mardi 22 octobre 2024

J'ai encore perdu mon crâne qui fume

Je sais, c'est futile, par rapport à certains autres de mes soucis, mais allez savoir sur quoi les choses vont se cristalliser.

Je viens de me souvenir pourquoi j'avais arrêté de porter badges et pins, il y a quelques décennies.

Le taux de perte est effarant.

J'ai dû changer de blouson en jean (alors que le précédent avait à peine douze ou treize ans, c'est un scandale), et sur le nouveau, je ne sais pas ce qu'il se passe mais les pins se détachent et, quand je m'en rends compte, la plupart du temps, il est trop tard.

Au registre des pertes douloureuses, il y a mon adoré crâne qui fume de Van Gogh. Je l'avais déjà perdu et une super chouette meuf sur Twitter m'en avait rapporté un du musée Van Gogh à Amsterdam, où elle allait justement.

J'adore ce pins. Je ne sais pas pourquoi lui plus qu'un autre, mais je l'adore et je suis triste de l'avoir perdu.

Dans une vie parfaite, il y aurait un amoureux formidable dans ma vie qui me dirait "viens, on saute dans le train, on passe le week-end à Amsterdam, on ira saluer Vincent et on rachètera ton pins, mon amour".

Je suis sûre que ce type existe, peut-être dans une réalité alternative. Mais dans ma vie à moi, celle d'où je vous écris, non (enfin à part Cro-Mi à qui je l'ai dit vous êtes les premiers au courant, mais même vous considérant informés, je crains que ça ne suffise pas).

Du coup j'ai retiré beaucoup de mes badges et pins. Il m'en reste juste assez pour que Lomalarchovitch me dise que sur trois, il y en avait deux sur lesquels le mot fuck était écrit. "Je ne suis pas une mère très polie, que veux-tu", lui ai-je répondu.

C'est con, ça me rend un peu triste alors que bon. C'est de la verroterie, ça n'est pas grave, c'est un détail.

Où vont se nicher la peine et la rage au bide, donc.

mercredi 16 octobre 2024

Enfiler l'armure à nouveau

Voilà.

On a à peine le temps de se poser et de se dire que là, tout va plutôt bien, qu'on s'en prend à nouveau une sur la tronche.

A peine l'idée que la rentrée en sixième, malgré son lot de roumègueries à cause du caractère trop organisé de mon fils, ne se passe pas si mal que la nouvelle tombe.

Lomalarchovitch a deux abrutis sur les côtes depuis plusieurs semaines.

C'est passé de remarques blessantes à insultes, des insultes aux coups. Et comme ces abrutis sont malins et que Lomalarchovitch se défend, c'est lui qui se fait punir. Feu vert du collège au harcèlement : les petits cons sont bien tranquilles, celui qui subit, même s'il n'est pas innocent de ses ripostes, a des ennuis.

J'ai été bonne élève, j'ai suivi leurs consignes : premier signalement à l'équipe de médiation il y a trois semaines. Redite en réunion avec le prof principal la semaine dernière. Message à ce dernier + la CPE + l'équipe médiation hier : rien n'a bougé.

En attendant, fiston va au collège bien stressé, fait donc : n'importe quoi. Et on me propose une commission éducative pour l'aider à gérer ses émotions.

Alors je ne suis pas contre mais c'est comme la fille à qui on reproche sa jupe trop courte et d'avoir cherché les ennuis : si on commençait par LE problème ?

Est-ce qu'on ferait mieux que lui, nous, adultes, si on prenait des remarques humiliantes, insultantes et/ou des coups tous les jours ? Je ne crois pas, non.

Je documente, archi consciente que ça va être difficile (la CPE hier m'a appelée et la seule réaction à mon message du matin était : "on a des problèmes de violence exceptionnels cette année, même les sixième ont intégré la violence physique et verbale comme moyen de communication acceptable". Super rassurant. Mon fils était à côté d'elle quand elle parlait... Aujourd'hui ? Elle ne travaille pas.) Ce matin j'ai pris des photos de bleus sur son corps, au cas où.

Je ne blâme pas le collège lui-même, l'école publique n'est plus que le fantôme de ce qu'elle a été, il manque des heures, des gens, des euros partout. Je blâme le monde qui fait qu'on en arrive là.

Et je me retourne dans mon lit à longueur de nuit en espérant trouver la solution miracle qui n'existe pas. Seule ou à peu près.

Je vais fermer les commentaires sous ce billet. Je n'ai pas envie d'en discuter ici, à vrai dire, j'ai envie d'effacer le problème. Là j'ai juste besoin qu'on me prenne dans les bras et qu'on me rappelle que j'ai encore de la force pour gérer ça, et où je l'ai rangée. Et qu'on va trouver des solutions. Qu'il va aller bien. Que ça va s'arrêter. Et que je suis une adulte bienveillante qui ne peut pas aller péter des genoux à des gamins qui s'en prennent à mon fils malgré l'envie qui me démange.

mardi 15 octobre 2024

Mon chat, (finalement) un génie.

