La vie et toutes ces sortes de choses

lundi 20 février 2023

L'homme qui doute et celui qui s'ennuie

Vendredi soir j'étais de sortie avec Cro-Mi.

Lors de notre arrêt ravitaillement, nous étions à côté d'une table où un homme jeune racontait ses errances sentimentales à son copain. Visiblement il jouait à une très intéressante partie de "Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis" avec une jeune femme qui lui tenait la dragée haute, mais pas trop. Et du coup il cherchait à évoluer le juste volume de leur conversation et à faire le tri entre les attentes de la demoiselle (ne pas l'envahir mais garder ce fil). C'était joli cet instant d'homme qui doute, sans violence, sans rapport de force, plein d'espoir et de respect. Ca fait du bien. (Sur la foi de ce qui nous est parvenu à cet instant-là, suggestion de présentation).

Puis nous avons rejoint notre salle de spectacle. Disons-le clairement, nous sommes allés voir le spectacle du cast de Drag Race France qui nous a emplis de joie de vivre et d'énergie. Mais, convenons-en, pas un spectacle qu'on va voir par hasard. D'une part parce que ça coûtait les yeux de la tête, de l'autre parce que quelqu'un qui irait voir des Walkyries de 2,25 mètres perruque et talons compris boostées comme jamais et s'étonnerait des décibels émis serait quand même curieusement nonchalant dans ses choix de loisirs.

Bref. C'était bien.

Sauf pour le type assis de l'autre côté de l'allée par rapport à Cro-Mi. Une gueule d'enterrement du début à la fin. Pas le moindre applaudissement, pas le moindre tressautement du pied pour marquer la mesure, rien que l'expression d'un ennui intersidéral.

Le penseur de Rodin - Photo de Charl Durand

Depuis je m'interroge. Qu'est-ce qu'il faisait là, ce type ? Pari perdu ? Reporter puni ? Famille tentant de tenir une promesse faite un soir de beuverie mais carrément pas emballé ? Stoïque à l'enthousiasme discret ? Endeuillé venu honorer une mémoire ? (oui j'ai l'imagination débordante). Le pire c'est qu'il est parti quelques minutes avant la fin du spectacle.

Il a donc loupé Bilal Hassani, venu chanter une chanson en invité. Les paillettes dans les yeux de Cro-Mi étaient, elles, bien présentes. On a passé une vraiment très bonne soirée.

(mais quand même, ce type me hante : qu'est-ce qu'il foutait là ???)

mercredi 8 février 2023

Complètement jetés, une ode à qui n'entre pas dans les cases

Dimanche soir j'ai emmené Cro-Mi voir le spectacle de François Alu, "Complètement jetés" à l'Olympia.

J'avais découvert l'existence de ce danseur par une vidéo sur les réseaux sociaux, il y a un petit moment. Et si je ne suis pas particulièrement portée sur la danse, son expressivité à lui m'avaient attiré l'oeil et l'envie d'en voir plus.

Et donc je louchais sur l'idée de voir ce spectacle atypique depuis un certain temps. C'est fait.

Ca m'a rappelé le moment où Marianne James[1] a eu son Molière pour l'Ultima Recital. Le spectacle était assez... comment dire ? Mettons "underground" et on a vu d'un coup débarquer tout un tas de parisiens férus de théââââtre et d'opérââââ, un peu héberlués devant les horreurs débitées par Ulrika von Glott.

J'ai eu l'impression qu'on était dans le même genre de contexte. Un public amateur de danse qui vient voir le danseur étoile, le juré d'une émission populaire et qui se retrouve devant un spectacle drôle, irrévérencieux et pas du tout dans les clous. J'ai vu pas mal de gens partir dans le dernier tiers et d'autres vitupérer sur le chemin entre le théâtre et Saint-Lazare.

De mon côté j'ai beaucoup aimé. J'ai ri, déjà, beaucoup. J'aurais sans doute apprécié encore plus de danse, mais je pense que ça serait assez sadique pour l'interprète qui donne bien de sa personne.

C'était pour moi un tel bon moment que je me suis retrouvée un peu héberluée à constater que tout le monde ne partageait pas ce sentiment.

