La vie et toutes ces sortes de choses

jeudi 4 avril 2024

Après moi le déluge

On est punis en banlieue.

Je viens d'en avoir la démonstration.

J'avais bien vu "averses" sur mon appli météo. Mais aussi des éclaircies et une vague promesse de soleil. J'ai même regardé les prévisions à Colombes ET Paris parce qu'on ne me la fait pas, à moi.

Evidemment par la fenêtre, ça avait l'air tonique, comme averse. Mais confiante en l'avenir que je suis, même pas peur, me voici partie armée de mon parapluie [1] et, c'est important pour la suite, vêtue d'une robe longue en coton. Mouillée pour mouillée, au moins je sécherai plus vite qu'en jean, m'étais-je dit. Cette force de prédiction va vous étonner.

Me voici donc sortie de l'immeuble, et c'est pas de la pluie, c'est le déluge. Il y a une pellicule de flotte sur le trottoir, les flaques sont infranchissables d'un bond, les caniveaux vomissent de la flotte, l'enfer.

A peine franchies les quelques centaines de mètres qui me séparent de l'arrêt de bus, je suis trempée des pieds aux genoux.

Foutue pour foutue, je m'engouffre dans ledit bus, qui a le bon goût de se pointer immédiatement et de m'emmèner au métro. Répétition du déluge pour aller de l'arrêt à l'entrée de la station (où les sortants campent, indécis, sur le seuil, contrariés par l'humidité ambiante et nous empêchant, nous autres, pauvres créatures trempées, de se mettre au sec. C'est pas pour balancer mais j'ai trouvé ça assez indélicat.)

Je finis par entrer et constate que ma longue robe, désormais gorgée d'eau, a rallongé de dix bons centimètres, ce qui la transforme en serpillère portative et moi en pauvre chose humide et renfrognée.

Bref, le trajet se passe, j'émerge à Liège où une petite pluie polie m'attend. Rien de traumatisant. C'est là qu'on voit les inégalités entre les quartiers bourgeois et les banlieues populaires, je trouve. A nous, les pauvres, la pluie épique, dantesque, et surtout mouillée. Aux riches les petits crachins médiocres.

Ma robe rallongée[2] et moi émergeons de la station, parapluie en main. Un pan de ma robe pendu au crochet de mes doigts, j'arbore le plus pur style princesse, celui-là même qui a fait ma gloire ces dernières décennies (hum) pour éviter de voler le travail des cantonniers parisiens. Enfin princesse qui montre ses jambes, du coup, mais on est en 2024.

Si vous me cherchez au bureau et que je n'y suis pas, c'est sans toute parce que j'aurai trouvé un pressing dans lequel je contemplerai, en soutif et culotte, un sèche-linge en train de faire son office (et si ça se trouve, ma robe aura tellement rétréci après que je ne pourrais plus la mettre, hahaha).

Je sèche, comme je peux, en maudissant l'inégalité sociale qui est la nôtre, même devant la météo.

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Je déverse beaucoup, et sur beaucoup de blogs différents, ces jours-ci. Sans doute parce que j'ai toujours pris internet pour un psy pas trop chiant, un peu parce que "Parfois, on écrit comme on se déshabillerait devant la fenêtre, sans faire attention si le voisin est là ou pas." [3] J'ai même ouvert un blog de célibat, c'est tout dire. Si ça vous saoule, ignorez-moi. Un jour je serai de nouveau feignasse du blog et vous regretterez ce contenu d'une qualité contestable mais abondant.

Notes

[1] Neyrat, pour les connaisseurs, j'ai le snobisme bourguignon en matière de parapluies. Salut la team 7-1, salut Autun !

[2] Le premier qui me demande si ce n'est pas moi qui ai rétréci, je l'assomme à coups de parapluie.

[3] Cette phrase de mon tout premier blog m'a tout de même valu d'être citée par Pyschologies Magazine il y a deux décennies, on a les gloires qu'on peut, mais excusez-moi du peu.

mercredi 3 avril 2024

De la servitude insupportable et de la perte de gouvernance

Je suis un des "Knights who say Ni!" (ou chevalier du Ni, pour les amateurs de la VF).

