lundi 30 décembre 2024
Y a rien
Ce matin je me suis encore levée cafardeuse, et puis je suis venue au bureau, où j'ai trouvé deux de mes collègues, soit une de plus qu'espéré, et doucement le voile se lève. C'est drôle (à propos de cafard, la métaphore se file comme avec rouet électrique, par ici, rien de moins !), je leur parlais de "La métamorphose", je ne sais plus pourquoi. En leur expliquant de quoi ça parlait, je me suis souvenu que la première fois que je l'ai lu, ce livre m'a bouleversé tant il semblait être un reflet de ma vie. Qui racontait comme je le ressentais que, dès que tu sors des attentes qu'on a pour toi, le monde te tourne le dos et que tu peux crever dans l'indifférence générale.
Bon, Nabokov, je crois, voyais dans ce bouquin le génie (de Kafka) contre la médiocrité, il me semble. Je n'ai pas le génie de Nabokov, ni celui de Kafka, alors j'ai sans doute pris le truc plus littéralement ; j'étais dans cette période de "mue" adolescente, au moment où tout ce qui s'écarte de la normalité est un risque de rejet. C'était presque exactement ce qui m'encombrait ces derniers jours. Cette période des "fêtes", c'est un peu ça, aussi. Dès que tu refuses un peu explicitement de jouer le jeu, il se peut que tu te sentes un peu seul(e) au monde. Tu t'isoles plus ou moins volontairement de ce que la plupart des gens voient comme un passage obligé, positif ou pas. Et l'écho de ta voix réverbère autour de toi, amplifiant l'illusion de solitude et le mur de l'incompréhension.
Tarif : 8 jours de blues qui colle aux semelles, de paradoxes absurdes et pas si graves au sein de ma famille mais qui ont alimenté la machine comme jaja.
Je disais ce matin que j'en avais ras-le-bol (fun fact, j'en ai profité pour constater a postériori que mon autocorrect l'écrivait "raz", il doit être breton. Ca m'a fait rire, donc j'ai laissé) d'être dans cet état désagréable. J'en ai d'autant plus marre que je ne suis pas très fréquentable dans ces moments-là, j'en veux à tout le monde pour de mauvaises raisons, je suis d'une mauvaise foi crasse et je m'enlise peu à peu dans une mauvaise volonté évidente (enfin, évidente : surtout quand j'en suis sortie). Il y a, normalement, un moment où je clame (plus ou moins intérieurement) que de toute façon personne ne m'aime et ne m'aimera plus jamais. Si jamais ça se produit en votre présence, un thé et des petites tapes dans le dos font normalement effet[1].
Je suis donc passée d'un léger décalage périodique à un agacement familial - au sens large - puis à un immense "j'en peux plus de ces gosses" (j'ai d'ailleurs une nouvelle théorie : c'est beaucoup plus facile d'aimer ses enfants quand on est riche. Riche au point d'avoir du personnel pour les choses chiantes et n'avoir à gérer que le bisou sur un front propre, les conversations passionnantes et la tendresse qui sort d'eux, parfois). Je ne raconterai pas en détail ici, mais l'essentiel de la chose est : c'est épouvantablement difficile d'élever des enfants, encore plus quand on le fait seul(e) la plupart du temps. Mais ils vont très bien et se comportent comme des enfants, c'est juste que mes vacances seraient plus reposantes si j'étais moi-même en vacances et pas dans un truc dévoué et stérile qui met tout le monde de mauvaise humeur. Moi parce que je fais des trucs pour eux qui ne me font que modérément plaisir. Eux parce qu'ils ne sont pas dupes. Et bim, la mayonnaise monte.
La matinée est passée, on a ri, beaucoup, avec mes jeunes collègues, avons agi sans aucune vergogne sur un sujet épineux. Le nez sur l'ordi et l'absence de sieste font un peu piquer les yeux, mais je crois que ça y est, j'émerge, doucement. Encore un peu de ronchonneries sur le nouvel an et ça sera bon. Tout ceci n'est pas si grave.
J'aurais mieux fait de laisser le petit le cul sur son canapé et le nez dans ses jeux vidéos et aller prendre l'air, au lieu de m'enfoncer dans une attente de son hypothétique bon vouloir. J'aurais mieux fait de ne pas me laisser croire que, du coup, j'étais coincée à la maison. Petit post-it mental pour les prochaines fois. On s'en fout d'être là pour eux tout le temps, ils savent bien que je suis là dès qu'ils en ont besoin. Mieux fait de ne pas chercher à être d'accord avec le reste du monde, mieux fait... autrement. Et on fera comme ça la prochaine fois : autrement. D'ici là, pas de drame. Y a rien, ni de grave, ni de permanent.
Vivement Amsterdam. Il paraît qu'il va peut-être y neiger.
Note
[1] Fort heureusement, ce genre d'épisodes n'arrive pas si souvent.