La vie et toutes ces sortes de choses

lundi 16 février 2015

Mais merde, le monde !

Je suis en colère. Triste. Effondrée. Pessimiste.

Voilà ce qu'on nous propose comme modèle de pensée facile. Je te hais parce que tu es la cause de tous mes ennuis donc je viens te tuer au nom d'une raison supérieure que je considère comme la seule et unique possible.

Des bien coiffés qui piaillaient à la cathophobie il y a quelques mois au prétexte qu'on ne considère pas leurs croyances comme ayant force de loi pour tous ceux qui ne les partagent pas, à ceux qui pensent honorer un prophète en faisant couler le sang de gens, soigneusement choisis pour leur peu de danger réel.

De ceux qui trouvent que c'est la faute aux musulmans qui sont quand même très pas comme nous, à ceux qui pensent que c'est la faute aux juifs, s'ils ne foutaient pas sur la gueule des palestiniens on en serait pas là.

De ceux qui pensent que les autres, ils sont trop foncés, trop clairs, trop à gauche ou à droite, où on s'arrête pour mettre sur la gueule du voisin ?

Et à qui profite le crime ? A des vendeur de pétrole ou de soda, à quelques plus riches que tous les autres...

Pendant ce temps nos politiciens pantins comptent leurs points gagnés à coups de discours plein d'émotions et nous font les poches, nous mentent, oui mais avec le sourire madame, en réduisant mandat après mandat ceux qui ont le droit d'être considérés par la sociétés.

Pendant ce temps-là on interroge pas nos responsabilités. Qu'avons-nous fait avec l'urbanisme qui cloisonne et sépare et compromet l'intégration de tous, depuis 50 ou 60 ans ? Qu'avons-nous fait en permettant à nos petits racismes et sexismes ordinaires de s'exprimer, ou bien en ne nous élevant pas contre celui des autres ?

Alors quoi ? On continue à faire comme si c'était la faute de l'autre, sans se demander où s'arrêtera la définition de l'autre ? On s'équipe de politiciens encore pire que ceux qu'on a, on attend que ça pète de partout en se fermant à tout ce qui ne se passe pas en bas de chez nous ?

Et on verra après si nos enfants, ou les enfants de nos enfants, profiteront d'un rebond de monde un peu meilleur ?

Je pleure du monde qu'on laisse exister en se disant que c'est la faute des autres, si on en est là.

Et je pense à nos camarades danois qui eux, n'ont pas été si longs à trouver qu'il fallait se dresser à nos côtés, quand ça a pété sous nos yeux et qu'on trouvait que çay tay trop nul, le terrorisme, bouh le vilains méchants, moi chuis contre la guerre et pour la paix dans le monde et mort aux vaches.

(Oui je suis en colère, très).

lundi 9 février 2015

Surdité partielle à Colombes

Or donc au premier conseil d'école de l'école en bas de la maison, que fréquente ma fille avec assiduité, nous avions appris que c'était pire que ce qu'on croyait.

Pas une fenêtre qui n'avait besoin de réparation (ou de changement). Des revêtements de sol épuisés. Des stores absents, ou cassés. Des éléments de sécurité hors d'état. Plus de lumière aux abords de l'école. Plus de serviettes en papier dans les toilettes. J'en passe.

Le représentant du conseil municipal avait quitté la séance en plein milieu du conseil.

Depuis il a fait une visite de repérage de travaux à faire. Qui devaient être "votés au budget". Pas de nouvelles.

Depuis les services vétérinaires sont passés à la cantine et ont noté de graves manquements : pas de séparation entre le sale et le propre, pas de locaux/vestiaires pour les agents, entre autres. Il a fallu une menace de fermeture pour que la municipalité se décide à réaliser des travaux (qui ne sont pas encore datés).

Alors certes. On est dans un quartier pauvre, ça ne doit pas remonter des masses d'impôts. Et puis y a des tas de parents d'élèves, ils n'ont même pas le droit de vote, alors pourquoi ça serait un bon investissement que d'assurer de bonnes conditions d'études à leurs enfants, hein ? (Parce que quand ces derniers auront le droit de vote, les élus actuels seront trop vieux ??)

Sauf qu'il n'est pas tolérable des enfants aient classe dans des locaux où il fait 15° le matin, à peine 18 en fin de journée. Ni pour eux, ni pour leurs enseignants.

