lundi 31 mars 2025

Faire taire la bavarde

L'un de mes grands chantiers des deux dernières années a été de bâillonner ma saboteuse intérieure, j'en ai déjà parlé, dans le coin. En ce moment, je relis le roman écrit par Moukmouk et je vois qu'il avait un nom pour cette voix de l'intérieur, "la Bavarde". Je crois que je vais l'appeler comme ça, maintenant, en souvenir de lui.

Il est donc arrivé un moment assez récent, dans ma vie, où suffisamment de mauvaises nouvelles me la pourrissaient sans que je m'en charge moi-même. Il est arrivé, plus ou moins au même moment, un ensemble de circonstances grâce auxquelles j'ai entrevu des forces pour la faire taire, cette bavarde.

Alors elle essaie encore, hein. Elle ne se laisse pas faire sans résistance, mais, globalement, je sais beaucoup mieux qu'avant vivre ma vie sans penser que je ne suis pour rien dans ce qui m'arrive de bien et pour tout dans ce qui va de travers.

Généralement, c'est une bonne nouvelle.

Et même, dans les moments où ça va bien, c'est assez joyeux.

Dans les heures plus sombres, il y a quelque chose d'étrange. Quand j'ai le moral qui me tombe dans les chaussettes parce que décidément, c'est compliqué, en ce moment, le taf, que ce môme il aura ma peau, que le fil qui me lie à tel ou telle vibre moins souvent ou moins fort que d'habitude, que je me sens seule pour faire face à tout... et que j'y trouve des explications tout à fait rationnelles telles que le contexte, le manque de temps pour faire les choses qui font du bien, la fatigue ou que sais-je encore. Du factuel.

Ca fait comme un curieux vide ; il ne s'agit plus d'être l'unique coupable sur laquelle ma Bavarde peut s'acharner en me disant que j'ai bien mérité mon sort. Si ça n'est pas de ma faute, alors c'est juste dur ? Parfois c'est simplement la vie qui est ce qu'elle est, alors ?

Curieusement, ne pas avoir de coupable à blâmer ne fait pas toujours du bien. Ca met face à un bout de chemin qui ne m'est pas favorable, sans aucune autre raison que : c'est comme ça. Et aucune prise dessus, me faire mal n'y changera strictement rien.

Alors je mise sur le futur, dans quelques minutes, quelques heures, quelques semaines, quelques mois, quelques années... tout plutôt que d'écouter à nouveau la Bavarde.

Dans quelques minutes j'aurais bien trouvé une raison de sourire, dans quelques heures de rire, quelques semaines avant des vacances indispensables, quelques années avant d'avoir remplacé la complainte de Lomalarchovitch par celle de la solitude.

Je lance des filets pour faire tenter d'y attraper de quoi me réjouir. Même s'il n'y a pas de récompense, j'y trouve au moins un peu plus d'élégance, à vivre, comme ça, tant que je peux.

Lever de soleil sur les toits de Paris, un oiseau joue dans le ciel.

mercredi 26 mars 2025

Con de pigeon

Il y a un truc qui appelle la photo comme rien d'autre, c'est l'envol d'un oiseau. Parce que bon, quand c'est réussi, mazette, que c'est spectaculaire.

Tout est dans ce "quand c'est réussi".

C'est con, un oiseau, ça ne pose pas, ça s'envole vite, alors déjà, si tu n'as que ton smartphone en poche, c'est compromis, mais même si tu as un appareil un peu sérieux, que comme par miracle tu as les bons réglages de vitesse, que tu cadres comme tu peux avec amour et pleine d'espoir.... bim.

C'est très très très souvent foiré.

Rien ne vaut un oiseau immobile, finalement. Enfin juste assez mobile pour ne pas être macabre, quand même, mais un oiseau qui bouffe des miettes à la terrasse d'un café, ça vous fera très vite un cliché "very Paris".

Oui, si c'est à Paris, c'est un pigeon, probablement, à la terrasse des cafés (ou une corneille mais je ne veux pas faire flipper mon ami Padawan).

Quand j'étais petite on me disait, comme à vous sans doute, que si on peut lui mettre du sel sur la queue, on peut l'attraper.

A Paris, le pigeon moyen, il est tellement occupé à se gaver, que tu peux lui mettre le sel, le poivre, les lardons, les petits pois sur le dos, il ne s'en rend même pas compte. C'est juste au moment où tu le colles au four qu'il commence à se dire qu'il y a un bug dans la matrice.