Mais finalement c'est assez normal. François Alu est un danseur atypique (ce qui fait sa richesse mais aussi un bon paquet des choses qu'il raconte dans ce spectacle). Une personnalité qui visiblement a du mal à entrer dans les cases. Quelque chose que je reconnais (comme beaucoup d'entre vous, sans doute) Du coup ses mots m'ont parlé, ce qu'ils soulèvent comme interrogations entre les rires.

Et puis aussi l'empathie. Si ce qu'il nous raconte n'est pas un récit autobiographique exact, il y est questions de choses qui sont importantes pour lui, qui l'ont forgé. Ca m'a touchée, énormément.

Ma conclusion est donc qu'il s'agit d'un spectacle pour les gens (nombreux, plus qu'ils ne croient eux-mêmes ! ) qui n'entrent pas dans les cases. Ou n'ont plus envie de se forcer à le faire.

Le fait d'aimer regarder de la danse y est presque secondaire : quoi qu'il arrive il vous épatera.

Un avant-goût ici

Note

[1] Par un curieux hasard des programmations, elle, c'est samedi soir, que je vais la voir, et j'ai hâte !

jeudi 29 décembre 2022

La vilaine veuve - Nice, le procès oublié (Robert McLiam Wilson)

Je ne parle pas souvent ici ou sur les réseaux sociaux de ce que je lis, ni n'en tiens le compte (d'ailleurs pourquoi les gens comptent-ils le nombre de livres lus par an ? De pages ? Une histoire de taille de... pile à lire ? Une fierté mal placée à être dans le camp de ceux qui lisent ? Bref, ça n'est pas le sujet).

Mais aujourd'hui ça n'est pas exactement pareil.

Déjà parce que ça n'est pas une lecture faite pour le plaisir d'un loisir léger. Je n'ai pas encore fini mais comme j'avais lu l'ensemble des chroniques de Robert McLiam Wilson dans Charlie Hebdo (il a couvert le procès de l'attentat de Nice, articles désormais compilés sous forme de livre / hors-série), il s'agit surtout d'une relecture en papier.[1] J'ai suivi le procès, un peu via la presse régionale, beaucoup par ses chroniques. D'abord parce que c'est un auteur dont les livres m'accompagnent depuis longtemps, ensuite parce que ses mots me donnent parfois l'impression d'être moins seule à traquer dans chaque chose de la vie une once de bonheur, de sourire, bref, la vie dans la vie. Du coup le lire, lui, sur ce sujet-là c'est avoir presque l'impression d'avoir quelqu'un à côté qui me donne une sorte de courage à affronter l'impensable (oui je suis parfaitement cinglée, je suis au courant).

Me voilà installée au fond de mon lit, parce que comme Colette et Almodovar, mon lit est mon vaisseau amiral et c'est de là que je fais les choses les plus importantes. Un chat sur chaque jambe, ils sentent que j'ai besoin de leurs vibrations réconfortantes. Ou ils ont envie de s'allonger sur mes pieds. Calée sur mon traversin, qui me sert souvent d'épaule sur laquelle m'épancher, quand mes propres épaules, pourtant larges, n'ont plus de place pour accueillir quoi que ce soit d'autre.

Début de relecture, donc. Ca ne veut pas dire que je n'ai pas de surprises. Tel passage oublié, telle phrase qui me tire une larme ou un sourire. Je m'arrête beaucoup pour réfléchir, laisser la place à une pensée qui passe. Mesurer à quel point ça me touche, alors qu'on pourrait dire que je ne suis pas concernée. Penser aux survivant(e)s, aux victimes, à leurs proches. Ils se dessinent en creux sous les mots de l'auteur, comme une porte qu'il m'ouvre en me disant "voilà ce que je vois, il y a un monde, là, devant toi, regarde".

Et puis aussi concernée en tant que personne appartenant à l'espèce humaine. En tant que mère qui a vu son ado partir, il y a quelques semaines, pour un concert au Bataclan et qui a crevé d'une trouille irrationnelle jusqu'à son retour.[2] Bien sûr que rien de tout ça ne m'autorise à l'empêcher de vivre, d'aller voir des concerts, mais moi, ça me coupe le souffle pendant quelques heures et je guette les réseaux sociaux pour conjurer une nouvelle salve d'horreur. Comme si arrêter de respirer avait jamais empêché quoi que ce soit.

