il y a des rêves auxquels on doit renoncer, tous, au cours de nos vies. D'autres qui sont accessibles et qu'on ne réalise pas parce qu'ils semblent égoïstes, inconsidérés.

J'ai l'impression, parfois, ça va vous faire rire, d'être trop raisonnable. Puisque tout le monde s'en fout et que presque personne n'est prêt(e) à renoncer à son plaisir immédiat, pourquoi je m'emmerde ?