La preuve, l'autre jour, j'en vois un petit groupe sur le trottoir, rue d'Athènes. Comme par hasard, sur le trottoir du café (ironiquement nommé "Les hirondelles") et en face de la boulangerie que j'aime bien. Bombance, bombance.

J'ai donc dégainé mon téléphone et foncé dans le tas dans l'espoir des les faire s'envoler. C'est mon côté maltraitance animale. Rien à faire. Les mecs, enfin les piafs étaient en train de bouffer, rien à secouer, ils me contournaient vaguement en soupirant. Je les ai suivis, j'ai sauté juste à côté d'eux, pris un fou rire avec des passants qui devaient hésiter à appeler des secours en raison de ma santé mentale défaillante.

Que dalle.

Et pile au moment où je commence à ranger mon téléphone, dégoûtée par si peu de coopération, un con de pigeon qui s'envole.

J'ai donc une énième photo floue de con de pigeon qui s'envole.

Edit : ah ben tiens, j'ai fait comme il dit, j'ai foiré.

lundi 24 mars 2025

Réussir, mais quoi, putain ?

(Allez savoir pourquoi, ce truc qui va être un "billet" monte depuis que j'ai mis un pied dans le métro et gonfle depuis. Autant s'en débarrasser ici où ça ne fera de mal à personne plutôt que de gâcher par une humeur irascible les rayons de soleil printanier.)

Or donc, je déteste l'expression "réussir" quand il s'agit d'amasser plein de pognon. Ce terme vaguement pudique pour dire qu'untel ou unetelle est plein(e) aux as. Mais ils ont réussi quoi, en fait ? Sous-entendu : leur vie ?

Alors bravo pour ces succès, quels qu'ils soient, dûment rémunérés. Mais une fois que tu as craqué le truc pour gagner vraiment beaucoup de pognon, tu en fais quoi ? Tu te mets à l'abri des soucis logistiques, ta famille avec, c'est humain[1].

Et ensuite ? Avec tout le tracas que tu t'es épargné pour savoir comment finir les prochains mois, tu fais quoi ? Tu travailles sur la guérison du cancer ? La paix dans le monde ? Tu vas tenir la main des enfants mourants ? Tu vas mettre ceux qui crèvent sous les bombes à l'abri ?

Souvent, non, je crains, ou un peu, parfois, quand tu as le temps (et j'affirme sans preuve, on s'en fout, c'est un blog).

Donc voilà, assis sur un joli tas de pognon, on a le plaisir de vivre confortablement sans grosse crainte pour l'avenir, sans trop devoir se soucier du vrai monde qui s'agite, si on a pas envie de s'en soucier. L'enjeu principal est de conserver son train de vie car, pour tout le monde, réduire la voilure est inconfortable.

Et je n'ai pas de jugement là-dessus, hein. Ca doit être agréable de ne pas avoir de soucis d'argent. Hyper cool de ne pas devoir mettre une clé sur son frigo parce que les enfants explosent le budget bouffe. C'est un besoin primaire de se sentir en sécurité, autant qu'on puisse l'être, matériellement. Tout le monde devrait pouvoir bénéficier de ça. Vive le confort. Je suis un vieux chat, j'adore le confort.

Même, je vais jusqu'à concevoir qu'on puisse avoir du respect pour un parcours professionnel exceptionnel, une forme d'admiration pour une intelligence du business, la bonne idée au bon moment.

Mais avoir "réussi" quoi, donc ?

Elle m'agace, cette expression, parce que ce que ça sous-tend, c'est que les autres n'ont pas réussi (faut-il donc entendre : leur vie ?)

Alors je pourrais m'en foutre, vu qu'il a été établi que jamais de la vie je n'arriverai à remplir les conditions de cette réussite. Et que l'essentiel des mecs qui pourraient "réussir" tendent à m'ennuyer irrémédiablement (imaginez moi avec un banquier et rions ensemble). Sans compter qu'il y a une forte corrélation entre homme riche et femme-trophée (or, je l'ai déjà dit, j'entre plutôt dans la catégorie des femmes-concept, une fierté pour moi mais qui ne me mènera jamais à une union fructueuse, soyons réaliste.)

C'est donc probablement ce que je vais faire. M'en foutre.

