Cette idée de liberté, à laquelle on aspire plus ou moins toutes et tous, qui figure même dans notre devise, elle est quand même fort relative. En fonction de l'endroit du monde où l'on vit, de ses lois. De l'assouvissement de nos besoins primaires ou pas. Et rassurez-vous, je n'ai pas fait de longues et onéreuses études de philosophie pour en arriver à cette conclusion tarte à la crème.

C'est d'ailleurs curieux qu'on emploie le même mot pour parler d'une personne célibataire et d'un prisonnier qu'on relâche. (Le couple est-il une prison ? Vous avez deux heures et probablement un billet à lire sur le couvent d'ici peu).

Et même, la plupart d'entre nous tiennent à leur(s) liberté(s) mais pas d'une façon jusqu'au-boutiste. Si on parle d'ici et de maintenant, que faudrait-il pour être absolument libre ? Ne pas avoir d'identité reconnue. Ne pas payer d'impôts, donc ne jamais déclarer de revenus. Donc avoir une activité qui peut se payer en liquide, ou en services rendus. Ne se soumettre à aucune forme d'autorité. Echapper au système bancaire. La vie devient tout de suite très compliquée. Enfin trop pour moi.

Alors voilà, on veut être libre, jusqu'à un certain point, pour la plupart des gens. Dans la limite des règles établies par l'endroit où l'on vit, plus ou moins (et cette nuance a de l'importance) et de nos attaches affectives.

Le soleil aperçu dans une couche de nuages furieux, le ciel plus dégagé en dessous, les faites des toits parisiens, en bas.

Et ensuite ?

Arg. Là aussi, il y a des limites à ce que la plupart d'entre nous est prêt(e) à accepter.

Par exemple : la semaine dernière j'ai vu quatre films différents [1], aux horaires à peu près choisis (avec comme contraintes : mes horaires de boulot, ceux des cinémas et, pour celui que j'ai vu accompagnée, les contraintes de l'autre personne concernée). Pas tellement besoin de me soucier de transports, de météo, d'heure à laquelle rentrer, de dépenses impossibles à assumer. Pas non plus besoin de m'inquiéter de mon droit à circuler - à part l'arrivée du Tour de France qui a légèrement et ponctuellement impacté les transports en commun parisiens hier, de la façon de m'habiller (résolument trop optimiste hier).

De la bonne liberté comme on aime, facile, légère.

Impossible dans d'autres régions du monde, néanmoins.

Et plus compliquée pour un certain nombre de personnes qui vivent au même endroit que moi, au même moment.

Savourons.

Le corollaire le plus violent de l'envie absolue de liberté, c'est la solitude. Faire ce qu'on veut, quand on le veut, sans tenir compte de quiconque, ça ramène assez vite à être seul(e) le plus souvent. Je ne suis pas sûre que de vivre en absolu(e) solitaire tout au long de sa vie soit quelque chose de bénéfique. Nous sommes des animaux sociaux, nous affranchir de contacts, de connivence, de codes partagés, de chaleur humaine, c'est quand même s'amputer d'une bonne part de ce qui rend la vie vivable.

Pour autant, on se la fait grignoter, notre liberté, depuis des années. Sans trop de sursauts. Je veux dire : il y a des gens pour protester, s'indigner. Heureusement. Mais globalement nos territoires de liberté sont rétrécis, insidieusement. Pas encore de façon très sensible, pour beaucoup de gens.

J'ai peur, pour les décennies à venir, que le réveil ne soit brutal. Si un réveil est encore possible. Qu'il ne s'agira plus de liberté de se divertir, mais de sujets beaucoup plus fondamentaux, qui form(ai)ent la société dans laquelle nous avons grandi.

Tout ça pour dire que trop de liberté, c'est sans doute difficile à vivre. Nous avons trop besoin des liens que nous créons pour ne pas accepter les contraintes qui vont avec. Mais pas assez, c'est invivable. Même abruti(e)s de divertissements et de vie facilitée par le progrès.

Est-ce qu'on est sûr(e)s de ce qu'on veut sacrifier ?

Note

[1] Dont, je ne me lasse pas d'en rire, Eddington, qui se passe sur fond de Covid et de complotisme, et figurez-vous que je suis sortie du ciné avec la 5G alors que j'y étais entrée en 4G. Il se trouve que c'était un upgrade gratuit de mon cher opérateur de téléphone mobile, qui, coup de bol, a été déployé au bon moment pour me faire rigoler. Pensez, dans 20 ans, quand je ne me souviendrai plus du pourquoi de cette note, à me rappeler les blagues sur les vaccins et la 5G, merci, bisous.

Commentaires

1. Le lundi 28 juillet 2025, 11:49 par Lysa

Moi suis allée voir Life of Chuck (premier acte sur la fin du monde) et au "pire" moment d'un coup une lumière de la salle qui se met à clignoter et qui dit "merci d'évacuer la salle, merci d'évacuer la salle"... Nous étions plusieurs à nous demander si cela faisait partie du film... Puis comme quelques uns se levaient pour sortir car l'alarme n'arrêtait pas, on se retrouve à une cinquantaire de spectateurs devant les gérants effarés : "mais pourquoi vous sortez ?"... Un bug de l'alarme mais non signalé... Etrange voire plus... Sacrée synchronicité en tout cas ! Quant à nos territoires de liberté qui rétrécissent... Je plussoie !! Et suis inquiète... Des bises.

2. Le lundi 28 juillet 2025, 12:45 par Gilsoub

Ça me rappelle une phrase que j'avais marqué sur la couverture de mes classeurs de lycéen : "Il voulait être libre, mais avait peur d'être seul !".
Je ne sais absolument plus de qui c'est, si ce n'est que je l'avais traduit de l'anglais, un truc du genre : "he want to be free, but he frightened to be alone" (dans mon souvenir).

3. Le lundi 28 juillet 2025, 14:19 par Sacrip'Anne

Lysa ah oui, la mienne est plus drôle ! Inquiétons-nous, malgré le sentiment d'impuissance.

Gilsoub et ben, si on m'avait dit que j'allais rejoindre tes couvertures de classeurs...

4. Le lundi 28 juillet 2025, 18:55 par Orpheus

La Liberté me semble tellement une espèce en voix d’extinction… Et pas certain que ses consœurs Égalité et Fraternité soient mieux loties…

Sinon, chacun sa façon de fonctionner, la solitude est ce qui me permet d’oublier toutes les horreurs, d’anesthésier ma misanthropie, pour être capable de sociabiliser à nouveau. Un cercle infini : Vie en société > Trop plein > Besoin de solitude > Envie de contacts > Vie en société… Repeat adlib…

5. Le lundi 28 juillet 2025, 20:34 par NP

Ton billet fait étrangement écho à mon ressenti de ce week-end. Cela va faire un an que je loue mon appartement et un soir, je suis sortie sur mon balcon et une énorme émotion m'a envahie car j'ai réalisé que j'étais libre (bien entendu dans les limites de ce que la société impose), que j'avais réussi à atteindre ce but là, j'ai versé une petite larme et me suis sentie pleinement heureuse.

6. Le mardi 29 juillet 2025, 08:06 par Sacrip'Anne

Orpheus, oui, c'est sûr qu'on navigue dans quelque chose qui n'est pas forcément figé, au quotidien. Quant au reste, je crains que tu n'aies raison.

NP je me souviens bien ! Savoure. Je suis heureuse pour toi.

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