J'ai deux chats dont Obiwan, un chat juif russe fils de psychanalyste, codépendant affectif, magnifique, il a la gueule d'Ewan McGregor jeune si Ewan McGregor avait été un chat, le poil long et doux. Et con. Vraiment très avancé dans la malcomprenance.

Rappelez-vous, il lui a fallu plusieurs semaines (mois ?) pour comprendre comment passer au travers d'une chatière qui fonctionne exactement comme sa litière de l'époque. Et maintenant qu'il sait, il s'indigne quand elle est fermée et tape sur la trappe à grands coups de patte rageurs. Bref, comme un mec.

Obiwan adore la nouvelle canne à pêche (pour chats) que j'ai rapportée de chez Leclerc l'autre jour. Contrairement à celle d'Ikea qu'il compisse de son mépris depuis des années.

Nous nous livrons donc à des parties de jeu effrénées, les chats et moi. Au bout de quelques minutes, Maïa se pose dans un coin pour nous regarder mais Obiwan est inlassable.

Or, je range cette canne à pêche dans une sorte de grand vide-poche posé sur ma tête de lit qui contient en général mon téléphone, une paire de lunettes non progressive qui ne craint rien pour lire allongée sur le côté, des télécommandes, mon PC, une liseuse, un bouquin en cours, une certaine quantité de câble, de la Ventoline, bref, la base.

Il a fallu quelques heures pour que le matou ne me grimpe sur la tronche en pleine nuit pour essayer de récupérer sa canne à pêche.

Pire, le lendemain, j'ai trouvé, après moins de trois minutes d'absence de la pièce, une partie du contenu du vide-poche réparti sur mon lit, dont la canne à pêche, hélas beaucoup moins marrante quand il n'y a personne pour l'agiter.

Quand il le veut, donc, mon chat est un génie (du mal) (du mâle ?).

Vivez avec un chat, vous ne vous ennuierez plus un jour de votre vie....

jeudi 10 octobre 2024

On pourrait ne jamais le voir

Je ne sais pas pourquoi j'aime tant regarder le ciel.

A vrai dire, je pourrais tenter une réponse simple ; j'aime le ciel parce qu'il est beau, de multiples façons.

Il est beau sans le faire exprès, il ne résulte d'aucune démarche artistique. Sa beauté est fortuite. Peut-être même forgée par l'aptitude humaine à regarder loin, peut-être que si nous étions une autre forme de vie consciente on en aurait rien à faire, de la beauté du ciel.

Sa beauté est gratuite ; si personne ne le regardait jamais, il serait quand même beau, parfois d'une manière dramatique et colorée, parfois plus discrète en nuances de gris, parfois d'un bleu implacable qui transperce l'âme.

Le matin, souvent, quand je monte sur le toit de l'immeuble prendre un café, je suis seule. Il y a des instants sublimes pendant lesquels que je suis absolument seule à voir de ce point de vue-là. C'est un cadeau vertigineux (non, je ne me penche pas dessus le rooftop) de se dire que, même si absolument aucun humain ne le voyait, aucune espèce de vie, il serait beau de la même façon, le ciel, pour rien, par essence, comme ça. Et que moi, bim, j'ai la chance d'être là.

Il y a sur mon téléphone des milliers de photos du ciel. Ici, ailleurs. La plupart ne me servent à rien, j'oublie quel jour, quelle saison, parfois quel lieu. Elle me servent à célébrer l'instant, assez humblement : il est presque impossible de faire une photo qui soit aussi belle que la réalité. Les couleurs sont trop spectaculaires, les nuances trop infinies pour nos capteurs, c'est à l'image de cette beauté sans objet ; la magnificence du ciel est impossible à capturer pleinement autrement que par nos yeux. Et encore, sans doute ne voient-ils pas tout.

En fait, elles ne servent pas qu'à encombrer des serveurs de stockage, elles servent aussi à dire bonjour, à ma mère, toujours, à un autre, souvent. A vous, ici ou sur les réseaux sociaux, parfois. Chaque fois, choisie pour son ou sa destinataire, sur des critères qui m'échappent complètement mais qui ne me laissent aucun doute au moment de l'envoi.

Dont acte.

Toits de paris le 10 octobre 2024

lundi 7 octobre 2024

Parfum bribes de tendresse

Je retrouve le plaisir de la cuisine, ces derniers temps.

Cette pièce a fait l'objet de tant de tensions au cours des années passées qu'elle était devenue un endroit où je mettais les pieds aussi peu que possible, constamment sale, mal rangée, impraticable, en tout cas dans les conditions dans lesquelles je m'y sens bien.

La semaine, c'est le "plat gagnant" un minimum d'efforts pour un maximum de plaisir à manger, qui a notre préférence, aux enfants et à moi. Ma pente naturelle cuisinière me porte vers l'élaboration de plats mijotés le week-end, que ce soit pour accueillir les copains (ma vie sociale de fin de semaine a repris avec vigueur et nous avons une invitée du mardi récurrente qu'il faut régaler) ou pour prévoir deux ou trois tournées dans la semaine.

