Ce matin je me suis encore levée cafardeuse, et puis je suis venue au bureau, où j'ai trouvé deux de mes collègues, soit une de plus qu'espéré, et doucement le voile se lève. C'est drôle (à propos de cafard, la métaphore se file comme avec rouet électrique, par ici, rien de moins !), je leur parlais de "La métamorphose", je ne sais plus pourquoi. En leur expliquant de quoi ça parlait, je me suis souvenu que la première fois que je l'ai lu, ce livre m'a bouleversé tant il semblait être un reflet de ma vie. Qui racontait comme je le ressentais que, dès que tu sors des attentes qu'on a pour toi, le monde te tourne le dos et que tu peux crever dans l'indifférence générale.

Bon, Nabokov, je crois, voyais dans ce bouquin le génie (de Kafka) contre la médiocrité, il me semble. Je n'ai pas le génie de Nabokov, ni celui de Kafka, alors j'ai sans doute pris le truc plus littéralement ; j'étais dans cette période de "mue" adolescente, au moment où tout ce qui s'écarte de la normalité est un risque de rejet. C'était presque exactement ce qui m'encombrait ces derniers jours. Cette période des "fêtes", c'est un peu ça, aussi. Dès que tu refuses un peu explicitement de jouer le jeu, il se peut que tu te sentes un peu seul(e) au monde. Tu t'isoles plus ou moins volontairement de ce que la plupart des gens voient comme un passage obligé, positif ou pas. Et l'écho de ta voix réverbère autour de toi, amplifiant l'illusion de solitude et le mur de l'incompréhension.

Tarif : 8 jours de blues qui colle aux semelles, de paradoxes absurdes et pas si graves au sein de ma famille mais qui ont alimenté la machine comme jaja.

Je disais ce matin que j'en avais ras-le-bol (fun fact, j'en ai profité pour constater a postériori que mon autocorrect l'écrivait "raz", il doit être breton. Ca m'a fait rire, donc j'ai laissé) d'être dans cet état désagréable. J'en ai d'autant plus marre que je ne suis pas très fréquentable dans ces moments-là, j'en veux à tout le monde pour de mauvaises raisons, je suis d'une mauvaise foi crasse et je m'enlise peu à peu dans une mauvaise volonté évidente (enfin, évidente : surtout quand j'en suis sortie). Il y a, normalement, un moment où je clame (plus ou moins intérieurement) que de toute façon personne ne m'aime et ne m'aimera plus jamais. Si jamais ça se produit en votre présence, un thé et des petites tapes dans le dos font normalement effet[1].

Je suis donc passée d'un léger décalage périodique à un agacement familial - au sens large - puis à un immense "j'en peux plus de ces gosses" (j'ai d'ailleurs une nouvelle théorie : c'est beaucoup plus facile d'aimer ses enfants quand on est riche. Riche au point d'avoir du personnel pour les choses chiantes et n'avoir à gérer que le bisou sur un front propre, les conversations passionnantes et la tendresse qui sort d'eux, parfois). Je ne raconterai pas en détail ici, mais l'essentiel de la chose est : c'est épouvantablement difficile d'élever des enfants, encore plus quand on le fait seul(e) la plupart du temps. Mais ils vont très bien et se comportent comme des enfants, c'est juste que mes vacances seraient plus reposantes si j'étais moi-même en vacances et pas dans un truc dévoué et stérile qui met tout le monde de mauvaise humeur. Moi parce que je fais des trucs pour eux qui ne me font que modérément plaisir. Eux parce qu'ils ne sont pas dupes. Et bim, la mayonnaise monte.

La matinée est passée, on a ri, beaucoup, avec mes jeunes collègues, avons agi sans aucune vergogne sur un sujet épineux. Le nez sur l'ordi et l'absence de sieste font un peu piquer les yeux, mais je crois que ça y est, j'émerge, doucement. Encore un peu de ronchonneries sur le nouvel an et ça sera bon. Tout ceci n'est pas si grave.