Concernée aussi parce qu'en tant qu'employée d'une très grosse entreprise française, on a eu des collègues dans chaque attentat, quasiment. Loi des statistiques. Certains morts, certains survivants. On est près d'un demi million dans le monde alors ça n'a vraiment rien à voir avec perdre quelqu'un qu'on aime, mais ça tape curieusement dans une zone intime et quotidienne qui nous rapproche un peu, comme une sorte d'immense famille étendue.

Je pose ce clavier, je lis deux chroniques de plus. Aucune urgence à finir, pourtant, mais c'est un peu comme tenir virtuellement la main à celles et ceux qui ont vécu ce procès. Comme leur signifier que la concentration que je mets à lire est une toute minuscule pierre pour dire qu'ils ne sont pas oubliés, ni eux, ni leurs morts.

Je sais comment se termine ce livre, j'ai déjà lu en ligne le dernier papier. Je sais donc que par une curiosité de la vie nous nous sommes suivis, lui, l'écrivain et moi, la lectrice à quelques dizaines de kilomètres et à quelques jours d'intervalle dans la région. [3]

Je ne le savais pas encore avant de la voir pisser fesses nues, au coin de la maison de mon frère, en y arrivant, mais pendant ce séjour, j'ai vu la sœur de ma belle-sœur, qui était infirmière à Nice, a travaillé cette nuit-là et m'avait esquissé en quelques mots et quelques verres l'enfer qu'elle a vécu. Elle et moi, on est pas dans des phases de nos vies où on peut brandir le bonheur étincelant comme réponse à toutes les emmerdes. Alors on a raconté beaucoup de conneries et on a ri beaucoup, autour d'une tablée pleine d'enfants, d'un bon plat de mon frère, de bons vins de ma belle-sœur, dans leur baraque en chantier permanent, perdue dans une nature partie en fumée il y a moins de deux ans et qui a déjà repris le dessus.

Drôle d'image, ces arbres mi calcinés mi verts, comme si rien ne pouvait jamais aliéner leur droit à se tenir droit vers le ciel (ou penchés, selon s'ils sont beaucoup exposés au Mistral, d'ailleurs). La vie est forte, puissante. Peut-elle l'être autant pour des humains soumis à une telle souffrance ? Je leur souhaite un peu de bourgeons verts sur leurs troncs calcinés. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est possible, mais je leur souhaite de tout cœur.

Bref. Je ne vous ai pas dit grand-chose de ce livre mais c'est important que vous le lisiez. J'espère que vous me croirez sur parole. C'est par ici que ça se passe.

Mise à jour du 18 juillet 2023 : petite liste de livres ou textes sur l'attentat de Nice que vous aurez peut-être du mal à trouver sur les zinternets :

Si vous en avez d'autres en tête, faites-moi signe que je les ajoute.

Notes

[1] D'ailleurs un type qui fait son autopromo à l'heure où tout le monde est sur Netflix a besoin d'un sérieux coup de main en mercatologie. Je ne sais pas si vous êtes encore nombreux à venir ici mais je compte sur vous, lecteurs amis de qualité.

[2] Et devinez qui avait déchargé la batterie de son téléphone portable pile poil ce soir-là ?

[3] Les puristes vous diront que ça n'est pas exactement la même région, mais on s'en fout.

vendredi 2 décembre 2022

J'ai un Boku et j'en suis contente !

Pour celles et ceux qui me connaissent depuis trèèèèès longtemps, vous savez que je n'ai pas peur d'un billet un peu cracra de loin en loin. Ca fait maintenant un moment que les enfants sont autonomes sur la gestion de leur morve (encore que dans le cas de Lomalarchovitch, aussi craspouille qu'il est vif d'esprit, cette affirmation soit discutable), il fallait se tourner (aïe mon lumbago) vers d'autres humeurs, au sens dans lequel Molière aurait employé ce mot. Encore que, sans dévoiler la fin de ce billet, c'est un achat qui me met de bonne humeur.

