Cro-Mignonne Incorporated

vendredi 10 juillet 2020

Adolescence, cette fascinante mue

En préambule à ce billet, que j'aurais mis 18 mois à me décider à écrire, je précise que j'ai demandé l'autorisation à Cro-Mi. Il s'agira, après tout, d'aborder un sujet qui concerne sa vie privée. Sa réponse a été :

D'acc ! Bah t'inquiètes pas :)

Certain(e)s d'entre vous le savent, d'autres ont un peu deviné, Cro-Mi nous a dit quelques jours avant Noël 2018 qu'il se sentait garçon et souhaitait désormais qu'on le genre comme tel.

Nous étions ensemble son père et moi et je dois dire, en préambule bis, que nos avis divergent sur ce sujet mais que les échanges entre co parents se passent dans le plus grand respect l'un de l'autre.

Quoi qu'il en soit je pense qu'on devait avoir l'air bien cons, les bras tombés au sol et la mâchoire décrochée.

Vous savez ce moment précis où votre cerveau ironise en voyant les tripes se remuer en vous glissant qu'il va falloir mettre vos principes tout théoriques à l'épreuve d'une réalité bien proche ? C'était là.


Nous avons cheminé depuis. Cro-Mi de son côté qui réfléchit à sa vie, à son avenir, avec, me semble-t-il, pas mal de maturité et de courage.

Autant j'étais inquiète de ce qui se disait sur ces groupes Discord où la révélation lui est venue, autant je sais aussi pour l'accompagner depuis 14 ans que son sens de ce qui est bien pour sa propre vie est parfaitement développé et depuis fort longtemps.

Sa fibre militante est en éveil, la vibration d'indignation est à l'image des ados de 2020. Mais même si la forme est parfois différente de la mienne, je ne peux pas lui reprocher cette envie d'un monde plus juste où chacun trouve sa place.

Il y a des moments d'exaspération bien sûr, des moments de grands soupirs. Des moments où il faut lui rappeler son âge, pas toujours en regard avec ses ambitions.

Mais je suis épatée par cette petite personne qui guide sa vie comme il lui paraît juste et dont je ne sais jamais bien si son âge est plus près de 14 ou de 1000 ans.

Et son humour.


La chose qu'on nous dit le plus et sur laquelle nous divergeons avec son père c'est : oui mais ça peut changer.

Croyez bien que je suis convaincue de l'impermanence des choses. Que l'adolescence est une phase de mue où l'enfant rêvé par ses parents disparaît, parfois avec force démonstrations de brutalité, derrière la personne que l'ado voudrait être. Est.

Mais après tout suis-je la quadragénaire que je m'imaginais être ? Est-ce que si je deviens vieille je ressemblerai à la vieille dame indigne pour laquelle je m'entraîne avec assiduité ? Qui peut prévoir quoi ?

Alors que son père mise sur une situation qui peut évoluer, je me dis de mon côté que c'est sa réalité. A ce moment précis de sa vie. Et que je choisis de ne pas nier sa vérité, aussi grands soient les soucis que je me fais pour sa vie.


À la maison j'arrive à peu près à le genrer au masculin avec constance. Parlant d'elle à l'extérieur c'est souvent le pronom féminin qui sort, sauf auprès du tout premier cercle d'amies alliées qui ont vécu tout le chemin avec moi. Y compris quand il a fallu confronter mes principes à la réalité à la première visite de sa copine (qui est, bien entendu, une meuf trans de 18 ans. Qui est également une chouette personne avec qui on rit pas mal et, après quelques passages chez nous, je trouve leur relation apaisante pour chacun(e) des deux).

Je prends lentement le pli de lui demander ce qu'il en pense, situation par situation. Comment tu veux qu'on fasse avec les grands-parents (au courant, mais pas immergés dans la situation ? À l'hôpital je t'ai genrée au féminin prise par l'urgence, mais maintenant chez le docteur je suivrai ce que tu veux, ok ?

C'est parfois calamiteux de passage de l'un à l'autre mais je prends le parti d'en rire. Ça n'est pas un pronom personnel, ni même un prénom, qui définit mon enfant.


Au-delà de sa vie, de son avis, je m'interroge sur ce mouvement de fond qui fait que tant d'ados se questionnent sur le genre. <est-ce simplement un effet de parole plus simple, de plus grande acceptation ? (Je doute) Que s'est-il passé pour que le genre devienne une question si prégnante dans la mue adolescente ?


Rires familiaux, n'empêche, quand Cro-Mi prend son air "Jean-Michel Maturité" pour nous dire que "oh moi, je ne fais pas une trop grosse crise d'ado, hein".