Il faut imaginer la maison parfumée aux effluves de boeuf bourguignon ou de pot-au-feu qui mijote, l'odeur de la sauce aux champignons qui accompagnera riz et haricots verts du soir, on tire le meilleur parti de l'automne, de nos envies et de la nécessité à se nourrir. Voilà : une maison. Une maison c'est accueillant, ça sent bon le plat qui bloblotte sur le feu et on y trouvera toujours de quoi faire manger l'ami(e) de passage. Simplement, mais avec du goût.

Souvent, donc, le retour de marché du samedi est un moment d'épluchage, de taille de légume, de débuts de cuisson.

J'ai toujours aimé cette étape préparatoire, elle me vide la tête des soucis presque aussi sûrement qu'un kilomètre dans l'eau chlorée de la piscine. C'est un peu fastidieux, ça oblige à une légère concentration, mais sans non plus prendre toute la place.

Chez moi, c'est souvent l'occasion de saisir au passage les jolis souvenirs qui remontent à la surface. Cuisiner pour l'autre est un acte d'amour répandu dans ma famille, comme dans tant d'autres.

Ainsi, les girolles m'évoquent mon grand-père paternel, nos chasses aux champignons, la complicité qu'il y avait entre nous, la tendresse dont il m'entourait (et qu'il n'avais sans doute pas tellement témoignée à ses enfants). Le pot-au-feu me ramène immanquablement à une antique conversation avec N. L'équeutage des haricots ravive les séances de cuisine guidée par ma grand-mère paternelle. Ma blanquette est celle d'Emile Zola, un peu métissée à l'insu de son plein gré (un nombre très limité de personnes savent pourquoi mais c'est ainsi). Le gâteau au chocolat que je fais depuis 20 ans tellement il plaît et m'est réclamé évoque une ribambelle de sourires, de mines gourmandes, de gémissements de plaisir gustatif (oui), d'actes sournois pour s'assurer la dernière part dans un éclat de rire généralisé. La pasta, faite maison, me plonge dans les délices de mon enfance, l'odeur de la farine qui se mêle aux œufs m'est irrésistible et répond sans doute à des souvenirs très anciens, bien rangés. Le gâteau que j'ai fait hier pour aller chez des amis est issu d'un livre qui appelle souvent une conversation complice avec mon hôtesse dominicale, chaque revisite améliorée par ses soins ou les miens est une sorte de victoire qui nous lie contre le livre.

Ces bribes de tendresse qui me reviennent quand je cuisine parfument les ingrédients d'un arôme qu'on ne trouve nulle par ailleurs que dans le plaisir d'anticiper la gourmandise des autres, les expressions de plaisir[1], ceux pour qui j'aurais envie de faire à manger. De l'amour, encore, en somme.

Note

[1] Il m'arrive de foirer magistralement, rarement, mais spectaculairement. Ne m'en veuillez pas si ça tombe sur vous.

mercredi 2 octobre 2024

Encore des mots

Dans ma famille, il y a les bavards (côté paternel) et les taiseux (côté maternel).

Je suis du côté des bavards. Pour des raisons d'ADN, d'abord, on aime jouer avec les idées, les mots, essayer d'aller aussi vite que nos pensées. Ca s'assortit en général d'un débit élevé et d'une élocution parfois... mettons approximative (certains mangent leurs mots, moi je les inverse, mélange, fusionne).

Mais aussi, pendant que je parle, je vous enfume. Je vous empêche de voir que je ne dis pas l'essentiel.

Jamais. Ou presque jamais et vraiment, vraiment pas à tout le monde.

D'ailleurs, rions un peu, quand je le dis, souvent, je l'écris. Zéro décibel.

Ca va peut-être vous étonner mais j'adore aussi ne pas parler. Dans ma nouvelle tranche de vie la parole cesse quand les enfants disparaissent et ça fait un bien fou. Je peux ne parler à personne pendant quelques heures, voire jours, sans que ça me gêne plus que ça.

Avec les gens, c'est plus compliqué, il faut une sacrée dose d'intimité pour bien se taire ensemble. Ou bien assumer les silences, et je ne sais pas le faire avec tout le monde. A part les gens avec qui on vit (et si vous connaissez mes enfants, vous savez que je suis une carpe, en comparaison), ça n'est pas si simple d'être bien, ensemble, sans paroles ou très peu.

A part quelques très proches et mes taiseux préférés, avec qui je sais que ça ira, ça n'est pas très fréquent, en tout cas pas autour de moi. Je connais quelqu'un avec qui je pense j'aimerais me taire autant que j'aime lui parler. Mais bon, quand on se voit, le temps d'échanger nouvelles, pensées, rires, ce que, je crois on aime faire aussi, il est temps de retourner au cours de la vie. Au temps pour le silence.