Or donc, qui n'a jamais vécu avec une tribu surpeuplée n'a pas forcément idée de ce qu'on voit passer comme fonds de slips variant de "pas net" à "carrément immonde, passe-moi la corbeille je vais vomir" en faisant les lessives.

Ca, ajouté au fait que je suis fascinée par les toilettes japonaises depuis que j'ai connaissance de l'objet, mais encore plus sidérée par leur prix, j'étais une victime consentante toute désignée.

Victime... d'une pub... Instagram... (oui j'ai honte) (surtout que je n'arrête pas de montrer aux gens comment ne voir que les posts des gens qu'on suit dans leur flux) (je sais c'est mal). J'ai d'autant plus honte que grâce à nos conversations à ce sujet, mes collègues voient surgir sur leurs propres fils insta les mêmes pubs (mieux vaut en rire).

Bref, surgit devant mes yeux ébahis cette pub qui parle de Boku. Le "tone of voice" comme on dit en bon français dans mon métier, est dans un magnifique registre pipi caca qui sied bien à ce produit présenté comme un bidet - toilettes japonaises.

Celles et ceux qui me connaissent depuis très longtemps savent que je résiste mal à une bonne rigolade à base de pipi caca et encore moins à un truc qui évoque les toilettes japonaises.

Me voici donc embarquée dans un vortex de stories, descriptions techniques, avis consommateurs, pubs et autres démonstrations. Le Boku est donc un kit, simplissime à monter, qui permet de s'arroser le cul et la foufoune (pour nos amis Québecois, la foufoune, chez nous, c'est la vulve) en fin de petits et grands besoins, à la fois pour améliorer l'hygiène (le rinçage, c'est plus propre que l'étalage) et économiser en PQ car il n'y en a plus besoin que pour se sécher. Qui connaît le budget PQ (pour nos amis Québecois, le PQ, ici, c'est le papier toilettes, quiconque y verrai un signe du déclin de ce rêve idéal... pardon je m'égare) moyen d'un couple avec trois grands crétins a levé un œil intéressé.

Bref, convaincue par le code promo qui mettait l'affaire à moins de cent balles (d'euros, pas de trou), j'achète. Puis je consulte ma douce moitié. Qui comme je m'en doutais a été séduit dans l'instant. Ouf.

Le Boku est installé depuis mercredi et non seulement nous en sommes ravis, mais en plus nous finissons à peine le rouleau de PQ installé en début de semaine. Je n'ai pas encore eu la force d'inspecter le fond des slips pour m'assurer de l'efficacité sur l'utilisateur le plus dégueu, mais j'ai bon espoir.

Résultat, j'ai un Boku et j'en suis heureuse, voilà.

Bon appétit à vous !

mercredi 28 septembre 2022

Wouf

Et donc ça nous fait quelque chose comme presque trois mois de vie avec notre gentil chien.

Il est vraiment adorable, il a beaucoup progressé, sur plein de choses. Il nous reste le point "je dois servir à quelque chose, je garde la maison" qui nous semble peu nécessaire (on a un interphone et on vit au 9e) et reste un poil bruyant (surtout quand celui de nos voisins de palier qu'il ne peut pas encaisser rentre à pas d'heure, je dois dire).

Mais il nous a montré son plaisir à apprendre et ses progrès alors nous restons confiants.

Les quatre pattes se partagent désormais le territoire sans trop de questions. Tout le monde circule en s'observant pour éviter les croisements de trop près, mais il n'est plus rare que les chats viennent sur le canapé avec nous pendant que le chien fait de même par terre et que tout se passe bien. Il a cessé de les poursuivre, les chats font encore un peu de baffes préventives mais on vit ensemble, tous les 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 !

Ce matin Noé et Blacky m'ont accompagnée jusqu'au parking (qui est à quelques centaines de mètres de la maison). Ce petit air dépité et envieux de me suivre du chien qui m'a vue partir de mon côté (alors qu'il a mis un peu de temps à comprendre qu'il se promenait avec nous, pas tout seul au bout d'une laisse) m'a à la fois ravie et brisé le coeur. Il déteste nous voir partir. On le comprend. Pauv'toutou