La vie et toutes ces sortes de choses

vendredi 31 octobre 2014

Alliés boulet

Je crois que longtemps, j'ai dit fièrement que ça m'était égal, la sexualité d'un tel ou d'une telle. Ou que je ne "voyais pas" la couleur d'un tel autre.

Je crois que longtemps je ne me suis même pas rendu compte que ces mots, pris textuellement, ne reflétaient pas ma pensée et pouvaient être insultants pour ceux à qui je voulais dire que je les trouvais aussi égaux que moi, tout simplement.

Que je ne portais pas de jugement sur leurs pratiques sexuelle ou leur couleur de peau.

Cette façon de dire "je m'en fous", elle veut juste dire "je ne suis pas homophobe, raciste" et elle appelle un peu le cookie de récompense.

Or, c'est con, de courir après un cookie de récompense pour bonnes pensées. La "récompense" s'il doit y en avoir une, c'est de penser en conformité avec nos valeurs. C'est de combattre nos réflexes bien ancrés de petits préjugés. C'est de penser faire au plus juste. Pas que nos copains femmes, noirs ou pédés nous disent "ah merci, toi au moins tu ne me juges pas".

Ça m'a pris un certain temps, et je n'en suis pas fière du tout, de comprendre en quoi ça pouvait être blessant. Parce que si je suis femme, je n'en suis pas moins blanche, éduquée, dans un monde fait par et pour les blancs éduqués. Du coup il y a des choses qui me paraissent évidentes et qui ne le sont pas.

On dit souvent : les hétéros ne font pas de coming out. Forcément puisque le monde entier présume que vous êtes, jusqu'à preuve du contraire, hétéro. Du coup dire "je suis hétéro" ne porte pas du tout le même poids que "j'ai eu peur de ce que j'étais toute ma jeunesse, j'ai eu peur de perdre l'amour de ceux qui m'étaient le plus proche, j'ai eu peur d'être un monstre, j'ai eu peur d'être jugé. Puis j'ai accepté mais j'ai eu peur de dire. Et maintenant que je dis, j'ai peur à nouveau de perdre l'amour de ceux qui me sont chers, j'ai peur de perdre mon job, mes copains, mes relations. Mais c'est la somme de ces craintes, de ces souffrances, de ces victoires, qui font la personne que je suis et je suis fier(e) de mon chemin".

Faire son coming-out, ce n'est pas juste mettre sur la place public l'intimité de sa chambre, c'est aussi revendiquer un chemin pas facile.

Nos amis, tous ceux qui, à une occasion ou à une autre, sont dans la position de "minorité" (donc ça m'arrive en tant que femme, même si on est pas moins nombreuses), n'ont pas besoin qu'on approuve ou désapprouve leur chemin, qu'on valide par un "oué je suis d'accord" ou qu'on cherche à justifier nos "je m'en fous".

On peut, intellectuellement, essayer de comprendre leur vie. J'ai vu mon ex victime de racisme quand il cherchait du boulot. Je l'ai vu, j'ai trouvé ça dégueulasse, injuste. Je n'ai pas pris le coup de poignard dans les tripes à chaque remarque à la con.On peut, au travers d'injustices qu'on a vécues, apercevoir ce que ça fait, de loin.

C'est exactement comme quand on parle féminisme et que le type en face nous dit "non mais moi chuis pas comme ça". Super et je suis contente de le savoir. Il n'en reste pas moins que ça ne change pas un certain nombre de situations qui posent problème aux femmes, en général.

Dire "je m'en fous du coming out" c'est dire "je ne suis pas comme ça". Et c'est super, qu'on ne soit pas comme ça. C'est pour ça qu'on fait partie de la clique des gens qui ont envie d'un monde meilleur et que c'est pour ça qu'on s'aime, les uns les autres.

Mais ça ne doit jamais nous dispenser de nous rappeler qu'on voit le monde au travers de nos prismes de gens qui ont eu leurs difficultés et qui n'aimons pas, nous non plus, que les gens viennent nous dire comment bien faire ou bien penser. On voit aussi le monde au travers du prisme de gens qui ont la vie plus "simple" que d'autres. Et à ce titre, on ne peut pas se contenter de" y a qu'à", "faut qu'on", "moi chuis pas comme ça", "dans un monde parfait on aurait pas besoin de"...

Si nous voulons être de bons alliés pour un monde plus équitable, je crois que nous avons le devoir, avant tout, de surveiller nos comportements, de questionner nos évidences, de faire marcher nos empathies, de soutenir avec beaucoup d'humilité.

