Or donc vertiges. Qui ressemblaient à des vertiges positionnels paroxystiques bénins (le temps que tu prononces le nom t'es guéri) mais qui pourraient tout aussi bien, finalement, être liés à un énième changement de dosage de lévothyroxine. Qu'on m'abatte, ça sera plus rapide que d'avoir une régulation stable, ça fait deux ans que je galère, j'en peux plus[1].
Bref : on ne sait pas trop ce qui m'étourdit.
Visiblement personne ne se pose la question de la tumeur de la taille d'un pamplemousse, inopérable, forcément, dans mon cerveau , c'est déjà ça, me dis-je avec le sens de la relativisation qui me caractérise.
C'est épuisant, et comme j'ai décidé que je ne serai pas victime d'un truc qui a bénin dans son nom, j'en ai tenu compte dans mon activité juste assez pour dire que je ne suis pas une gamine écervelée. Vraiment juste assez.
(Et ça a quand même réussi à me pourrir un moment qui n'aurait dû être que plaisir, mais bon).
C'est tendu au boulot, donc je suis vaillamment retournée, après une nuit courte et vertigineuse, à mes affaires courantes qui, pour deux jours, se déroulaient dans le 15e, son charme bourgeois, sa ligne 8. Tout ce qui peut être retenu contre nous l'étant au centuple. Et toutes ces sortes de choses.
C'était pour une formation et par un effet très étrange, alors qu'on travaillait sur des sujets totalement déconnectés de l'émotionnel, on s'est retrouvées dans une sorte de thérapie de groupe, pendant laquelle on s'est échangé de nombreux kleenex[2].
Bref, je rentrais chez moi vendredi soir, pas mécontente d'en avoir fini et de pouvoir me poser un peu. Bien serrée entre mes voisins et la porte du métro, casque collé sur les oreilles, en plein exercice d'escapisme mental en situation critique, quand je sens ma voisine d'infortune (celle à ma droite, aucune des autres) se coller encore un peu plus à moi et élever le ton. D'un coup d'épaule je fais glisser mon casque vers l'arrière d'une oreille (impossible de lever la main jusqu'à ma tête, vu la foule) et l'entends tenir des propos outrés à son propre voisin de droite, à base d'injonctions à enlever ses sales paluches et lui foutre la paix. Le mec était immense, massif, puait la crasse et l'alcool et avait le regard vitreux.
Comme une bonne féministe, et globalement comme une meuf qui ne réfléchit pas assez, je lance, au bluff, un "Hey Samia, c'est trop drôle, j'ai croisé ta mère à la Fourche ce matin, tu vas bien ? Tu rentres chez toi ?" histoire de fournir une porte de sortie non agressive à tout ce petit monde. Et là le mec me regarde autant qu'il peut sans loucher et me lâche un "Ta gueule grosse pute, tu me laisses avec ma meuf".
Il faut noter qu'on sait de la meuf en question deux choses : elle ne s'appelle pas Samia, et ça n'était pas sa meuf. Ah non, trois. Sa mère n'était pas à la Fourche, le matin où je ne l'ai pas croisée.
Et là, je vois la grosse paluche du type passer par dessus l'épaule de sa victime pour venir tenter d'agripper mon blouson et visiblement essayer de me fracasser la tête contre la porte du métro.
Fort heureusement pour moi (et elle, qui aurait pris aussi) il était beaucoup trop bourré pour avoir la coordination nécessaire et les portes se sont ouvertes à Invalides, où je devais descendre. J'ai attrapé la "Samia", on a sauté sur le quai. Le métro est reparti, on s'est pleuré dans les bras pendant cinq minutes avant de constater qu'on n'avait aucune information pour porter plainte. Elle a repris la 8, je suis partie choper la 13, fin de l'histoire.
Je raconte ça en faisant la rigolote mais c'était flippant. Même si je voyais qu'il n'était pas en état de me faire mal exprès, il aurait tout à fait été capable de me, nous faire mal, pas exprès, mais efficacement.
Et sur un wagon blindé, personne, absolument personne n'a bougé (enfin, littéralement, c'était compliqué de bouger vu le nombre de personnes entassées, mais au moins élever la voix, lui gueuler dessus).
Autant vous dire que ma foi en l'espèce humaine et son intelligence, déjà très fragile d'habitude, est en négatif en ce moment.
Si on ajoute à ça que mon aîné ne s'est même pas rendu compte qu'un toubib était passé chez nous jeudi, ni que j'étais rentrée en vrac vendredi, vous aurez une bonne idée du sentiment d'amour reçu qui me submerge en ce moment. Et encore, j'en passe en moments d'empathie inversée.

Notes
[1] Le coeur ? On ne sait pas encore.
[2] Notez que j'aurais dû le sentir venir, jeudi matin en me rendant sur place pour le premier jour, j'ai filé un mouchoir en papier à une inconnue qui pleurait en face de moi dans le métro. On n'a pas échangé un mot, mais tout ce qui a suivi les jours suivants a été relié à ça.
Commentaires
Oh mais quelle expérience horrible, vraiment désolé pour vous deux. :((((
…
Tellement désolé pour tout ça…
Des pensées douces. 🤗
Matoo le cynisme me fait dire qu'on s'en est bien sorties, à défaut d'avoir à subir, il y aurait pu avoir pires conséquences.
Tomek merci beaucoup. Rien à voir, j'ai pensé à toi en concert récemment, je raconte bientôt.
Pfff fatigue !
Même pas un courageux pour se glisser entre vous et le malotru, ça ne mangeait pas de pain pourtant…
C’est tellement bien raconté que je sens l’odeur de vinasse et de crasse du gros relou.
Et je vois les gens qui regardent ailleurs, le quai tout gris.
Envoie tout le monde iech et écris une histoire avec tout ce matériau, l’amour, la ville, la musique, les complications … je suis sûre que ça va être bien.
Tu as du talent pour ça (entre autre)
Je t’embrasse fort
Franck j'ai même l'impression que c'est de plus en plus rare, les gens qui ne laissent pas faire. Bon, c'est mon baromètre intérieur, ça vaut ce que ça vaut.
Sylvie c'est gentil mais ça n'est pas ma vie. J'écris pour digérer, pas pour raconter des histoires. Mais merci, je t'embrasse.
Pour être une de celle qui réfléchis pas assez avant de réagir je ne peux que constater qu'effectivement personne jamais ne lève le petit doigt... C'est triste mais c'est comme ça ... Et meme interrogation concernant le pamplemousse.. Ma solitude embrasse la tienne.
Raphaëlle pas assez de symptômes neuros pour que ça soit la probabilité première mais je n'ai pas dit mon dernier mot.
Eh bah punaise, quelle histoire ! J'en ferais des cauchemars un petit moment s'il m'arrivait un truc pareil. J'espère que toi non.