Vous vous souvenez de quoi, vous, quand vous pensez à quelqu'un ? Quelqu'un que vous avez déjà rencontré, bien sûr, bande de petits jeunes utilisateurs de l'internet du diable. Y en a qui se causent 20 ans sans réussir à se croiser, je le sais de source sûre. Non, vieille école. En chair et en os et toutes ces sortes de choses.
Il y a des gens qui ont une mémoire des parfums, des voix. Des mots, exactement mémorisés. Moi, souvent, c'est le regard qui revient en premier. Le sourire, aussi. Une espèce d'énergie personnelle, comme une signature.
Il m'est arrivé un truc étrange, cette année. De quelqu'un que j'ai rencontré, j'ai gardé la mémoire de l'exacte densité de sa présence. J'ai pas trouvé mieux que ça comme définition, mais vous savez, il y a des gens qui ont une présence gesticulante, qui prennent toute la place, d'autres qui sont presque invisibles. Là il y avait une sorte d'incarnation du fait de se trouver au bon endroit, au bon moment et de s'y trouver bien. Je pourrais me tourner et avoir l'impression que cette personne est assise à côté de moi, avec la même manière de s'assoir, de se tourner vers ses interlocuteurs. Etonnant. Inédit. Bizarre. J'ai aussi, en surimpression par rapport au reste, son regard, sa voix et un truc presque impalpable d'ambiance qu'il serait impossible de vous raconter ici sans devoir vous tuer, un par un, après.
(Non. Je rigole. Mais vous croyez vraiment que je vous raconte TOUT, bande de petits curieux ?)
Je ne sais pas ce que ça dit, tout ça, si ce n'est que j'ai mis un peu de temps à m'en rendre compte complètement et que parfois, le hasard fait très bien les choses.
J'allais faire le clown avec Paul Eluard à qui on attribue, de façon je le crains un peu incertaine, une citation sur le hasard, mais comme je suis tombée sur ce poème que j'avais oublié et qui va bien avec mon ambiance intérieure à l'heure où j'écris, il fera office de belle conclusion[1] :
La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler,
faim à satisfaire,
un cœur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie : la vie à se partager.
("La nuit n'est jamais complète", dans le recueil "Derniers poèmes d'amour" qui, dans ma mémoire, est une mine d'or de petites pépites palpitantes).
Note
[1] Oui, c'est foutraque et décousu. C'est la vie, parfois.
Commentaires
La "densité de la présence", ah tiens c'est une qualité/caractéristique à laquelle je n'avais jamais pensé je crois, mais je comprends tout à fait ce que ça peut être. :gasp:
C'est un peu fou ce poème… je crois qu'à un moment, je l'avais visible à mon bureau, sur une carte, ou quelque chose du genre (il faudrait que je la retrouve), me permettant de me raccrocher à la vie quand le moral plongeait.
J'ai conscience que ça n'a rien à voir avec l'objet initial du billet, mais bon, à foutraque, foutraque et demi, hein ?
Matoo oui alors avant que ça ne dérape (titre) j'ai mis ni les mains ni autre chose, hein (titre) !
Tomek mais bien sûr que ça a à voir :) Il est dingue, ce poème.
Ô oui la densité, un soir de danse, la première, enlacés nous étions (la danse), la qualité de la veste qu'il portait...plus tard la coton de la chemise...Je lui ai dit le bien que je pensais de son habillement le priant de remercier son épouse pour ce choix ! Et oui cela fait qu'il tenait "beaucoup" de place là où il se trouvait avec les gens qui y était, comme moi il se prend un coup de vieux ... :heart: tout passe, nous faisons partie de ce tout, bien agacée je suis !!!
la mume tes soirées semblent moins sages que les miennes, dis donc. Je t'embrasse.
Marrant, au sens curieux, la façon dont les souvenirs de nos connaissances se manifestent différemment à chacun d'entre nous.
J'aime bien ta description de la densité de la présence.
Personnellement, il y a une foule de gens qui m'accompagnent en esprit tout au long de la journée, au fil de mots prononcés, d'objets utilisés, des gestes qui me rattachent à eux. Et j'aime bien leur compagnie.
C'est ce que ton billet m'évoque, j'aime bien penser à ce fonctionnement bizarre de notre esprit.
sLeAbO on discutait de situations vécues ensemble avec des collègues, ce midi, et c'était vraiment dispersé, l'une se souvenait des personnes présentes, l'autre de l'atmosphère du moment, le troisième des dialogues à la virgule près. Oui, c'est rigolo ! Et comme toi, je "croise des gens dans ma tête" toute la journée ! (ça fait un peu "Sixième sens", non ?!!)
Tiens, c'est vrai, c'est un peu 6ème sens, à la différence que mes visiteurs sont pas tous dans l'autre monde et ils ne me font pas peur, au contraire :-)
C’est mignon "la densité de sa présence". Ça peut aussi être compris comme "il est bien lourd", sa présence est bien dense ! XD
sLeAbO oui, c'était surtout pour rire plus que pour la validité de la comparaison !
Orpheus dans ce cas précis : absolument pas ! :-D Il faut qu'on bosse sur une échelle de la densité.
Voilà un concept que j'aime bien, qui me parle :-)
La mémoire, ce truc étrange et fascinant qui fait que je ne retiens justement pas les visages mais que je retiens d'infimes détails d'objets ou lieux, que je retiens des voix ou des sons, des moments où j'écoutais une musique mais moins bien les paroles de ces mêmes musiques.
Que j'aimerai saisir tous les sens dans cette mémoire, et en comprendre tout le sens. Mais c'est comme ça, nous sommes si différents et complémentaires pour construire cette vie, ces vies
Gilsoub cool !
Iceman c'est fascinant, la mémoire (ou son absence).
Je dis pareil. Et j'aime bien qu'on s'en amuse encore.
stef tu te souviens quand on pensait que nos parents, à notre âge actuel, étaient des êtres faits de devoirs et de raison, sans palpitements ni passions ni déchirement ni rien qui rend la vie vivante ? Parce que : leur àge. On était cons, hein ?
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