LOL. Dans le genre questionnement identitaire on se pose pas mal, quand même, je trouve.

mardi 25 février 2020

Un jour peut-être

Ces derniers mois, cette dernière année et demi de vie ont été sérieusement compliqués par des questionnements, liés à l'adolescence de Cro-Mi, que je n'avais pas vus venir.

Ceux qui savent, savent, je n'écris pas ici ni même sur le blog privé car d'une part il en est de la vie privée des ados et ça, ça se respecte. Et d'autre part car nous ne sommes pas à l'abri d'yeux malveillants (pas vous, les copains, bien sûr) dont nous ne voulons pas sur notre vie de famille.

Exercice d'équilibriste, donc, où je ne me sens pas autorisée à parler de mes états d'âme car ils n'impliquent pas que la mienne, d'âme. Mais quand même ça soulage.

Et même, ça a tangué et secoué très fort.

Ca fait partie de ces moments où vous sentez tout d'un coup la confrontation de vos valeurs "en théorie" et de ce que vous ressentez au fond de vos tripes.

Et puis la réflexion se fait, le temps passe. On apprivoise certaines idées, on se force à en reconstruire d'autres. On ose pas prendre de paris sur l'avenir, ni dans un sens ni dans l'autre.

Alors on se pose dans le présent et on accueille, tout simplement, son enfant dans ses états quotidiens. Son plus tout à fait enfant. Aka "spécialiste du retournage de tête" (je rigole) (pas du tout) (dire qu'il en reste, de son adolescence, et de celle des deux autres) (ils vont me tuer) (mais qu'ils sont magnifiques).

Et puis il vient un moment d'apaisement où on se dit que quoi qu'il advienne du futur, à l'instant T, là, tout de suite, maintenant, il n'y a pas vraiment de problème. Dans cette minute précise, tout va plutôt bien.

On verra quand il sera temps.

(Mais avec une forme de relative sérénité vient l'épuisement de mois de travail de cerveau et de coeur en avant et arrière-plan.)

mercredi 27 mai 2015

La pousse des si jolies mauvaises herbes

Neuf ans.

Ça fait neuf ans et presque six jours que je suis maman. De mon bébé en rondeurs et en brunerie a émergé une grande/petite jeune fille, au fessier arrogant, toute en jambes, qui se préoccupe beaucoup de sa puberté à venir.

Elle est assez casse-pied et tout à fait charmante à la fois. J'aimerais pour elle qu'elle découvre le plaisir du partage avec les autres, elle tient de son père un certain "enfermement" des émotions, qu'elle a pourtant vives. C'est son chemin, c'est elle qui verra.

L'autre jour on les a, elle et sa meilleure amie, emmenées au restaurant puis au cinéma. L'amie en question se souvenait avec bonne humeur d'une blague de ma fille en classe de mer. Cro-Mignonne de rétorquer un "Lol" qui m'a fait rire au point de devoir mettre le frein à main et reprendre mon sérieux pour finir la manœuvre.

C'est horripilant et très chouette à la fois, cette entrée à marche forcée dans le monde des grands. Elle est si pressée. (Et tente déjà de négocier des permissions pour dans deux ans, autant vous dire que j'ai quelques années difficiles devant moi).

Je vous ai dit, aussi, comme elle est belle, intelligente et rigolote ?

Son frère approche doucement la première bougie, dans un mois et demi, on y est.

Il a troqué ses grognements de réclamation de bouffe par des cris suraigus. On tente de lui expliquer le principe du "s'il te plait" (s'il te plait se prononçant, par convention familiale, bababababababa, pour le moment).

Il vit debout, teste son équilibre 25 fois par jour, se jette sur notre ancien matelas au sol avec une confiance totale. Ma santé nerveuse s'en ressent un peu quand il frôle des zones non matelassées.

Et puis de sa pince pouce/index il ramasse et met à la bouche tout ce qu'il trouve sur son chemin (et il en parcourt, du couloir et du tapis, en une journée...). Ça fait dire à son père "tu te rends compte, on l'a connu, il ne savait pas se servir de ses mains !"

Moi de lui répondre "je l'ai connu, c'était un petit tas de cellules avec un programme qui disait : ah ouais, ça serait cool de mettre une main. Ou deux." !

Il ressemble à nous tous: les plissements d'yeux de son père quand il rigole, des expressions de son frère parfois, à sa soeur au même âge pour tout ce qui est de la zone sous les yeux et pour son développement général, à moi aussi, à mon père quand il fronce les sourcils, et au final, c'est lui avec une grande personnalité qui occupe le terrain comme s'il avait toujours été là.

Et je savoure les choses si douces dans la toute petite enfance, ça sera si vite passé. Je les aime tellement que je déborde.

mercredi 18 mars 2015

Lettre au CE2A

Chère classe de ma fille,

Vous vous apprêtez à partir en classe de mer, et j'en suis ravie pour vous.

