Pendant 36 heures j'ai été dans une colère noire, une colère dirigée exclusivement contre moi.
C'est pas faute de connaître par cœur les signaux, bordel. Pas faute de dire à chaque personne qui me parlerait des mêmes symptômes d'aller faire vérifier sa thyroïde.
Bref. Mon japonais déconne.
Pas comme au pire des moments, mais assez pour que ça me casse les pieds.
Pour celles et ceux qui ne savent pas, il y a une double lecture des mesures dans les résultats du labo. Ce qui est dans les normes. Et ce que vous ressentez vous, qui est particulier à chaque patient. Il y a des gens avec le même papier du labo que moi qui se porteraient comme un charme, d'autres qui seraient déjà écrasés de fatigue. Ou pas très heureux porteurs ou porteuses d'un tout autre symptôme.
Moi, ça fait des semaines que je traîne une fatigue physique et mentale que je rationalise par le cours de ma vie qui n'est pas exactement un long fleuve tranquille. Les yeux qui piquent dès le matin, même en ayant dormi 8 heures, ce qui n'arrive quasi jamais mais hey, rêvons, les nuits complètement décalées. La semaine dernière je n'ai pas réussi à trouver l'énergie de me lever pour aller arroser les plantes vertes, putain, comment j'ai fait pour ne pas m'en douter ?
Ça fait des semaines et même plutôt des mois que j'aurais pu percuter, changer de dosage. Ça n'aurait pas tout réglé dans le bordel de ma vie mais ça aurait été ça de moins à traîner. Ou pousser.
Parce que j'ai toujours une ordonnance au cas où. Depuis dix ans. Depuis dix ans je sais ce que ça fait et je n'ai rien vu. D'où : colère.
Et puis la voix de mon amie Luce a résonné dans ma tête. Ça parlait d'arrêter de se bousculer, soi. De se faire violence. De se traiter avec douceur. Après tout, c'est fait. La colère ne sert plus à rien. Voilà. Dans quelques semaines ça sera réglé, je serai à nouveau juste fatiguée comme une adulte de mon âge avec un job à plein temps et des enfants à élever.
Alors, hier, j'ai pris mon aîné sous le bras, on est allés faire un truc qui me faisait envie depuis des décennies. Quelque chose qui a gravé en moi cette notion d'attention aux autres, de tendresse, d'amour inconditionnel (et un petit bout de mon socle musical) que je sais donner aux autres et qu'il faudrait peut-être qu'à l'occasion je tourne vers moi. J'en suis sortie heureuse d'avoir choisi ce qui me faisait envie à moi, malgré plein de freins plus ou moins légitimes.
On ne va pas se mentir, c'est pas la forme ultime. Mais je sais à quoi me tenir jusqu'à ce que ça aille mieux.