Nos "je m'en fous" ou nos idées de génie sur les bonnes solutions pour éradiquer homophobie, racisme ou que sais-je devraient être examinés sans nos lunettes de blancs hétéros pour qui la vie est plus simple (j'ai pas dit facile, notez). Soyons prudents, soyons modestes, soyons derrière et ne cherchons pas à tirer la couverture à nous sous prétexte qu'on est moins bornés que d'autres.

Parce qu'on peut blesser ceux qu'on aime, d'une part, parce que le monde entier ne pense pas comme nous et mettre notre alliance comme argument qu'on peut "s'en foutre" est un très mauvais calcul et une vision fort naïve du monde.

Soyons de bons alliés, plus des alliés boulet. Comme dans les combats pour lesquels nous sommes le coeur de cible, si j'ose dire, nous espérons des gens qui nous soutiennent vraiment, pas des gens qui cherchent à plaquer leurs solutions (genre on y avait pas pensé avant). Pas des gens qui cherchent à savoir pour nous. Juste des gens qui nous apportent une vision réconfortante de l'humanité, qui partagent de la bonne énergie.

(Ceci est un encouragement que je m'adresse, pas une leçon de morale, ça reflète mon chemin et je n'oblige personne, hein. Mais avec la modestie qui me caractérise, je trouve que c'est un meilleur chemin que les "je m'en fous").

J'en profite pour adresser à Charles et à Embruns des tas de remerciement parce que leurs mots ont aidé ces idées à finir de se formuler, ces jours derniers. Et parce que, comme quelques autres, les lire me donne souvent des bouffées d'amour des beaux humains. L'amour de notre prochain, comme professent certains sans mettre en pratique.

dimanche 19 octobre 2014

Je lis

Certes il y a quelques très bas. Fatigue accumulée, loopings émotionnels classiques liés à l'arrivée d'un enfant dans la maison, mais aussi quelques ajouts extérieurs et digestions de choses du passé qui s'invitent, parfois, dans notre quotidien.

Mais il y a aussi d'heureuses surprises.

J'ai réussi à lire. A lire !! J'ai lu. Plusieurs livres. Depuis la naissance de Lomalarchovitch !

Je crois qu'il s'est passé presque un an à la naissance de Cro-Mignonne avant que je ne puisse prendre tranquillement un bouquin, et j'en ai été très très malheureuse.

Dans mes lectures du moment, Julio Cortázar que Pablo me fait découvrir. C'est bizarre, parfois, mais j'aime cette écriture, comme une pensée intérieure au bord du burn out, cette sorte d'à bout de souffle comme quand on a couru après quelqu'un qu'on aime. Je le lis par petites touches, et plus il y a de touches, plus je l'apprécie. Merci Pablo.

Je viens de finir également un cadeau de ma maman, Colette journaliste (suis sur la tablette, flemme de chercher la référence, vous trouverez). Plus la peine de vous dire ma vénération pour Colette, et le plaisir de la lire dans de courtes chroniques, son format favori (un autre point commun), m'a accompagnée ces derniers jours. J'ai souri à quelques sujets fort contemporains, l'âge si peu avancé et le format squelettique des mannequins des années 20 qui faisaient disparaître de la mode les courbes féminines, la longueur des correspondances dans le métro et quelques considérations sur le manque d'entrain de l'ancêtre de la RATP. Mais aussi l'invasion du Golfe de St Tropez par les campeurs (elle ferait une crise d'apoplexie aujourd'hui). Ou le ravage de ce même endroit. A l'époque (années 3) on accusait les Nordistes de mettre le feu pour inciter les touristes à monter visiter les départements septentrionaux. Aujourd'hui ce sont les promoteurs immobiliers.

Ces jolies lectures à un moment où je n'espérais pas pouvoir en avoir sont une sorte de double cadeau. Chouette.

jeudi 9 octobre 2014

Le diabète gestationnel qui pose des questions

Depuis qu'on m'a diagnostiqué ce foutu diabète gestationnel au cours de ma grossesse, je me pose beaucoup de questions.

D'abord sur la prévalence de ce DG (oui j'ai la flemme, j'ai un bébé à la maison, je ne dors pas assez, j'abrège si je veux). On nous a annoncé, à l'hôpital, environ 6 % des grossesses, 10 % sur notre bassin (car population défavorisée).

Or nous étions une bonne vingtaine à la réunion hebdomadaire des futures mères fraîchement diagnostiquées. Hebdomadaire. Même s'il y avait des semaines avec moins de personnes, j'ai une puce qui commence à me gratouiller l'oreille. Mettons 10 en moyenne, fois 4 semaines et demi par mois, fois 12 mois. Rapportées aux un peu moins de 3 000 naissances annuelles qui se passent dans cet hôpital. Ok mon calcul est très approximatif, mais il y a moyen d'être très rapidement au dessus de 6, même 10 %.