Ça va être drôle, ça va être l'aventure, ça va être autre chose qu'à la maison et à mon avis, avec votre instituteur, vous allez revenir avec des bons souvenirs plein la tête. Et peut-être quelques drames de la cohabitation H24 avec vos meilleurs copains, aussi, mais ça c'est une autre histoire.

Même si laisser ma fille encore partir loin de moi me rend un peu triste, je ne peux que penser avec joie avec tout ce que vous allez vivre.

D'autant plus que j'ai d'excellents souvenirs de ma classe de mer. C'était l'année du CM1-CM2, j'étais dans une classe à double niveau. J'avais fait CM1 au premier trimestre et j'étais passée en CM2 pour Noël.

Il se trouve qu'en plus des vacances, on est partis en classe de mer (à Andernos les Bains, un peu plus au sud que là où vous allez partir, mais c'est la même mer !) Dans mes souvenirs on est partis trois semaines. TROIS SEMAINES. On a fait du bateau (de l'Optimist, comme vous, mais en plus vieux). On avait préparé ça par un certain nombre de séances d'initiation à la voile dans les étangs près de notre école où on pelait de froid. Et on avait hâte de voir ce que ça faisait, de naviguer en mer !

On a fait du kayak, des promenades, des fêtes, des baignades. Et on a un peu travaillé. Quand je dis un peu, c'est vraiment peu.

Environ une demi journée sur l'ensemble du séjour. Il se trouve que c'est justement cet après-midi là que mes parents, qui étaient copains avec mon instituteur, ont débarqué pour une visite, avec un terre-neuve (un gros gros chien noir plein de poils) et un énorme sac plein de gâteaux. Du coup on s'est arrêtés plus tôt que prévu.

Il m'en reste des lacunes sur la division avec des virgules, mais comme maintenant, j'ai droit à la calculatrice, ce n'est pas très grave.

Je vous souhaite de vous amuser autant que nous. Et revenez vite, quand même !

mercredi 21 mai 2014

8

8 ans.

Elle a huit ans aujourd'hui. Elle aura 8 ans à 17h25 précisément. Elle pèse 25 kilos de plus qu'alors et mesure 75 cm de plus, environ.

Cette grande chose qui est mon bébé. Cette gaminette dans laquelle on devine déjà des morceaux d'elle au futur. Celle qui aime violemment, de tout son petit être, celle qui dédaigne d'un mouvement d'épaule ce qui ne lui plait pas, celle qui se passionne et celle qui marque son territoire.

L'autre soir elle renâclait qu'on lui mettait trop la pression pour l'école (au prétexte vrai que je lui suggère d'apprendre par coeur ses tables de multiplication, alors que la maîtresse les leur fait entrer par imprégnation. Reste de vieille école que je porte en moi ? Facilité de lui demander plus parce qu'elle peut tant ?). Bref, j'ai acquiescé à sa demande : tant qu'il n'y a que du point vert, je regarde les leçons pour me tenir au courant mais sans réviser ce qu'elle a déjà vu en étude. Ça paraît plus que raisonnable, à vrai dire :)

Bref, pendant qu'on parlait, elle me disait qu'elle trouvait dur de s'entendre dire qu'elle n'est pas parfaite. A quoi je lui ai répondu que personne n'était parfait.

"Toi, comme maman, tu es parfaite", me répond-elle.

Sourire et rires et démonstrations que non, mais que quand on s'aime, on s'aime justement autant dans ses imperfections, voire plus, que dans quoi que ce soit d'autre.

Plus tard je demandais à mon Enchanteur s'il avait enregistré ce moment précieux, pour que je me le repasse en boucle dans les années à venir.

Il m'a dit que non, puis a attiré mon attention sur quelque chose. Que même si à l'adolescence, il y avait sans doute eu quelques râleries, il ne m'entendait guère renâcler contre ma propre mère.

Forcément, ma maman, elle est parfaite. Ça m'a touchée fort qu'il fasse ce parallèle.

J'espère surtout que ces huit premières années auront été le moyen d'aider ma petite grande à trouver sa structure, à écrire la base de qui elle est.

Qu'à son tour elle devienne quelqu'un qui avance dans la vie avec la force de qui n'a jamais souffert de sa mère. Que je lui sois toujours une mère positive, aidante, accompagnante, qui qu'elle soit et quelle que soit sa réalité.

(En attendant, vivement ce soir, voir les frimousses réjouies et barbouillées au chocolat, la rondeur des joues encore pleines d'enfance, jouer avec les cadeaux et la voir rayonner du plaisir très attendu d'être la reine du jour).