La moindre perte de gourvernance ou de capacité à faire ce que je fais d'habitude m'est une torture. Je commence à trouver que oui, c'est un peu moins pratique avec les bras et les jambes en moins (en l'occurrence, c'est plutôt de niveau d'énergie disponible dont on parle).

Bref, quand ça ne va pas, je passe en force, je convoque je ne sais où, mais dans un truc que je tiens probablement de ma mère, une ressource supplémentaire. Je roumègue, je m'entête et je me laisse rarement arrêter sur le chemin d'une chose qui me tient à cœur.

Depuis quelques semaines je ronchonnais intérieurement que je lisais moins vite que d'habitude (et ça m'ennuie copieusement car ma "pile"[1] de lectures en attente, elle, tend à augmenter à la même cadence que d'habitude.

J'ai mis ça sur le dos de beaucoup trop de trucs à penser. Des soucis, des trucs plus joyeux mais envahissants aussi, de la logistique à anticiper.

J'ai mis ça sur le dos de la fatigue assommante qui me tient compagnie ces derniers mois (je lis, je m'endors, rince and repeat).

Et hier soir je me suis rendu compte, et j'en rigole en vous le disant, qu'en fait ma vue a baissé et que mes lunettes ne sont plus à ma taille, si j'ose dire.

La défaite de la vieillerie.

Après vérification, il semblerait que ça fasse deux ans que je n'ai pas mis les pieds ni les yeux chez l'ophtalmo.[2]

Celles et ceux qui ont toujours porté des lunettes se rendent bien compte des armes qu'on rend quand il faut naviguer dans un monde qu'on ne voit pas assez bien. J'ai toujours eu une excellente vue et de très bonnes dents, de mon côté (je n'ai, à ce jour, toujours pas la moindre carie, vous auriez dû penser à ça avant de faire des enfants avec n'importe qui. Le patrimoine dentaire qu'on lègue est loin d'être anodin).

C'est d'autant plus ironique que je me suis copieusement moquée de celui qui vivait avec moi à l'époque où il a été frappé, nettement plus jeune. Moi, ça allait, jusqu'au jour où dans un ascenseur parisien, je me suis retrouvée face à une affiche que je ne pouvais pas lire, faute de pouvoir reculer. Ca doit faire deux ou trois ans que j'ai dû céder à l'appel des verres progressifs et que l'augmentation de la taille de la police sur ma liseuse ne suffit pas toujours.

Et porter des lunettes, excusez moi, c'est d'un banal, mais c'est la merde. C'est toujours : plein de buée, à risque de prendre la pluie et donc d'avoir des gouttes énormes sur les verres par lesquels on aurait envie de voir le monde. c'est jamais à l'endroit où on pense les avoir posées[3].

Le pire c'est que, esthétiquement, ça ne me gêne pas du tout, j'aurais même tendance, parfois, à trouver que c'est une bonne occasion de laisser s'exprimer ma fantaisie accessoiriste naturelle. Mais je maudis le jour où j'ai opté pour ces lunettes qui se teintent au soleil : par beau temps, je suis grillée dès que je descends du roof top.

Bref. Je lutte en vain contre cette déchéance mais la vie gagne. Dans mes bons jours j'aurais tendance à penser que c'est un signe de santé suffisante.

Notes

[1] Une partie très conséquente étant dématérialisée, je ne sais pas si le mot pile s'applique, mais enfin bon, vous voyez, ne vous faites pas plus de mauvaise foi que vous n'êtes déjà !

[2] Et oui, maman, j'ai rendez-vous trèèèèès bientôt !

[3] J'ai écrit cette phrase uniquement pour saluer au passage la mémoire de ma grand-mère qui avait son emplacement n°1, n°2, n°3 etc où chercher. Au cinquième, une légère lassitude pouvait se faire sentir. De mon côté je ne cherche jamais mes lunettes, laissez-moi encore ce petit rempart.

mercredi 27 mars 2024

Des gens qui se suivent et ne se ressemblent pas

Je suis sortie du bureau hier soir avec trois quarts d'heure à tuer, avant de retrouver ma compagne pour la soirée. J'avais déjà copieusement arpenté Paris sous la pluie, depuis le matin, j'ai donc fait le choix de la facilité et filé au Starbucks de Saint-Lazare avec une envie de cappuccino, de musique dans les oreilles, de bouquin à la main, le long de la fenêtre qui donne sur la rue d'Amsterdam. A 30 pas de mon but, je me fais alpaguer par une dame qui me demande de l'argent pour acheter des laitages aux sept enfants qu'elle élève seule.