Du coup je m'interroge, recense un peu mon entourage. Et là aussi, on est plus près de 20 à 30 % des grossesses qui ont reçu ce diagnostic. Avec des qui, comme moi, avaient plusieurs facteurs de risque (âge, poids, antécédents de diabète type 2,...). D'autres rien. Des jeunes minces avec personne de malade dans leur famille.

Par ailleurs, plusieurs personnes médicalement autorisées, ma gynécologue-endocrinologue en tête, la nutritionniste de l'hôpital, et j'en passe, ont considéré que la grosse chute quelques jours avant et la douleur de mon bras très présente le jour de l'examen ont très probablement conduit à une hausse de ma glycémie pour cause de stress. Car oui, un rien, un stress, une colère, une fatigue, des tas de trucs influent sur votre glycémie. On ne vous dit pas qu'aller faire trois fois le tour du labo en marche rapide avant les prises de sang vous font baisser très vite, non plus.

Or donc, nous sommes nombreuses à avoir été chopées juste au dessus du radar. Un poil de cul au dessus du seuil. Sans deuxième test possible, juste le verdict : allez hop, c'est parti.

Ce qui m'a tout de suite sauté aux yeux, c'est que l'hôpital nous a généreusement fourni les appareils de mesure. Gratuitement offert. Du coup il n'y a que les consommables à acheter, aux frais de la sécu. Pour 6 contrôles par jour, compter environ 100 euros par mois. C'est pas grave, c'est la sécu qui paye (et le labo qui s'engraisse).

L'autre chose qui m'a frappée c'est la minimisation. On vous balance le mot diabète à la gueule et puis "non mais c'est juste un petit régime à faire, hein". Et même quand vous évoquez la possibilité d'une erreur, la réponse généralement admise est que "bah de toute façon ça ne fait pas de mal, et puis comme ça vous aurez moins à perdre après la grossesse".

Alors même si je ne conteste pas le fait que manger moins sucré n'est pas nuisible, tout le monde ne passe pas sa vie obsédé(e) par les kilos (à prendre, à perdre, à regretter éternellement, à détester, etc). Par ailleurs ce principe de précaution est un peu insultant pour les femmes qui sont hospitalisées régulièrement en fin de grossesse parce que le petit ou le grand régime ne résoud pas leur VRAI diabète gestationnel.

Avec trois mois de dextros puis trois mois de recul, j'ai cette information : en suivant le régime prescrit j'étais quasi systématiquement très en dessous des seuils tolérés pendant la grossesse. Et généralement proche (par le dessous ou le dessus) de ces seuils les jours de lâchage, mais j'ai eu 95% de contrôles sans soucis, mettons.

Alors je me pose beaucoup de questions sur cette "épidémie".

Et maintenant que pour moi c'est passé mais que ma copine Lizly en est victime à son tour, je n'ai pas de meilleur conseil à lui donner (hors alimentaires :D) que : tu ne trouveras pas beaucoup d'alliés dans le sérail, alors si tu as peur de manquer d'énergie pour le reste, laisse faire, même si c'est révoltant pour toi, pour les diabétiques vrais en général et les femmes en galère pendant leur grossesse en particulier.

Parce que même si on connaît notre droit à dire non, la fin d'une grossesse comprend ce truc qu'on appelle accouchement, à la fin, qu'on a besoin de toutes nos forces pour s'y préparer et pas besoin de quelqu'un qui risquerait de nous dire : "ah ben oui mais si vous aviez fait le petit régime, il serait plus petit, votre bébé" (témoignage véridique d'une qui a refusé de plier) (et mon cul c'est du poulet concernant le poids de mon fils, par exemple).

mercredi 10 septembre 2014

Comment l'huile de pépin de raisin empêche d'accoucher comme une femme, une vraie

La maternité où j'ai accouché a un beau site internet (tout neuf ? Récent ? Bref. Il fait environ moderne). Sur lequel la maternité donne une liste des choses à prévoir dans les valises. Car quand on part accoucher on prend : la valise du bébé, notre valise à nous ET le sac pour la salle de naissance. Ça en fait des trucs à porter avec, potentiellement, des contractions toutes les 5 minutes et un ventre énorme, me direz-vous, mais les accompagnants ont, c'est bien connu, douze bras pour soutenir la parturiente, conduire et garer la voiture, porter les valoches et remplacer les mains qu'on aura écrasées dans d'horribles souffrances.