Faute de visiophone, l'accès à l'école se fait sans la moindre possibilité de contrôle des gens qui entrent et qui sortent. Quand le portail est fermé (tout le monde sait l'ouvrir avec une clé...)

Les élus municipaux, à qui nous avons donné mandat [1] pour œuvrer pour l'intérêt général de TOUS les Colombiens, restent sourds aux questions des parents d'élèves et des responsables d'établissement.

En attendant, aux abords des marchés, les tracts pour la candidature de Mme la Maire aux départementales sont distribués avec les commentaires "si vous ne votez pas pour elle, elle n'aura plus aucun pouvoir[2]". Prenez-nous, en plus, pour des cons.

Nous demandons donc un rendez-vous en urgence pour la directrice et les délégués de parents d'élèves. Nous verrons bien si l'approche des élections permet d'améliorer la surdité partielle de nos élus.

Notes

[1] enfin perso j'étais pas pour, mais il paraît qu'on ne peut pas avoir une loi pour ceux qui ont voté pour les uns et une autre pour ceux qui ont voté autrement, alors...

[2] j'avoue que c'est un argument convaincant pour votre... pour quelqu'un d'autre. Toutefois, il est faux

jeudi 29 janvier 2015

Ca c'est privé !

Depuis quelques jours, je lis avidement le brouillon du futur livre de Tristan Nitot sur le sujet du contrôle des données récoltées sur internet, via les terminaux classiques ou les objets connectés.

C'est vertigineux. On SAIT les choses, on SAIT que des données sont collectées. Mais la mise en perspective de ce qui en est déjà fait, de ce qui pourrait en être fait, c'est une grosse claque.

Jusqu'ici je me disais : avant que quelqu'un ne s'attaque à chercher, personne par personne, à tout savoir... (encore que, j'aurais mieux fait de fermer mon neurone, sur ce coup...).

Mais même traitées en masse, nos données peuvent être exploitées à des fins avec lesquelles nous ne sommes pas "confort", comme dirait un ex boss que j'aime bien.

Dans le meilleur des cas.

Du coup j'ai passé un peu de temps sur les pages de Mozilla sur le respect de la vie privée.

Et j'ai partagé, notamment avec ma cheffe et l'équipe webmarketing. Parce qu'il me semble que nos besoins de données en prospection sont assez limités, que même, on nous filerait tout un paquet de données qu'on ne saurait pas bien quoi en faire, et que du coup, la question de : que sont les données dont nous avons vraiment besoin, comment devons-nous les obtenir, le plus éthiquement possible, et les exploiter, doit être au cœur de nos démarches.

Autant vous dire qu'arriver dans une réunion de marketteurs avec des idées pareilles sous le bras, c'est encore plus bizarre que d'arriver déguisé en poussin géant, hein.

Et bien ma cheffe bien aimée a accepté l'idée qu'on en parle et débatte et pourquoi pas qu'on se fixe une sorte de "charte", nous, nos partenaires, sur le sujet. A suivre, donc.

Suis pas peu fière (même si je sais que dans les faits, hein... Mais il faut bien commencer quelque part).

vendredi 9 janvier 2015

Je suis Frédéric

Tout le monde a été frappé, mercredi midi, par l'impensable.

Mercredi soir, dans l'immense boîte pour laquelle je travaille, nous avons appris que l'un d'entre nous faisait partie de la liste des tués.

Frédéric Boisseau était bien moins connu qu'un certain nombre des victimes de l'attentat. Il n'était ni journaliste, ni dessinateur.

Pour autant, à sa façon, il contribuait, comme les autres, à rendre la vie meilleure. Les uns par le rire, par la dénonciation. Lui par ses gestes quotidiens.

Il faisait partie de ces gens qui, peut-être dans votre entreprise, fourmillent pour vous simplifier la vie, la rendre plus agréable. Remplir les machines à café, réparer ce qui est cassé, changer des néons ou des stores cassés, nettoyer, faire la plonge.... autant de métiers de l'ombre dont on se rend compte de l'importance quand ils sont mal assurés.

Je ne connaissais pas Frédéric, je ne sais pas s'il était petit ou grand, ou blond ou brun ou à carreaux. Je ne connaissais pas le son de sa voix, la couleur de ses yeux, je ne sais pas s'il avait le sens de l'humour, s'il était gourmand ou fan de foot.

