jeudi 27 février 2025

A l'oeil

Depuis très longtemps la photo est un art qui me touche, me parle.

Pas TOUTES les photos, évidemment, mais il y a quelque chose de magique à fabriquer de l'art avec du temps et de la lumière (la formule n'est pas de moi). Cette façon d'attraper un instant fugace et de lui offrir une sorte de petite éternité. Ce regard qui trouve du beau même dans ce qui ne semble pas l'être.

Les portraitistes qui me lisent doivent le savoir, il y a une sorte de sorcellerie à restituer en photo la beauté des gens qu'on capture, et il ne s'agit pas de perfection des traits, d'alignements dentaires parfaits mais bien de capter une lumière dans l'oeil, l'éclat d'un rire, ce qui rend la personne humaine et unique et infiniment belle.

D'ailleurs c'est bien simple, j'en apprends beaucoup sur ce que j'aime chez les gens quand je les prends en photo, même vite fait, pour un souvenir express d'un instant. Ceux que je n'arrive jamais à saisir vraiment comme je le vois, ça me dit quelque chose (ça parle à quelqu'un d'autre ou je déconne à plein tube ?)

J'ai toujours aimé prendre de (mauvaises photos) (ou passables, parfois), là, ces dernières années, j'essaie de progresser un peu.

Comme je suis quelqu'un qui n'entre jamais dans les sujets par la technique et toujours par l'émotion, j'enrichis doucement la première en prenant les choses sous l'angle (c'est le cas de le dire) de ce qu'elle peut apporter à la seconde. C'est un long chemin sur lequel je n'irai pas très loin, mais ça n'est pas grave. Je l'apprécie grâce au plaisir qu'il me procure, au fait de voir que de temps en temps j'arrive à sortir quelque chose qui me plaît au moins un peu.

Je me cherche un peu en terme d'appareil, aussi, pas complètement satisfaite du parc actuel. Mais comme c'est un sport de riche, ça limite mes envies. Ceci dit je tends des perches grosses comme moi à mes parents pour mes 50 ans, sait-on jamais.

Sur cette route, la vie moderne apporte vraiment quelque chose, youtube fourmille de photographes qui partagent leurs trucs, leur vision. Alors on se nourrit des grands d'antan, mais aussi de gens beaucoup plus contemporais. Je suis ultra fan, par exemple, du travail et des vidéos de David Ken. Il est rare que je 'nai pas d'émotion à voir ses photos, un rire, un sourire, un coup au coeur, un coup de coeur. Merci à lui de partager avec générosité son savoir-faire immense et son humanité, son talent. J'apprends beaucoup à l'écouter, à regarder son boulot. J'apprends sur moi, aussi.

(Je sais qu'il y a de nombreux photographes ici, dont un avec qui on a même partagé une promenade dédiée dont je garde un excellent souvenir. Il faut qu'on recommence en Bretonnie ! Un excellent moyen de silencier ! Ce billet n'est pas une demande de conseils ou de références. En revanche si vous avez des références coup de cœur sur des chaînes / comptes qui vous ont marqués, partagez généreusement ! On est, comme toujours chez moi, dans le "j'aime beaucoup" et pas dans le "tu devrais".)

Pour faire le lien avec un autre art qui me touche...

Le cinéma UGC du Forum des Halles vu de l'extérieur

jeudi 19 décembre 2024

Turning 50 (dans quelques mois)

Alors voilà, dans quelques mois je vais avoir 50 ans. "Comment est-ce possible ? Tu ne les fais pas !" s'exclameront certain(e)s d'entre vous et je peux bien vous révéler mon secret : la graisse tend les rides. Bon, pour de vrai, je suis assez indifférente à la nouvelle, je la trouve tellement bien, cette phase de vie. Alors oui, on se rapproche inéluctablement du moment où plein de choses vont se compliquer, mais là, je savoure.

Fatalement, on a commencé à me poser la question de "faire quelque chose". Comprendre : faire une fête à tout casser pour célébrer le changement de dizaine.

C'est compliqué.

D'abord je ne suis pas sûre d'aimer les fêtes à tout casser. J'ai les ambiances tranquilles (sauf pendant les concerts), les petits comités dans lesquels on peut parler avec tout le monde. Ensuite, je n'ai toujours pas compris le principe de dépenser une énergie folle à organiser un truc pour mon anniversaire. C'est mon anniv, c'est moi qui bosse ?? Ca va pas, non ?

