La vie et toutes ces sortes de choses

dimanche 4 février 2024

La coiffeuse et son chien

Avant de commencer à vous raconter quoi que ce soit, je dois dire que si ce billet peu intéressant vient à vos yeux, c'est totalement de la faute de Franck, qui me l'a demandé. Il se trouve que je vais, sous peu, voir ledit Franck (qui est par ailleurs le parrain de Lomalarchovitch) et qu'une privation de ses maamouls étant absolument inenvisageable, j'écris, donc. C'est aussi simple que ça.

Comme une grande partie de l'humanité, je n'aime pas trop aller chez le coiffeur. La musique, les papotages, les voisines de siège, le temps interminable. Comme une immense partie de l'humanité qui a les cheveux non-raides, j'ai une raison supplémentaire d'appréhender la coupe : "Attention ils bouclent, ça va remont... trop tard". Si vous savez, vous savez.

N'ayant pas franchi le cap de la tondeuse, je me suis adjoint les services de coiffeuses qui viennent chez moi, ce qui réduit considérablement le temps passé à cette tâche, me permet de choisir l'éventuelle musique et de choisir environ l'horaire qui me convient.

Bref, Stéphanie est venue. Stéphanie est déjà venue deux fois et sa première entrée chez moi a été l'occasion d'un long soupir de soulagement : elle a les cheveux bouclés. Elle ne les lisse pas. Elle SAIT.

La première fois elle m'a fait une coupe chouette. La deuxième : pas mal.

Pour être honnête j'hésitais avec un salon un peu luxe à 110 balles et le thé en plus, mais pas de place, urgence capillaire, bref, Stéphanie.

On se dit bonjour comment ça va, elle me répond ça va, je lui réponds ça va. On ne va quand même pas se dire comment ça va pour de vrai (c'est à dire pas très fort, ni l'une ni l'autre).

Installation. "On fait quoi ?" (ben on coupe, tiens). Et là je fais l'erreur fatale, absolue, qu'à mon âge je devrais avoir rayée de la liste des erreurs. Je réponds : "Comme la dernière fois, c'était bien".

Non parce que : les coiffeurs ne se souviennent plus, bien sûr. Ils voient des milliards de cheveux défiler sous leurs doigts / peignes / cheveux. On ne dit jamais "comme d'habitude" ou "comme la dernière fois" à ces gens-là sans prendre un maximum de risques.

"Ok, on enlève ça, donc ?" me montre-t-elle.

Ça me paraît un peu beaucoup mais je viens de rentrer de Marseille où tout est galéjade, et j'ai l'impression d'en avoir vraiment long sur la tête, donc je dodeline en forme de oui et wakatepe, l'affaire est faite.

C'est ce moment que choisir le chien, enfermé avec son maître dans ma chambre, pour aboyer.

Mon chien est une crème de gentil chien, une boule d'amour, 40 kilos de névroses affectives sur pattes, mais quand quelqu'un entre chez nous, il est con. On ne sait pas si ça tient de ses émotions débordantes ou de son éducation précédente, mais il se met à aboyer comme un sourd et se jette sur la ou les personnes concernées comme s'il avait l'intention d'en faire son repas. Vu ce qu'il mange, je peux vous garantir qu'il n'a pas faim. Mais bon, 40 kilos de muscles et des crocs de bonne taille, c'est assez efficace, comme dissuasion. Tout ça pour qu'il vous mette la tête sur les genoux dix minutes après en réclamant caresses, câlins et saucisson de l'apéro. Mais bon.

Bref, je m'excuse en son nom de l'impolitesse canine et là, j'entends le tremblement de sa voix.

"Le mien, j'ai dû lui dire au revoir lundi". A ce stade on a tous compris que c'était un euphémisme et qu'elle a donc fait euthanasier son chien, hein ?

Vous connaissez mon état du moment, ainsi que l'attachement que j'ai pour les bestioles. Je sens que ça va mal se finir.

Elle a passé la demi-heure suivante à couper compulsivement MON pelage tout en me racontant, minute par minute, les derniers jours de son épagneul. Les premiers signes. L'incapacité à se lever. L'animal coincé qui n'a pas réussi à bouger. Les gamelles boudées. Les pleurs et gémissement de douleur. L'inquiétude. La faiblesse. Le véto. La piqûre. Les 15 ans d'amour avec ce bon gros pépère.

C'était triste, la pauvre bête a visiblement souffert, et on a l'une et l'autre héroïquement réussi à ne pas pleurer. J'avoue que j'ai failli me mettre à sangloter au moment où l'assistante du vétérinaire lui a tendu l'empreinte dans le pâtre de la papatoune du toutou, juste avant qu'elle ne s'en aille.