J'aurais mieux fait de laisser le petit le cul sur son canapé et le nez dans ses jeux vidéos et aller prendre l'air, au lieu de m'enfoncer dans une attente de son hypothétique bon vouloir. J'aurais mieux fait de ne pas me laisser croire que, du coup, j'étais coincée à la maison. Petit post-it mental pour les prochaines fois. On s'en fout d'être là pour eux tout le temps, ils savent bien que je suis là dès qu'ils en ont besoin. Mieux fait de ne pas chercher à être d'accord avec le reste du monde, mieux fait... autrement. Et on fera comme ça la prochaine fois : autrement. D'ici là, pas de drame. Y a rien, ni de grave, ni de permanent.

Vivement Amsterdam. Il paraît qu'il va peut-être y neiger.

Note

[1] Fort heureusement, ce genre d'épisodes n'arrive pas si souvent.

Commentaires

1. Le lundi 30 décembre 2024, 17:03 par Créatinine

J'ai pensé à toi, car j'étais à Louis Moumou lundi passé, salement cocardée et le bras tordu comme par Bayrou. Noël et tout le reste, pas easy. Mais entourée, alors je ferme ma boite à camembert.
Bon temps avec les enfants, jeux de société, films régressifs, à gogo !

2. Le lundi 30 décembre 2024, 18:40 par Minka

Câlin des poings !
Je sais pas pour le génie kafkaïen, mais celui de choper les mots qui tombent tout juste, tous justes, en moi, tu l'as vigoureusement.

3. Le lundi 30 décembre 2024, 19:03 par Sacrip'Anne

Créatinine mais ma pauvre ! J'espère que tu vas mieux ! Merci pour tes souhaits mais là, je vais jouer d'une semaine avec un seul, et par éclipses. Et je m'ennuie très vite aux jeux de société donc c'est typiquement pas un truc que je fais pour mon plaisir 😂 (Je sais, je suis chiante)

Minka câlin des poings bien reçus, merci ma douce. Ça me fait plaisir parce que j'ai, côté intérieur, l'impression de geindre en me tripotant le nombril, ça fait une moyenne.

4. Le mardi 31 décembre 2024, 06:06 par Orpheus

Allez, courage, demain tout ce cirque est terminé… Bisou 😘

5. Le mardi 31 décembre 2024, 06:08 par Orpheus

(Par contre, pour les enfants, je crois que la Loi t’oblige à les garder… au moins jusqu’à un certain âge 🤷‍♂️😉)

6. Le mardi 31 décembre 2024, 08:23 par Sacrip'Anne

Orpheus ah. (Bon, quand je n'en ai pas vu un depuis une semaine il me devient curieusement plus supportable, et l'autre va s'enfouir à nouveau dans ses chères études, ça devrait aller quelques semaines).

7. Le mardi 31 décembre 2024, 08:25 par Laurent

Ce matin, avec ma moitié, on dézinguait à balles réelles sur tous ceux qui allaient souhaiter bonne année et la santé gnagnagna, on est clairement pas équipés pour cette trêve-des-confiseur-mon-cul. Aux quelques personnes à qui j'ai envoyé une carte j'ai écrit : on te souhaite le meilleur du moins pire...

8. Le mardi 31 décembre 2024, 08:25 par Laurent
  • confiseurs
9. Le mardi 31 décembre 2024, 08:57 par Sacrip'Anne

Laurent ce qui m'agace c'est le côté convenu (et souvent sans trop y penser, on souhaite "et la santé, hein" comme on demanderait le sel à table). Je préfère souhaiter/dire de jolies choses à ceux qui me sont chers au moment où je les pense qu'à un moment imposé par une convention. Mais bon. Je crois que je vais me faire un double ciné demain, tiens !

10. Le mardi 31 décembre 2024, 15:34 par Madleine

T'imagine que vu que je suis beaucoup plus âgée que toi ça fait encore plus longtemps que ce cirque m'ennuie (et je suis polie !)
Bref bon ciné, bon voyage et j'espère que ça t'apaisera.
Pour les enfants ?! Comment dire ? On en prend à vie mais tu le sais déjà non ? 😉
Je t'embrasse fort

11. Le mardi 31 décembre 2024, 15:39 par Sacrip'Anne

Madleine oui et puis j'ai décidé de faire Blue Monday en avance comme ça je suis débarrassée 😂

12. Le mardi 31 décembre 2024, 15:47 par Madleine

Bonne idée :)

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