Mais je sais que lui comme moi avons été, chaque jour, guidés par les mêmes valeurs d'entreprise : esprit de service, esprit d'équipe, esprit de progrès. Respect de toutes les formes de diversité. Éthique.

Mercredi midi c'était citoyen, humain, émotionnel. Depuis mercredi soir ça touche au perso, un peu irrationnellement, mais très nettement. Cette culture d'entreprise qui nous rassemble tous, cette envie de faire du bon boulot, ce soucis de contribuer, par chacun de nos gestes quotidien, à améliorer celui de ceux pour qui nous travaillons, font partie des "guides" de tous les employés, partout dans le monde, dans nos métiers si différents, dans des pays si éloignés. Et pourtant le même fil rouge.

Depuis mercredi soir, je pleure des grands messieurs dont le travail, très visible et exposé, incarne une forme de liberté. Et je pleure Frédéric, je pense à sa femme, à ses enfants, à sa famille, qui ne pourront jamais accepter que ce jour-là, simplement en partant faire son travail, leur mari et père, fils ou frère, ait perdu la vie.

Je voudrais, une peu vainement, un peu irrationnellement, que chacun ait le nom de Frédéric en tête en même temps que Cabu et Ahmed, Wolinski et Maris, et les autres. Je voudrais qu'il soit au cœur de tous les hommages. Dans le cœur des gens. Sa vie ne valait pas moins.

Depuis mercredi soir, je suis Frédéric.

mercredi 7 janvier 2015

Sidération

On commence une journée, on a pas forcément tout à fait assez dormi, on commence comme tous les jours à peu près, on ne sait pas encore.

On travaille, on parle, on respire, on vit.

Et soudain, chacun dans une circonstance dont on se souviendra toute notre vie, on apprend. L'impensable.

Depuis la mi-journée je suis en état de sidération.

Je ne comprends pas, ça dépasse mon entendement. Comment peut-on viser la tête de gentil Duduche coiffé comme Mireille Mathieu de Cabu et tirer ? La bille de clown de Wolinski, la tête à la Jerry Lewis de Bernard Maris, la tronche d'éternel pré ado de Charb, la tignasse de Tignous ? Leur. Tirer. Délibérément. Dessus. Et les autres. Comme il dépassait mon entendement qu'on vise un enfant et qu'on tire, à Toulouse, il y a peu...

L'horreur dépasse mon entendement. Oui, ça frappe plus fort quand c'est plus près de chez nous, oui, on pense sans doute encore que tout ça, c'est chez les autres.

Pour autant ai-je le droit de dire que "Je suis Charlie" ? D'abord parce que souvent ils m'ont fait hurler de colère, aussi souvent qu'ils m'ont fait rire, sans doute. Surtout parce que je ne suis pas exposée. Je soutiens des idées, j'agis pour le mieux que je crois possible dans mon petit monde, mais je n'ai jamais posé la cible sur mon dos, je n'ai pas vécu des années avec la possibilité tangible qu'on me tue pour mes idées. Pire encore, pour quelques mots, pour des dessins.

Il faut croire que les terroristes sont bien faibles : faire taire les idées autres par la terreur et avoir besoin de tuer à cause de la menace d'un trait de crayon, c'est finalement avoir bien peu confiance dans ses croyances, non ? Faibles, ils sont, mais il font mal. Très mal.

Alors pour surmonter cette sidération, je me laisse émouvoir. Pleurer à entendre les larmes de ce type que je n'estime vraiment pas, Val. S'émouvoir de manifestations venues de la terre entière.

Frissonner à un américain qui choisit notre langue pour affirmer son soutien.

Constater que nous sommes, malgré tout, les plus nombreux, à trouver qu'il ne faut pas, pour citer Val, laisser le silence s'installer, qu'il ne faut pas laisser la peur décider de nos libertés.

Et me réchauffer aux cris joyeux de mon fils, prendre des nouvelles de ma fille au bout du monde. Savoir qu'on fait tout pour leur donner comme arme les mots, les idées, plutôt que la terreur.

Je ne suis pas Charlie mais je pense à ceux qui sont morts, à leurs familles, leurs amis. Et je souhaite de tout mon coeur que nous tous, un plus un plus un plus un plus un, nous fassions que ça ne soit pas vain, ces assassinats incompréhensibles. Malgré tout cette pensée en fond : rien n'a de sens. Il n'y a plus que de la colère et ce qu'on décide d'en faire.