Je lui réponds que je n'ai pas de monnaie, elle me demande (sur un ton qui ne laisse pas énormément de place au refus) de lui offrir un chocolat. Je considère une seconde la situation, me dis que, ouais, la vie a été plus drôle qu'en ce moment, pour moi; mais pour elle, ça doit être pire. Parce que même si tout ce qu'elle va me raconter est plus ou moins vrai (ou plus ou moins faux), ce qui l'amène à venir chercher le contact dans une gare bondée, c'est probablement quelque chose qui fait de sa vie un chemin plus dur que le mien. Ou qu'elle a un sens du challenge hors du commun, ce qui ça mérite d'être félicité. Et merde, en ce moment, en tout cas, je peux encore offrir un chocolat, fût il au prix honteux que Starbucks pratique, donc je l'embarque. Elle me dit qu'elle va le boire avec moi, ma fibre anti sociale se hérisse et je lui propose de transiger : on bavarde dans la (longue) file d'attente, mais après ça j'ai besoin d'un moment seule. On a à peine fait un pas dans la queue elle me raconte qu'elle n'a pas mangé depuis je ne sais combien de temps car elle a un cancer. Que sa petite a des problèmes, il faut l'emmener chez l'orthophoniste, que la grande a des problèmes, il faut l'emmener chez l'ophtalmo. Et en fait c'est pas un cancer, qu'elle a, c'est deux dont un féroce qui lui donne des embolies pulmonaires et les traitements ça lui donne des plaques. Ça la gratte, ça lui fait des cicatrices énormes, et de là, elle me montre son bras, effectivement barré d'une énorme cicatrice, mais probablement pas due à du grattage (ou alors elle a des pattes de grizzly). Et je vous vois, entre incrédulité et hilarité, je ne suis pas complètement dupe, je la trouve super pimpante (dans un style relatif) et vive pour quelqu'un qui était en chimio ce matin et occupée à vomir le reste de la journée. Mais hey. Je joue cœur, toujours, même si ça me met parfois dans des situations improbables.

Dans ma tête, ma voix intérieure ricane : ma fille, tu es la victime parfaite du "Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens", l'ouvrage culte de mon amie Kozlika ! Et je m'en fous. Dans le doute, ça ne coûte rien d'envoyer un peu de gentillesse dans le karma. J'ai posé ma limite : celle d'un chocolat (bien évidemment elle choisit la version signature avec la chantilly, du coulis au chocolat, le Père Noël en string à paillettes qui clignote posé dessus et que sais-je encore [1] pour vous faire payer l'air au prix de l'or. On récupère nos boissons et elle part.

Je m'affale dans le fauteuil. Je mets de la musique dans mon casque, je sors ma liseuse. Rien à faire, je n'arrive pas à lire. Malgré Vialatte. J'ai déjà le cerveau qui pose des phrases pour raconter ce moment. Je suis crevée, j'ai peur d'oublier, je n'ai ni mon PC, ni de quoi écrire alors je raconte la scène au dictaphone de mon téléphone (pour découvrir ce matin que le bruit de fond du café couvre l'essentiel de ce que je raconte). Je souris en pensant à celui ce que je vais voir ce soir soir et qui se foutrait de moi dans un éclat de rire sonore si je lui racontais ce moment (je pense qu'il me trouve parfaitement naïve et bourgeoise, limite dame patronnesse à côté de la plaque, dans ces moments, et il a peut-être raison, mais, pas folle la guêpe, on s'est parlé de plein d'autres choses, pas de ça !)

Je souris en pensant à celui dont je sais pas s'il se moquerait un peu ou s'il dirait un truc super gentil ou un mélange des deux, si je lui racontais ce moment. Ça serait surprenant et l'occasion d'un sourire ou d'un rire, très probablement.