Quoi qu'il en soit, pour les valises du séjour, j'ai fait comme ça me paraissait bien. Et il y en avait encore trop sachant qu'un certain nombre de choses étaient, malgré les apparences, disponbiles là-bas.

C'est pour le sac de la salle de naissance que j'ai fait glurps. Y avait des trucs de bon sens. Des idées chouettes comme : n'oubliez pas de prendre de la musique si vous en voulez. Et "une bouteille d'1 litre d'huile de pépin de raisin".

J'ai immédiatement plongé sous l'immense tapis du déni. Dont je ne serais jamais sortie si je n'y étais pas en très très très mauvaise compagnie.

Parce que si vous avez accouché, vous avez une idée de ce qui va suivre. Mais sinon, je m'apprête à vous révéler un truc qui va vous faire contracter du périnée toute la journée.

Oui il s'agit du périnée. Et cette huile, notamment connue pour sa neutralité dans la réalisation de la fondue bourguignonne, est là pour...

(Je respire et je prends mon souffle pour vous révéler l'atroce vérité, mais j'en ai encore des spasmes de "j'veux pas le savoir")....

... pour qu'on vous masse gentiment ledit périnée avec ladite huile dans un but d'assouplissement et pour éviter que votre bébé ne déchire tout sur son passage.

Je sais, ne me remerciez pas, vous allez spasmer et vomir toute la journée. Notez qu'entre fondue et fondement, on voit tout de suite mieux ce que "va bien te faire cuire le cul" a comme origine.

Or donc, il nous fallait de l'huile de pépin de raisin. Autant vous dire que j'ai quand même séjourné aux frontières du déni pour demander à mon amoureux de la prendre dans le rayon, vu que moi, rien que de penser à son usage, j'étais moyennement partante.

Et finalement (on a envie de dire ouf, je vous renvoie aux raisons profondes qui font que j'ai bien vécu cette césarienne, ça tient à peu de choses), on en a pas eu besoin.

Du coup, dans l'idée de rendre service à ma voisine et camarade twittérienne Neea, je lui ai offert la bouteille, comme une aînée passe le flambeau de la maternité, comme un trophée qu'on se transmet, etc (je vous laisse broder ici les envolées lyriques de votre choix).

Pour ne rien vous cacher, on a pas creusé le sujet de nos périnées et de nos ressentis sur le sujet.

Mais il se trouve qu'elle aussi a accouché par césarienne.

De là à dire que l'huile de pépin de raisin est le meilleur répulsif de l'accouchement naturel au monde, il n'y a qu'un pas que je franchirai avec toute la mauvaise foi dont je suis capable.

(Et oui, le titre est une provoc, que les commentateurs attirés par les moteurs de recherche des générations futures me pardonnent.)

jeudi 4 septembre 2014

"Je"

Je ne suis pas une sainte, une idole, une madone.

J'ai des colères, des emportements, de la moquerie trop prompte à sortir.

Mais j'aime les gens. J'aime leur chaleur, leur envie de partage. J'aime nos différences et nos ressemblances.

Je ne suis pas incassable.

Mais cet amour des gens, des humains particuliers, me rend forte.

Je ne suis pas rancunière en générale.

Faut juste pas toucher à ma famille, aux archi proches. Sinon, là, c'est foutu pour la vie. Y en a deux ou trois, sur ma listes de gens pour qui c'est définitivement foutu, c'est pas lourd, en 39 ans de vie, quand on y songe.

Je ne suis pas belliqueuse. Mais j'ai pas peur du combat. Les fouteurs de merde m'agacent mais ne me font pas peur. Personne ne pourra, je crois, me reprocher manque d'honnêteté ou hypocrisie. Je suis malheureusement réputée pour dire très franchement ce que j'ai dans la tête.

Et aucun emmerdeur n'aura ni ma liberté de penser, ni celle de m'exprimer.

Grâce à ma famille, à ma tribu, et à mes proches, je suis solide. Équilibrée.

Du coup je peux me faire couillonner un peu candidement, à cause de cette envie de faire confiance aux gens, de tirer ma force de notre humanité.

Mais c'est principalement ça qui me rend forte aussi. La foi dans ce que l'autre peut avoir de bon. L'humanité.

Alors bon.

Autant vous dire que c'est pas pour tout de suite que je vais faire cliente de la dépression, de la rage qui possède ou de l'obsession maladive.

Je vais juste devoir me faire un peu violence pour respecter ma règle de "même si on a envie de faire confiance il va falloir prouver a priori et non jusqu'à preuve qu'elle n'était pas bien placée".