L'un de mes grands chantiers des deux dernières années a été de bâillonner ma saboteuse intérieure, j'en ai déjà parlé, dans le coin. En ce moment, je relis le roman écrit par Moukmouk et je vois qu'il avait un nom pour cette voix de l'intérieur, "la Bavarde". Je crois que je vais l'appeler comme ça, maintenant, en souvenir de lui.
Il est donc arrivé un moment assez récent, dans ma vie, où suffisamment de mauvaises nouvelles me la pourrissaient sans que je m'en charge moi-même. Il est arrivé, plus ou moins au même moment, un ensemble de circonstances grâce auxquelles j'ai entrevu des forces pour la faire taire, cette bavarde.
Alors elle essaie encore, hein. Elle ne se laisse pas faire sans résistance, mais, globalement, je sais beaucoup mieux qu'avant vivre ma vie sans penser que je ne suis pour rien dans ce qui m'arrive de bien et pour tout dans ce qui va de travers.
Généralement, c'est une bonne nouvelle.
Et même, dans les moments où ça va bien, c'est assez joyeux.
Dans les heures plus sombres, il y a quelque chose d'étrange. Quand j'ai le moral qui me tombe dans les chaussettes parce que décidément, c'est compliqué, en ce moment, le taf, que ce môme il aura ma peau, que le fil qui me lie à tel ou telle vibre moins souvent ou moins fort que d'habitude, que je me sens seule pour faire face à tout... et que j'y trouve des explications tout à fait rationnelles telles que le contexte, le manque de temps pour faire les choses qui font du bien, la fatigue ou que sais-je encore. Du factuel.
Ca fait comme un curieux vide ; il ne s'agit plus d'être l'unique coupable sur laquelle ma Bavarde peut s'acharner en me disant que j'ai bien mérité mon sort. Si ça n'est pas de ma faute, alors c'est juste dur ? Parfois c'est simplement la vie qui est ce qu'elle est, alors ?
Curieusement, ne pas avoir de coupable à blâmer ne fait pas toujours du bien. Ca met face à un bout de chemin qui ne m'est pas favorable, sans aucune autre raison que : c'est comme ça. Et aucune prise dessus, me faire mal n'y changera strictement rien.
Alors je mise sur le futur, dans quelques minutes, quelques heures, quelques semaines, quelques mois, quelques années... tout plutôt que d'écouter à nouveau la Bavarde.
Dans quelques minutes j'aurais bien trouvé une raison de sourire, dans quelques heures de rire, quelques semaines avant des vacances indispensables, quelques années avant d'avoir remplacé la complainte de Lomalarchovitch par celle de la solitude.
Je lance des filets pour faire tenter d'y attraper de quoi me réjouir. Même s'il n'y a pas de récompense, j'y trouve au moins un peu plus d'élégance, à vivre, comme ça, tant que je peux.
Commentaires
Je n'aurais jamais pensé à la voix méchante comme à une stratégie de bouc émissaire, tiens.
Anna et bien moi non plus jusqu'à il y a peu !
« Alors, toi, encore un mot, et je fais exactement le contraire de ce que tu me dis ! ». Parfois ça marche pas mal contre la mienne de bavarde…
Orpheus ahah. Quelle que soit la méthode, pourvu qu'on les fasse taire, hein ?
Oh pétard ! Y a de l’écho par ici 😉 je t’embrasse
Luceluciole c'est un peu dingo, j'ai écrit ce billet la veille de la mort de ma grand-mère qui a été un carburant de première main pour ma bavarde. La première de ma vie. Comme quoi, méfiance, j'ai des pouvoirs de sorcière pour de vrai. Je t'embrasse fort aussi, j'ai hâte de te voir.
Se blâmer donne l'illusion rassurante qu'on a encore prise sur les choses. Je pratique (j'ai pratiqué ?) aussi pas mal, mais n'avais jamais personnifié la voix off ; c'est un surnom bien trouvé, la Bavarde.
la souris n'est-ce pas ?
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