Sacrip'Anne

« Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout. » (Colette)

dimanche 23 mars 2025

Primavera

Vous le savez, dès février, je guette les premiers signes d'aube dans le petit matin, les bourgeons, le vert tendre qui fait grincer les dents, les signes objectifs du printemps.

Pourtant, le seul critère qui compte vraiment ne se trouve pas hors de mon appartement.

Le jour où on peut vraiment dire que le printemps est là,

quand on en a partout, tout le temps,

quand l'aspirateur a des pensées suicidaires,

quand il y en a de toutes les couleurs (enfin roux, blond, blanc, noir),

quand les tissus n'ont presque jamais leurs vraies couleurs,

quand mon aîné éternue,

bref, le jour où on peut dire que le printemps est là c'est quand la mue saisonnière des chats a commencé.

Ceux qui savent, savent (écrit-elle avec quelques poils d'ObiWan accrochés aux doigts). #LeFluff

vendredi 14 mars 2025

Les négos avec soi

Quelle étrange semaine s'achève.

Ou dizaine, je ne sais plus.

Il y a eu des élans très hauts, des pensées effervescentes, des battements de cœur plus forts que d'autres.

Il y a eu des nuits beaucoup trop courtes.

Il y a eu une quantité de boulot impressionnante.

Un gros sujet pro très très chiant qu'il me reste à régler.

Du cerveau qui travaille, beaucoup, ça fait du bien, putain, que ça fait du bien de réfléchir à des choses intéressantes, passionnantes, parfois.

Il y a eu un déménagement d'une quantité effarante de bouquins d'étagères Billy vers d'autres étagères Billy. Résultat, l'ordonnancement dans ma chambre me convient à 80 % environ. Il faudrait retrier et regrouper dans le salon mais autant ça m'a pris d'un coup côté chambre, autant ça attendra le prochain élan côté salon.

Il y a ce projet de passer le canapé au rasoir à bouloches pour minimiser les effets des griffes des chats. Oui, bon, ça attendra.

Il y a eu un enfant malade. Qui s'est gardé tout seul parce que mère indigne a enquillé deux jours de tournages divers et ne peut être au four, à écrire aux profs, au moulin, à expliquer comment cuire le poisson pané par téléphone, etc.

Il y a eu des silences.

Il y a eu du surprenant. (En bien).

Et là je tente d'écluser ma to-do au rythme d'une playlist à beat élevé et énergie communicative pour tenir jusqu'à ce soir.

Rincée, émotionnellement, logistiquement, physiquement.

Je négocie avec moi ce qui est important et ce qui ne l'est pas.

Je crois, assez heureuse, aussi, je savoure pendant que c'est là. J'essaie de mettre ce qui m'a causé le bonheur à l'abri des doutes.

C'est dingue, j'ai pris cette photo hier matin, j'ai l'impression qu'il s'est passé un mois.

mardi 11 mars 2025

Mon rabicoin

Il y a un côté complètement déconnecté à se projeter dans quelques années. Où serons nous, qui serons nous ? Est-ce que notre vie sera complètement différente ? Pas encore ?

Et pourtant.

Mon "sujet" du moment, c'est que, je le vois bien, Cro-Mi pose des jalons pour annoncer un départ, sinon proche, pas trop lointain. On parle d'une à deux paires d'années, selon comment se passe la fin de celle-ci.

Alors évidemment, j'anticipe la crise du nid vide.

Je fais comme si cette idée m'était parfaitement indifférente et des plans sur la comète. (#Zeugme)

Déplacer mon bureau dans sa chambre ? Oui ! Y mettre un canapé lit pour encore plus d'amis ? Probable ! Ah tiens, et des étagères. Pour y mettre des livres. Au hasard.

Et dans le coin laissé libre de ma chambre-bureau actuelle, je voudrais un fauteuil confortable dans lequel on puisse se lover, s'assoir de travers ou pas, étendre ses jambes pour... lire. Ou m'assoir quand je téléphone. Avec une petit table pour poser une théière, un ordinateur, une paire de lunettes.

Restez en ligne, prochainement je bascule du côté baignoire à portes et autres rêves de vieille dame indigne.

Bien évidemment, d'ici là il se sera passé moultes choses et j'aurai peut-être complètement oublié cette idée.

En attendant, quand je croise mon bureau du coin de l'œil, je m'imagine rêvasser dans un rayon de soleil de fin de journée et, ma foi, ça n'est pas la pire des choses que je puisse me souhaiter.

samedi 8 mars 2025

Songs at funerals

L'autre jour, je tentais avec un remarquable manque d'efficacité de trier des photos numériques. Sachant que je suis incapable de jeter une photo de mes enfants, ou de quelqu'un que j'aime, ou d'un souvenir aimé, même si la photo est floue, ratée, moche... pas beaucoup d'octets gagnés sur le stockage dans le cloud.

