J'imagine que ça fait 20 ans et des que je gonfle tout le monde à l'approche des fêtes, à faire mon Grinch qui n'aime pas Noël. Vous vous en remettrez, j'espère, c'est le moment de l'année (j'ai bien tenu, non ? On est le 13 décembre, c'est quasi héroïque !)
Je crois bien que le dernier Noël que j'ai trouvé fantastique, un vrai beau Noël comme on se l'imagine dans les clichés qui vont avec, c'était celui de mes 13 ans. Comme souvent, c'était lié à mon grand-père paternel. Je garde de lui le plaisir qu'il avait à partager. C'était souvent lui qui trouvait LE cadeau, mais j'ai aussi des souvenirs formidables de marchés faits en sa compagnie à m'apprendre le fromage, de son habitude de ramasser toutes les chaussures de la maisonnée le soir pour les cirer, les escapades pour aller aux champignons, le temps qu'il passait avec moi, enfant, à jouer assis par terre à des choses qui ne devaient pas le passionner mais pour lesquelles il n'avait pas l'air de se forcer. Il aimait faire se rencontrer nos univers, s'intéresser au mien, m'ouvrir le sien, en tout cas celui qu'il voulait partager avec moi. Je crois qu'il n'a pas eu une enfance facile du tout, puis la guerre. Il a été un père sévère avec ses enfants, je crois, et quand je suis arrivée j'ai eu le privilège de sa tendresse et de sa générosité, immenses, les deux.
Ca y est je pleure à gros flots. Si on vous demande c'est ça, l'amour. Pleurer le manque de quelqu'un qui n'est plus là depuis 35 ans comme si on venait d'apprendre la nouvelle. Merde.
Bref, l'année suivante il était mort, quelques semaines avant les fêtes. C'était ma première perte humaine et pas des moindres. C'est un peu toujours raconter une histoire que de dire ce que nous font les choses, mais je crois bien que je suis dans le vrai si je dis que Noël n'a plus jamais été Noël après lui.
Les enfants ont grandi. J'ai fait ce que j'ai pu quand ils étaient petits mais j'avoue ne faire aucun effort. Déjà, la naissance du petit, quand t'es pas catholique, bon. Ca me saoule de foutre boules et guirlandes partout, ça fait du bordel partout, rapport aux chats et à Lomalarchovitch, c'est kitch, ça n'a aucun sens ni esthétique ni autre à mes yeux. Il n'y a pas la moindre décoration de Noël à la maison. Ca en devient presque une provocation. Enfin quand même : il y a du très bon foie gras dans le frigo.
J'aimerais avoir les nerfs d'annuler Noël. Ca n'est jamais vraiment possible à cause de ce que ça fait aux autres. Même ceux qui pensent au moins un peu pareil.
L'hystérie frénétique autour des fêtes me fatigue, d'une force.
Et pourtant cette année tout va mieux. Maman va bien, j'ai réparé ma vie. On pourrait se dire, meuf, fais un effort, joue le jeu. Mais il y a aussi la valse de mes patrons, un gros coup de ras-le-bol de faire la danse du ventre tous les quatre matins à un(e) nouveau/nouvelle boss pour lui expliquer le sens de notre vie partagée. Honnêtement, je suis poreuse au changement, mais là ça fait sept en deux ans, quoi. En plus il était vraiment chouette, le dernier en date.
Rien de grave, la vie va continuer son cours, mais entre le pote de Lomalarchovitch qui touche à tout quand il débarque et a programmé une alarme très tôtive ce matin, le petit coup de blues passager, les nuits courtes, cette semaine, je me hérisse à tout et grince. Même les choses que je sais parfaitement rationaliser, comme un silence là où j'aurais aimé autre chose, me peinent (trop).
Ca ne durera pas.
Cette année j'ai dépensé une fortune en cadeaux pour moi, des cadeaux comme j'en ferais à quelqu'un que j'aime. Quitte à avoir un prétexte, autant s'en servir. Quitte à ne pas croire en Noël autant en profiter dès qu'ils sont là et ne pas les poser en attente sous un sapin que je n'ai pas.
Aujourd'hui je me suis fait un mot d'excuse pour être triste pour rien. Ca ira mieux demain.