Et continuer à évaluer ma "réussite" à la conscience que j'ai d'être vivante, à l'intensité de l'amour offert ou reçu, à la fierté devant ma marmaille improbable, à la possibilité de s'émerveiller devant des choses gratuites ou faire fonctionner mes neurones pour des problèmes insolubles. C'est même pas incompatible avec un raisonnable confort, dites.

(Tiens, ce matin j'étais contente d'avoir attrapé cet oiseau, même mal, dans le cadre. Ca ne vaut rien à part ma joie. On devrait en faire une chanson. Ah merde, non, Souchon l'a déjà faite).

Note

[1] D'ailleurs, quand on y pense, on s'attache tous à nos plus ou moins grands cubes, de béton ou de pierre, qu'on appelle chez nous. Moi, par exemple, je possède 65 % d'un espace situé en haut d'un ensemble de cubes en béton, où se trouvent les gens et les choses qui me sont les plus chers. Ma tanière, mon lieu de repli, si fragile, si absurde, comment peut-on posséder de l'air entre quatre murs ? A qui il faudrait une centaine d'années pour disparaître, si la nature reprenait ses droits ? L'esprit humain est une chose bien curieuse.

dimanche 23 mars 2025

Primavera

Vous le savez, dès février, je guette les premiers signes d'aube dans le petit matin, les bourgeons, le vert tendre qui fait grincer les dents, les signes objectifs du printemps.

Pourtant, le seul critère qui compte vraiment ne se trouve pas hors de mon appartement.

Le jour où on peut vraiment dire que le printemps est là,

quand on en a partout, tout le temps,

quand l'aspirateur a des pensées suicidaires,

quand il y en a de toutes les couleurs (enfin roux, blond, blanc, noir),

quand les tissus n'ont presque jamais leurs vraies couleurs,

quand mon aîné éternue,

bref, le jour où on peut dire que le printemps est là c'est quand la mue saisonnière des chats a commencé.

Ceux qui savent, savent (écrit-elle avec quelques poils d'ObiWan accrochés aux doigts). #LeFluff

vendredi 14 mars 2025

Les négos avec soi

Quelle étrange semaine s'achève.

Ou dizaine, je ne sais plus.

Il y a eu des élans très hauts, des pensées effervescentes, des battements de cœur plus forts que d'autres.

Il y a eu des nuits beaucoup trop courtes.

Il y a eu une quantité de boulot impressionnante.

Un gros sujet pro très très chiant qu'il me reste à régler.

Du cerveau qui travaille, beaucoup, ça fait du bien, putain, que ça fait du bien de réfléchir à des choses intéressantes, passionnantes, parfois.

Il y a eu un déménagement d'une quantité effarante de bouquins d'étagères Billy vers d'autres étagères Billy. Résultat, l'ordonnancement dans ma chambre me convient à 80 % environ. Il faudrait retrier et regrouper dans le salon mais autant ça m'a pris d'un coup côté chambre, autant ça attendra le prochain élan côté salon.

Il y a ce projet de passer le canapé au rasoir à bouloches pour minimiser les effets des griffes des chats. Oui, bon, ça attendra.

Il y a eu un enfant malade. Qui s'est gardé tout seul parce que mère indigne a enquillé deux jours de tournages divers et ne peut être au four, à écrire aux profs, au moulin, à expliquer comment cuire le poisson pané par téléphone, etc.

Il y a eu des silences.

Il y a eu du surprenant. (En bien).

Et là je tente d'écluser ma to-do au rythme d'une playlist à beat élevé et énergie communicative pour tenir jusqu'à ce soir.

Rincée, émotionnellement, logistiquement, physiquement.

Je négocie avec moi ce qui est important et ce qui ne l'est pas.

Je crois, assez heureuse, aussi, je savoure pendant que c'est là. J'essaie de mettre ce qui m'a causé le bonheur à l'abri des doutes.

C'est dingue, j'ai pris cette photo hier matin, j'ai l'impression qu'il s'est passé un mois.

mardi 11 mars 2025

Mon rabicoin

Il y a un côté complètement déconnecté à se projeter dans quelques années. Où serons nous, qui serons nous ? Est-ce que notre vie sera complètement différente ? Pas encore ?

Et pourtant.

Mon "sujet" du moment, c'est que, je le vois bien, Cro-Mi pose des jalons pour annoncer un départ, sinon proche, pas trop lointain. On parle d'une à deux paires d'années, selon comment se passe la fin de celle-ci.

Alors évidemment, j'anticipe la crise du nid vide.

