Je retrouve le plaisir de la cuisine, ces derniers temps.

Cette pièce a fait l'objet de tant de tensions au cours des années passées qu'elle était devenue un endroit où je mettais les pieds aussi peu que possible, constamment sale, mal rangée, impraticable, en tout cas dans les conditions dans lesquelles je m'y sens bien.

La semaine, c'est le "plat gagnant" un minimum d'efforts pour un maximum de plaisir à manger, qui a notre préférence, aux enfants et à moi. Ma pente naturelle cuisinière me porte vers l'élaboration de plats mijotés le week-end, que ce soit pour accueillir les copains (ma vie sociale de fin de semaine a repris avec vigueur et nous avons une invitée du mardi récurrente qu'il faut régaler) ou pour prévoir deux ou trois tournées dans la semaine.

Il faut imaginer la maison parfumée aux effluves de boeuf bourguignon ou de pot-au-feu qui mijote, l'odeur de la sauce aux champignons qui accompagnera riz et haricots verts du soir, on tire le meilleur parti de l'automne, de nos envies et de la nécessité à se nourrir. Voilà : une maison. Une maison c'est accueillant, ça sent bon le plat qui bloblotte sur le feu et on y trouvera toujours de quoi faire manger l'ami(e) de passage. Simplement, mais avec du goût.

Souvent, donc, le retour de marché du samedi est un moment d'épluchage, de taille de légume, de débuts de cuisson.

J'ai toujours aimé cette étape préparatoire, elle me vide la tête des soucis presque aussi sûrement qu'un kilomètre dans l'eau chlorée de la piscine. C'est un peu fastidieux, ça oblige à une légère concentration, mais sans non plus prendre toute la place.

Chez moi, c'est souvent l'occasion de saisir au passage les jolis souvenirs qui remontent à la surface. Cuisiner pour l'autre est un acte d'amour répandu dans ma famille, comme dans tant d'autres.

Ainsi, les girolles m'évoquent mon grand-père paternel, nos chasses aux champignons, la complicité qu'il y avait entre nous, la tendresse dont il m'entourait (et qu'il n'avais sans doute pas tellement témoignée à ses enfants). Le pot-au-feu me ramène immanquablement à une antique conversation avec N. L'équeutage des haricots ravive les séances de cuisine guidée par ma grand-mère paternelle. Ma blanquette est celle d'Emile Zola, un peu métissée à l'insu de son plein gré (un nombre très limité de personnes savent pourquoi mais c'est ainsi). Le gâteau au chocolat que je fais depuis 20 ans tellement il plaît et m'est réclamé évoque une ribambelle de sourires, de mines gourmandes, de gémissements de plaisir gustatif (oui), d'actes sournois pour s'assurer la dernière part dans un éclat de rire généralisé. La pasta, faite maison, me plonge dans les délices de mon enfance, l'odeur de la farine qui se mêle aux œufs m'est irrésistible et répond sans doute à des souvenirs très anciens, bien rangés. Le gâteau que j'ai fait hier pour aller chez des amis est issu d'un livre qui appelle souvent une conversation complice avec mon hôtesse dominicale, chaque revisite améliorée par ses soins ou les miens est une sorte de victoire qui nous lie contre le livre.

Ces bribes de tendresse qui me reviennent quand je cuisine parfument les ingrédients d'un arôme qu'on ne trouve nulle par ailleurs que dans le plaisir d'anticiper la gourmandise des autres, les expressions de plaisir[1], ceux pour qui j'aurais envie de faire à manger. De l'amour, encore, en somme.

Note

[1] Il m'arrive de foirer magistralement, rarement, mais spectaculairement. Ne m'en veuillez pas si ça tombe sur vous.

Commentaires

1. Le lundi 7 octobre 2024, 16:24 par Orpheus

Une maison où on cuisine avec cœur est une maison où les cœurs vont bien.

2. Le lundi 7 octobre 2024, 16:42 par Laurent

J'entends le plat qui bloblotte <3

3. Le lundi 7 octobre 2024, 16:46 par Sacrip'Anne

Orpheus oh oui, je pense, raisonnablement bien !

Laurent tu as raison, le son du bloblottement fait partie des plaisirs de l'anticipation !

4. Le lundi 7 octobre 2024, 18:02 par Minka

Oh oui de l'amour. Plein. Dont on prend soin, et qui se respire, se hume, se goûte, se dévore.
J'ai adoré ce billet (et j'ai faim ET envie de cuisiner maintenant !)

5. Le lundi 7 octobre 2024, 19:45 par Sacrip'Anne

Minka j'aurais dû faire influenceuse pot'auf !

6. Le mardi 8 octobre 2024, 11:09 par Gilsoub

Cuisine et souvenir d'enfance (et pas que !) c'est juste du bonheur :-)

7. Le mardi 8 octobre 2024, 11:48 par Sacrip'Anne

Gilsoub oui enfin pour ceux qui ont eu une enfance raisonnablement heureuse, pas de TCA, etc.

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