On aurait vraiment dit une scène de film (je n'ai pas précisé si c'était un bon film, notez).

Et quand elle m'a tendu le miroir, je n'ai pu que constater, impuissante, que l'espace entre ses doigts pour me dire combien on enlevait était bien un peu grand.

Me voici avec la coupe d'un petit pâtre grec, aurait dit Colette. Je suppose que je vais m'habituer. J'ai la certitude que ça va repousser. Mais la prochaine fois je tente la toiletteuse, je pense.

mardi 30 janvier 2024

Une absence qui a pris sa forme

(Non, je ne parle pas de ma mère, elle va aussi bien que possible vu les circonstances et vient de m'envoyer un SMS)

Il y a quelques semaines (? mois ?) j'ai fait un rêve étrange, bien que parfaitement réaliste. L'une des personnes qui me fait du bien m'attendait, délicieuse surprise, à la sortie du métro, dans le froid piquant d'un matin d'hiver, pour un café avant de démarrer nos journées respectives.

Rien d'affolant. Rien de prémonitoire non plus, au vu des 7 894 raisons pour lesquelles ça n'arrivera pas.

Sauf que mon cerveau, ce tordu, a commencé à raisonner en baignoires remplies par des robinets qui fuient et en trains qui se croisent - ou pas - pour m'expliquer que non, ça n'arrivera pas. Parce que si généralement j'arrive par Liège et repars par Saint Lazare, j'y transite très tôt. Qui se lève et traverse Paris pour aller prendre un pauvre café à peine avant 8 heures du mat, dites moi ? Personne.

En plus, il suffit d'une ligne 13 récalcitrante pour que je change d'avis et arrive, finalement, par Saint Lazare ! Ou que, comme ce matin, la rame se plante à Place de Clichy pour ne pas en repartir, ou pas tout de suite, et que je décide de m'octroyer une promenade dans la nuit parisienne. Et même si j'arrive bien à l'endroit prévu, il y a une fourchette d'une bonne quinzaine de minutes, sans compter les effets Ile de France Mobilités, dans laquelle je peux arriver.

Pof, on se loupe. A presque tous les coups on se loupe, finalement. Le drame (mon cerveau est une drama queen).

(D'ailleurs, pour votre gouverne, la rue Moncey est fermée pour cause de travaux, ces jours-ci. Si vous voulez vous offrir un moment insolite à Paris, je vous recommande donc de la prendre en marchant, d'un pas décidé, bien au milieu de la chaussée, le manteau flottant au vent derrière vous. C'est tellement kiffant que les passants vous sourient, c'est dire).

Bref. Nous n'explorerons pas les 7 893 raisons beaucoup plus sérieuses pour lesquelles ce moment n'existera jamais que dans mon rêve, cette nuit-là.

Mais quand même, à chaque fois que j'émerge, essoufflée, des 5 volées de marches qui mènent du quai à la surface, il me semble voir une absence qui a pris sa forme.

Croyez en vos rêves, qu'ils disaient. N'importe quoi.

(La prochaine fois je vous parle de mon chat qui est un mec toxique ou des goûts musicaux de mes voisins Polonais, ça sera plus raisonnable).

mercredi 24 janvier 2024

Le bon endroit où pleurer à Paris

Ca fait deux fois en assez peu de temps que j'expérimente ce phénomène urbain tout à fait étonnant.

Le meilleur endroit où pleurer à Paris, c'est le réseau de transports en communs.

Clairement le bureau est assez contre-indiqué. A la maison il faut endosser son costard de parent, autant que faire se peut. Au téléphone ça rend la communication peu fluide. Oui, bon, la nuit, au fond de son lit. Pour ma part je trouve qu'un lit, c'est le meilleur pour un tas de choses mais pas pleurer.

En revanche, si les larmes se mettent à couler de vos yeux, silencieuses, même abondantes, vous pouvez être parfaitement sûre que personne ne vous interrompra. Ni pour vous demander si vous avez besoin d'aide, d'un kleenex, ou même d'un verre d'eau.

Non, on vous laissera pleurer, tranquillement, au calme. Plus ou moins encadrée par les voisins, selon le remplissage de la rame. Parfois un regard vous scrutera (inquiet ? indiscret ?), mais c'est tout. Pile au moment où le quotidien domestique et le professionnel vous lâchent la grappe. Pile le moment où vous avez le cerveau moins occupé.