J'ai donc une immense collection de photos moisies de gens que j'aime ou ai aimé.

Parmi elles, Erick dont je vous avais parlé ici, en plein tournage dans un restau à côté de mon bureau de l'époque. Je me souviens de son goût immodéré pour la musique et de quelques découvertes partagées. Je me souviens de la musique très présente lors de ses funérailles et comme elle le rendait si présent avec nous, alors que justement, nous étions abasourdis de la douleur de ne plus jamais le voir.

Il y a quelques semaines, Nick Cave, dans l'un de ses Red Hand Files répondait à la question d'un lecteur sur une chanson à choisir pour son enterrement.

(Oui, Nick Cave répond au courrier des lecteurs et c'est à chaque fois une perle de rire, de tristesse, de profondeur, de pistes à explorer. C'est ma pépite à savourer à chaque fois.)

Je ne lui ai pas (encore) dit, mais je sais qui devrait choisir la musique de mes funérailles. Une personne qui saurait choisir de la musique pour dire qui j'étais, y mettre le son de la tristesse et de mes éclats de rire, la touche inattendue, la fidèle signature de ce que j'aurais été dans ce monde.

Depuis que cette pensée m'a traversé la tête, je me dis qu'il faut que je fasse un truc accessible pour mes enfants au cas où, avec les gens à prévenir, et ce genre de choses. Ce n'est pas morbide, rassurez-vous, je vais bien, mais c'est un truc auquel on est, je crois, un peu obligé de faire face quand on est seul(e) avec ses mômes. Et si ?

Et puis c'est sans doute une petite superstition pour conjurer le mauvais sort. Qui passe sous un bus alors qu'il vient de faire la liste des choses utiles en cas de brutale disparition ?

Or donc voilà. Pour la musique, on est bien. Enfin il faut juste le prévenir.

Et, oh ! Pep, s'il n'est pas dispo ou pas d'accord, tu es numéro 2 sur la liste.

jeudi 6 mars 2025

Sur l'écran noir de mes dimanches

Je ne sais pas d'où me vient ce goût du cinéma.

Maman nous emmenait voir le Disney rituel des vacances scolaires, mon père n'aimait pas aller au cinéma où, disait-il, on ne lui servait pas son whisky dans la salle. C'est un argument d'autant plus curieux que je ne l'ai jamais vu boire un whisky devant un film à la maison. En revanche je l'ai vu ronfler tout au long de "2001, l'Odyssée de l'espace" qu'il nous avait emmené voir à La Rochelle lors de vacances dans le coin[1]. Le film, à l'époque, m'était un peu passé au dessus de la tête (je devais avoir 10 ans, mon frère presque 5 de moins).

On a vu E.T., aussi, avec ma copine Géraldine, je crois que c'était mon premier film qui n'était pas un dessin animé, on devait avoir autour de 7 ans. J'avais plongé tête la première dans l'histoire, un peu trop, d'ailleurs, longtemps j'ai cru qu'ET se planquait sous mon lit et qu'il allait m'attraper la cheville quand j'allais en sortir. J'étais d'accord pour l'aider mais rétive à l'idée de le toucher. On m'appelait parfois Miss Chochotte, à l'époque, allez comprendre le lien.

Mais bon. Pas vraiment un marqueur de mon enfance. Un peu plus, plus tard, en fin de lycée, pendant la fac. Puis différents sur les films à voir avec le père de mon aîné, lorsque nous n'avions pas encore d'enfant. Puis enfant petit, plus de cinéma. L'année où j'ai été seule, je m'arrêtais souvent, un week-end sur deux, au cinéma du Forum des Halles pour une séance avant d'aller récupérer Cro-Mi et voiture chez son père, alors de l'autre côté de Paris. C'est pratique de mettre un ciné là où on fait son changement de train.

Puis compagnon à vie décalée, enfants petits, puis nouveau bébé, etc.

Ca fait donc assez peu de temps que je peux voir, au moins un week-end sur deux et parfois en laissant la marmaille en plan, le film que je veux au moment où je veux et je savoure ce moment avec bonheur et gourmandise. Normalement, ça devrait aller en s'améliorant, avec le temps, cette perspective me réjouit.

Et tant mieux quand le film me transporte, évidemment, mais juste la joie de choisir sa place, de s'installer bien calée au fond d'un fauteuil rouge (parfois gris ou noir, mais souvent rouge), de voir le grand écran, c'est une fête.

Note

[1] Mon arrière-grand mère habitait Fouras où nous nous rendions au mois d'août, on s'échappait dès qu'on pouvait du voisinage de ma grand-mère, c'était les rares fois de l'année où il venait avec nous au cinéma. Depuis quelques temps ils y vont bien plus souvent, mais à l'époque ça n'était qu'un loisir d'évasion, pour lui.