Je fais comme si cette idée m'était parfaitement indifférente et des plans sur la comète. (#Zeugme)

Déplacer mon bureau dans sa chambre ? Oui ! Y mettre un canapé lit pour encore plus d'amis ? Probable ! Ah tiens, et des étagères. Pour y mettre des livres. Au hasard.

Et dans le coin laissé libre de ma chambre-bureau actuelle, je voudrais un fauteuil confortable dans lequel on puisse se lover, s'assoir de travers ou pas, étendre ses jambes pour... lire. Ou m'assoir quand je téléphone. Avec une petit table pour poser une théière, un ordinateur, une paire de lunettes.

Restez en ligne, prochainement je bascule du côté baignoire à portes et autres rêves de vieille dame indigne.

Bien évidemment, d'ici là il se sera passé moultes choses et j'aurai peut-être complètement oublié cette idée.

En attendant, quand je croise mon bureau du coin de l'œil, je m'imagine rêvasser dans un rayon de soleil de fin de journée et, ma foi, ça n'est pas la pire des choses que je puisse me souhaiter.

samedi 8 mars 2025

Songs at funerals

L'autre jour, je tentais avec un remarquable manque d'efficacité de trier des photos numériques. Sachant que je suis incapable de jeter une photo de mes enfants, ou de quelqu'un que j'aime, ou d'un souvenir aimé, même si la photo est floue, ratée, moche... pas beaucoup d'octets gagnés sur le stockage dans le cloud.

J'ai donc une immense collection de photos moisies de gens que j'aime ou ai aimé.

Parmi elles, Erick dont je vous avais parlé ici, en plein tournage dans un restau à côté de mon bureau de l'époque. Je me souviens de son goût immodéré pour la musique et de quelques découvertes partagées. Je me souviens de la musique très présente lors de ses funérailles et comme elle le rendait si présent avec nous, alors que justement, nous étions abasourdis de la douleur de ne plus jamais le voir.

Il y a quelques semaines, Nick Cave, dans l'un de ses Red Hand Files répondait à la question d'un lecteur sur une chanson à choisir pour son enterrement.

(Oui, Nick Cave répond au courrier des lecteurs et c'est à chaque fois une perle de rire, de tristesse, de profondeur, de pistes à explorer. C'est ma pépite à savourer à chaque fois.)

Je ne lui ai pas (encore) dit, mais je sais qui devrait choisir la musique de mes funérailles. Une personne qui saurait choisir de la musique pour dire qui j'étais, y mettre le son de la tristesse et de mes éclats de rire, la touche inattendue, la fidèle signature de ce que j'aurais été dans ce monde.

Depuis que cette pensée m'a traversé la tête, je me dis qu'il faut que je fasse un truc accessible pour mes enfants au cas où, avec les gens à prévenir, et ce genre de choses. Ce n'est pas morbide, rassurez-vous, je vais bien, mais c'est un truc auquel on est, je crois, un peu obligé de faire face quand on est seul(e) avec ses mômes. Et si ?

Et puis c'est sans doute une petite superstition pour conjurer le mauvais sort. Qui passe sous un bus alors qu'il vient de faire la liste des choses utiles en cas de brutale disparition ?

Or donc voilà. Pour la musique, on est bien. Enfin il faut juste le prévenir.

Et, oh ! Pep, s'il n'est pas dispo ou pas d'accord, tu es numéro 2 sur la liste.

jeudi 6 mars 2025

Sur l'écran noir de mes dimanches

Je ne sais pas d'où me vient ce goût du cinéma.

Maman nous emmenait voir le Disney rituel des vacances scolaires, mon père n'aimait pas aller au cinéma où, disait-il, on ne lui servait pas son whisky dans la salle. C'est un argument d'autant plus curieux que je ne l'ai jamais vu boire un whisky devant un film à la maison. En revanche je l'ai vu ronfler tout au long de "2001, l'Odyssée de l'espace" qu'il nous avait emmené voir à La Rochelle lors de vacances dans le coin[1]. Le film, à l'époque, m'était un peu passé au dessus de la tête (je devais avoir 10 ans, mon frère presque 5 de moins).