Sauf qu'il n'y a personne pour le faire à ma place, et que personne ne sait joindre l'intégralité des gens que je souhaiterais avoir autour de moi. Et puis s'ils sont tous là, je n'aurai jamais assez de temps pour parler à chacun.

"Mais il faut faire quelque chose !" disent certain(e)s et je me dis que ça doit répondre à quelque chose pour elles et eux. Moi ? Bof.

Ce qui me ressemblerait le plus, si j'avais le désir fou de considérer que 50 révolutions sont l'occasion de me positionner au centre du monde, ça serait de fractionner, de voir les gens par petits groupes qui fonctionnent bien ensemble, ou en tête-à-tête pour d'autres. Donc la vie normale, donc pourquoi se casser le tronc ?

Célébrer la joie d'être en vie, je crois que je fais ça presque tous les jours. Voir ceux et celles que j'aime et partager des moments avec, aussi souvent qu'on peut.

Alors quoi ?

On verra. Encore quelques mois pour y songer.

Autoportrait fait grâce à un reflet dans mon smartphone pour tester un nouvel appareil photo.
déc. 2024

lundi 22 janvier 2024

I've got a feeling

Dire que j'ai les émotions en vrac, ces jours-ci, c'est sous-estimer la situation.

Déjà que je ne suis pas coutumière du tiède, dans ce domaine...

Certaines passent à travers une sorte de blob déformant et filtrant, mettent du temps à m'arriver (ce week-end il m'a fallu 24 heures pour comprendre si oui ou non, j'avais aimé un film, autant vous dire que niveau connexion avec moi-même, j'ai fait mieux). D'autres m'atteignent en décalé. Ma grande-sœur d'adoption, ma belle Luce, me commente la chimie du cerveau entre deux "tu veux un verre d'eau ?". Rien d'anormal, vu les circonstances, donc. Attendons que ça se rebranche doucement.

(Mon blob filtre déformant pourrait bien ressembler un peu à ça)
Photo de Diane Picchiottino pour Unsplash

La bonne nouvelle, s'il faut tirer de toute chose quelque chose de positif, c'est que je n'ai absolument pas la bande-passante pour m'auto-torturer. On verra ça plus tard.

L'autre bonne nouvelle c'est les bribes d'humanité pure qui circulent de certains d'entre vous à moi et inversement. Longtemps j'ai cru que donner du sens à sa vie c'était être Gandhi ou Mandela, Einstein à la limite. Je crois, maintenant, que rien n'en a, de sens, mais que tout l'amour, sous toutes ses formes, qu'on peut donner aux autres, toute la compassion, l'empathie, qu'on peut mettre à disposition, c'est ça, le truc qu'on peut laisser derrière nous (sauf quand on est un génie, évidemment, mais ça n'est pas mon cas).

Je me demandais ce matin comment ça allait se passer, au bureau. Pas la tête à ça et capable de fondre en larmes si on me propose un café.

Pour le moment ça va. Je me souviens des mots de Laure (la grande sœur de Luce, y a pas de hasard, et ma grande grande sœur d'adoption, donc, vous aurez suivi) qui me disait, quand j'étais enceinte pour la première fois, qu'on prétend que le cerveau des femmes est à 50 % consacré à fabriquer un bébé. Mais que, je la cite immodestement "avec ce qu'il nous reste, il y a largement assez pour faire tourner les affaires courantes", ou quelque chose de ce goût là.

On va dire que ça marche aussi pour ça.

I've got a feeling, chantaient les Beatles du haut de leur toit. Bande de gros malins, va.

Je ne relis pas sinon je pleure.

lundi 18 décembre 2023

L'exacte densité d'une présence

Vous vous souvenez de quoi, vous, quand vous pensez à quelqu'un ? Quelqu'un que vous avez déjà rencontré, bien sûr, bande de petits jeunes utilisateurs de l'internet du diable. Y en a qui se causent 20 ans sans réussir à se croiser, je le sais de source sûre. Non, vieille école. En chair et en os et toutes ces sortes de choses.

Il y a des gens qui ont une mémoire des parfums, des voix. Des mots, exactement mémorisés. Moi, souvent, c'est le regard qui revient en premier. Le sourire, aussi. Une espèce d'énergie personnelle, comme une signature.