Alors voilà, mon conseil, si vous voulez ouvrir les vannes et pleurer un bon coup, que vous y avez accès, allez pleurer dans le métro. Ultra moderne solitude garantie. Et parfois c'est ce dont on a besoin, pendant un moment, un court moment.

lundi 1 janvier 2024

Le changement c'est (presque) maintenant

Voilà, c'est le jour symbolique où la terre entière présente ses voeux.

Alors bonne année, et que le bonheur vous entoure. Vous êtes si beaux, quand vous brillez de bonheur.

Ici 2024 sera une année de transition. De séparation (déjà initiée depuis quelques semaines). D'ici quelques mois, d'ici à ce que les ados aient fini de bachoter, le nombre d'habitants de la maison descendra de cinq à trois.

En attendant, transition, cohabitation.

Je compte sur vous pour épauler Noé, je compte sur vous qui êtes nos copains à nous deux pour ne pas vous prendre la tête (et oui, dans les prochains mois, vous pouvez même nous inviter ensemble, je promets de ne pas lui envoyer ma vaisselle à la tête). Je compte sur vous pour être les amis sur lesquels j'ai toujours pu compter.

Il n'y a pas de drame, pas de détestation, juste la vie, mon instinct de survie qui me hurle des choses que je ne peux plus ignorer.

Et la vie.

The kids are allright, comme disait l'autre.

Allez zou, un bouquet de gui, qu'on se fasse des bises qui portent bonheur.

vendredi 8 décembre 2023

Comme une touriste dans Paris

Je suis un pur produit de la banlieue. Born and raised in the wild 9-5, j'ai franchi la frontière d'un département pour venir passer ma vie d'adulte dans le 9-2 (pas le chic, chez les pauvres, au nord, malgré une escale Levalloisienne de quelques années). Alors, rassurons-nous, hein. J'ai parfois voyagé hors de ce périmètre : beaucoup en France, un peu en Europe et même au-delà, dites donc. Mais pendant longtemps je n'allais à Paris que pour y visiter des gens, y voir des choses. J'ai longtemps soutenu que je n'y vivrais pas du tout volontiers (période enfants jeunes, lourdes poussettes). Puis il m'est arrivé un truc un peu dingue : pour la première fois de ma vie, depuis quelques mois, je travaille dans Paris. Et là c'est le choc.

(J'ai un peu honte de l'avouer).

Je m'y sens super bien. Enfin en tout cas dans certains coins, dont celui du bureau. Qui est doté, c'est son plus bel argument, d'un toit terrasse duquel on a une vue à 360 degrés sur les toits de Paris [1]. OK, il faut un peu me forcer pour que je franchisse la Seine et que j'aille zoner rive gauche, en tout cas dans ses quartiers pompeux. C'est pas tant une question d'architecture que d'étalage de signes extérieurs de... valeurs qui ne me plaisent pas toujours. Mais il y a plein d'endroits que je découvre à la faveur d'un déjeuner, d'un dîner, d'un verre, d'un détour pour le plaisir, et cette rencontre tardive me laisse pensive. Car, bien entendu, j'ai pas le début du premier euro pour envisager d'y poser mon paillasson, à Paris. Vous pensez bien ! Alors on fait quoi ? On profite. Déjà qu'il ne faut pas me pousser beaucoup pour que je file à l'appel d'un moment chouette avec l'un(e) ou l'autre, me nourrir d'énergies amies pour, si en plus le décor est à la hauteur... pourquoi se faire du mal alors qu'on peut se faire du bien, comme disait le poète.

A ces occasions je me rends compte que je ferais une piètre géographe, encore moins cartographe. J'associe un coin de rue avec une rencontre, à un moment partagé qui me tient chaud au cœur, à l'endroit où habite untel ou unetelle.

Fun (pas du tout drôle, à vrai dire) fact, pendant une grosse année, j'ai arpenté Paris et quelques concerts / expos / films / spectacles / parcs avec une personne dont j'espérais qu'elle me ferait du bien, en fait pas du tout, même plutôt l'inverse. Logiquement, il y a plein de lieux marqués par des souvenirs. La bonne nouvelle c'est que près de quinze ans après, ils laissent gracieusement de la place pour les nouveaux.

A moi Paris !

On se voit quand ?

Note

[1] Et d'ailleurs, vous sentez, le matin, quand j'y monte pour un café, ou juste prendre l'air et contempler, que je choisis ma vue en fonction de ce que d'aucuns m'évoquent et que de là je vous envoie une pensée aérienne ?