On a vu E.T., aussi, avec ma copine Géraldine, je crois que c'était mon premier film qui n'était pas un dessin animé, on devait avoir autour de 7 ans. J'avais plongé tête la première dans l'histoire, un peu trop, d'ailleurs, longtemps j'ai cru qu'ET se planquait sous mon lit et qu'il allait m'attraper la cheville quand j'allais en sortir. J'étais d'accord pour l'aider mais rétive à l'idée de le toucher. On m'appelait parfois Miss Chochotte, à l'époque, allez comprendre le lien.

Mais bon. Pas vraiment un marqueur de mon enfance. Un peu plus, plus tard, en fin de lycée, pendant la fac. Puis différents sur les films à voir avec le père de mon aîné, lorsque nous n'avions pas encore d'enfant. Puis enfant petit, plus de cinéma. L'année où j'ai été seule, je m'arrêtais souvent, un week-end sur deux, au cinéma du Forum des Halles pour une séance avant d'aller récupérer Cro-Mi et voiture chez son père, alors de l'autre côté de Paris. C'est pratique de mettre un ciné là où on fait son changement de train.

Puis compagnon à vie décalée, enfants petits, puis nouveau bébé, etc.

Ca fait donc assez peu de temps que je peux voir, au moins un week-end sur deux et parfois en laissant la marmaille en plan, le film que je veux au moment où je veux et je savoure ce moment avec bonheur et gourmandise. Normalement, ça devrait aller en s'améliorant, avec le temps, cette perspective me réjouit.

Et tant mieux quand le film me transporte, évidemment, mais juste la joie de choisir sa place, de s'installer bien calée au fond d'un fauteuil rouge (parfois gris ou noir, mais souvent rouge), de voir le grand écran, c'est une fête.

Note

[1] Mon arrière-grand mère habitait Fouras où nous nous rendions au mois d'août, on s'échappait dès qu'on pouvait du voisinage de ma grand-mère, c'était les rares fois de l'année où il venait avec nous au cinéma. Depuis quelques temps ils y vont bien plus souvent, mais à l'époque ça n'était qu'un loisir d'évasion, pour lui.

dimanche 2 mars 2025

Des films psychanalystes

J'ai vu "A real pain" ce midi, à l'issue d'une promenade dont vous pouvez voir quelques images ici.

On va commencer par dire que c'est un excellent film.

Quelqu'un dont j'admire le talent a écrit un jour "All stories are love stories", et s'est mis du même coup dans la poche quelques millions de lecteurs, acquis à la cause de son bouquin dès la première phrase. Parmi ces histoires, il y a celles qui nous parlent de nous et qui nous font ainsi plus d'effet que d'autres.

Les deux s'appliquent parfaitement à ce film ; une histoire d'amour familial : deux cousins, Benjamin et David, élevés comme deux frères à l'ombre d'une grand-mère aimée et récemment décédée, un peu éloignés depuis, partent sur les traces de son histoire en Pologne.

Je ne suis ni polonaise, ni cousine proche dans le cœur de qui que ce soit, mais Benjamin et David, ce sont deux bouts de moi.

D'un côté le sociable Benjamin, en contact direct avec ses émotions et toujours heureux de les faire partager, pour le meilleur et pour le pire. Celui qui connecte avec les gens en quelques secondes, aime rire et faire rire. Qui dit ce qu'il pense quoi qu'il en coûte. Tissé de doutes, de valeurs incompréhensibles par d'autres. Celui, aussi, qui vit une peine plus grande que lui et se trouve seul au monde. Pas sans famille, non, pas sans amis, sans doute, mais seul comme on l'est quand on a pas, ou plus, la personne qui détient la deuxième clé de notre âme.

De l'autre, David, son angoisse omniprésente, sa résilience raisonneuse, son soucis de ne pas faire peser ses drames existentiels sur les autres.

Entre eux, comme en moi, en dialogue intérieur, de l'exaspération, de la tendresse, de la compréhension, de l'impossibilité à se faire comprendre. L'un qui tend la main à l'autre qui la prend ou la repousse, selon.

Alors voilà, ces deux personnages et leurs relations compliquées, ça m'a touchée, en plus de l'histoire belle et poignante et drôle, souvent, comme un reflet tendu par un miroir auquel je ne m'attendais pas.

Loin de la drôlerie, cette image de fin qui me hante plusieurs heures après[1].

Note

[1] De même que me hante ce moment d'absolue beauté dans l'épilogue de "The Brustalist", dont je suis bien incapable de dire un mot tant il m'a émue, désolée, toi, au fond, qui attendait ça. Je suis sûre que plein de gens intelligents l'auront fait mieux que moi, va.