Il m'est arrivé un truc étrange, cette année. De quelqu'un que j'ai rencontré, j'ai gardé la mémoire de l'exacte densité de sa présence. J'ai pas trouvé mieux que ça comme définition, mais vous savez, il y a des gens qui ont une présence gesticulante, qui prennent toute la place, d'autres qui sont presque invisibles. Là il y avait une sorte d'incarnation du fait de se trouver au bon endroit, au bon moment et de s'y trouver bien. Je pourrais me tourner et avoir l'impression que cette personne est assise à côté de moi, avec la même manière de s'assoir, de se tourner vers ses interlocuteurs. Etonnant. Inédit. Bizarre. J'ai aussi, en surimpression par rapport au reste, son regard, sa voix et un truc presque impalpable d'ambiance qu'il serait impossible de vous raconter ici sans devoir vous tuer, un par un, après.

(Non. Je rigole. Mais vous croyez vraiment que je vous raconte TOUT, bande de petits curieux ?)

Je ne sais pas ce que ça dit, tout ça, si ce n'est que j'ai mis un peu de temps à m'en rendre compte complètement et que parfois, le hasard fait très bien les choses.

J'allais faire le clown avec Paul Eluard à qui on attribue, de façon je le crains un peu incertaine, une citation sur le hasard, mais comme je suis tombée sur ce poème que j'avais oublié et qui va bien avec mon ambiance intérieure à l'heure où j'écris, il fera office de belle conclusion[1] :

La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler,
faim à satisfaire,
un cœur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie : la vie à se partager.

("La nuit n'est jamais complète", dans le recueil "Derniers poèmes d'amour" qui, dans ma mémoire, est une mine d'or de petites pépites palpitantes).

Note

[1] Oui, c'est foutraque et décousu. C'est la vie, parfois.

dimanche 17 décembre 2023

Dialogue intérieur

— Anne ?
— Mmmmm
— Anne ???
— Mmmmmmmm
— MMm oui ou mmm non ?
— Je t'écoute
— Tu recommences...
— Je recommence quoi ? Je ne fais rien, là, j'écoute de la musique.
— Oui, justement. Tu recommences. La musique qui fait du mal, les romans qui font pleurer. Ca palpite de partout là-dedans.
— Et ? Il paraît qu'il y a des gens qui sont capables de ne penser à rien et de ressentir tiède, mais c'est pas moi. Rien de nouveau.
— Ah si. Là tu vois, tu as la palpitation de la fille qui a envie de vivre.
— C'est plutôt une bonne nouvelle, non ? Parce qu'il était un peu long, le tunnel, je trouve.
— Oui mais non. Tu SAIS que tu vas faire des conneries. Tu SAIS que tu vas avoir mal. Et puis à ton âge, ma vieille. Et tu t'es regardée ?
— Ah ouais, t'es agiste et grossophobe que quand il s'agit de moi, en fait ?
— Toi, c'est moi.
— Oui et toutes les amies à qui on a dit qu'elles devaient se traiter comme leurs meilleures amies, t'y croyais ? Ou c'est juste pour moi, la vacherie ?
— Non mais elles, c'est pas pareil. Elles sont trop bien, nos amies.
— Et quand elles disent la même chose sur moi, en revanche, c'est faux, c'est ça ?
— Non mais les gens sont polis.
— Tu sais que je les saoule sans doute un peu, les gens, à cause de toi ? A toujours vouloir être sûre que je ne suis pas trop comme ci ou pas assez comme ça ou à penser qu'ils sont là par gentillesse et abnégation ?
— Ben c'est un peu vrai que t'es trop ceci ou pas assez cela et que t'es compliquée et que...
— Il t'es venu à l'esprit deux secondes qu'ils y trouvent peut-être aussi un truc chouette et qu'ils ne sont pas aussi cruels que toi à chercher chaque millimètre d'imperfection ?
— Non, carrément, non.
— Je suis presque certaine qu'en fait, ils ont le choix. Et qu'ils restent parce qu'ils sont d'accord. Environ.
— Ah ah ! Tu vois ! Tu doutes !
— Non, je fais des blagues. Avant qu'on m'en fasse. Ca fait moins mal.
— Donc j'ai raison.
— Donc tu m'as pourri la tête. Et c'est un combat de chaque minute de NE PAS te croire.
— Je vais gagner.
— Même pas en rêve.
— Tu vas te ramasser et tu vas venir en pleurant me dire que j'avais raison, que tu vas finir vieille, moche, grosse et même tes chats ne voudront pas de toi.
— Tu sais quoi ? T'es incurable. Mais là, moi, j'ai plus envie de t'écouter. Va donc, en toute bienveillance, bien te faire cuire le cul.
— ...