Je suis dans un état un peu bizarre. La vie trouve un chemin vers les mots, les mots peinent à restituer la vie, je suis à la fois de bonne humeur, et simultanément un peu triste que, parfois, le seul truc qu'on a à faire, c'est la manche à Saint-Lazare en espérant qu'une personne sur je ne sais combien s'arrête et écoute dix minutes avant que le grand flot ne reprenne le dessus.

Quand je suis sortie, elle n'était pas en vue. J'ai fait jonction avec celle qui a joyeusement accompagné ma soirée (chouette, une nouvelle copine !). Je me souviendrai longtemps de son air émerveillé quand celui qu'on allait voir a traversé la rue et qu'on s'est salués joyeusement. On a bravé les bourgeois du 16e, passé un très bon moment, plein de livres, de gens qui les écrivent, d'une qui les édite, d'une traductrice virtuose, de gens qui lisent et de chiens. Entre la discussion libraire/auteurs et ce qui a suivi, j'ai découvert avec joie que mon amie Gilda était là aussi et que la balle du "Quand est-ce qu'on se voit ?" avait diablement bien été saisie au bond. Mon dîner a consisté en une Guinness partagée avec cette joyeuse bande.

Ce matin, je me suis traînée un peu, pour arriver au bureau où je ne vais pas, habituellement, le mercredi. Epuisée, les jambes pleines de presque dix kilomètres d'arpentage d'hier. Mais bon, encore une irlandaise au programme ce soir. Je vais me maudire demain, avec cet enfoiré d'Hashimoto, sa grosse fatigue et les insomnies pour pimenter encore un peu la relation. Je vais probablement passer une grande partie de la fin de semaine roulée comme un nem dans ma couette en gémissant sur ma faible capacité à faire des choix de vie raisonnables. Mais non, je ne peux rien regretter de ces moments. C'était trop bon. Ca sera trop bon.

Note

[1] Au cas où l'un d'entre vous rêve de cet élément de décoration, je l'ai inventé de toute pièce, mais la chantilly et le chocolat sont véridiques

jeudi 21 mars 2024

Le film dans ta tête

Alors voilà, cette fois je ne me ferai pas voler ma vie, quitte à tomber de fatigue, que ça soit en faisant des choses qui me plaisent plutôt qu'à déprimer au fond de mon lit. Mon cerveau a pigé qu'il avait l'autorisation d'être erratique, en ce moment, c'est le grand nimp', les ascenseurs émotionnels, les bugs de fatigue. Mais on en rira un jour (pas trop lointain, si possible).

Or donc nous voilà en terrasse avec deux collègues à boire un verre en regardant les badauds béer et le soleil passer de l'autre côté de la rue Saint-Lazare, puis à nous saluer gaiement. Je prends par accident une photo incroyable que je ne peux publier nulle part car le type qui s'est incrusté dans le cadre n'est probablement pas d'accord. Mais j'adore cette photo. Demande-moi la prochaine fois qu'on se voit.

Prince chante "Purple rain" dans mes oreilles, j'ai ma tenue préférée de toute l'année (une robe noire ample et droite en coton qui me tombe sur les chevilles, mon vieux blouson en jean plein de badges, des baskets confortables), je savoure l'air sur mes jambes et le plaisir de marcher au rythme de sa royale Badness.

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Et là dans ta tête tu es la coolitude. Tu sens ta démarche souple épouser la batterie, bien dans tes fringes, bien dans ton make-up , d'ailleurs il t'a valu des compliments de l'alternante graphiste ET de ton aîné, bien dans tes baskets bigarrées. Ton livre du moment t'attend, tu le retrouveras dans quelques minutes dans la poche de ce sac d'un framboise vibrant. Tu es dans ta bulle, tu fusionnes avec la musique et avec la lumière de fin de journée sur les bâtiments haussmanniens. Tu es bien, ça ne durera peut-être quelques minutes mais là, à cet instant précis, tu n'es ni entravée par la fatigue ni par une tristesse plus ou moins passagère. Juste bien. Tu dégages autant de lumière que la scène finale de "Perfect Days"

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Les passants qui passent, si jamais ils remarquent quoi que ce soient tant les gens ne voient : rien[1], auront peut-être l'impression d'une petite grosse dame entre deux âges qui se dandine, l'air un peu ailleurs, elle a tellement une tête à daronner tout le monde que c'est à elle qu'on demande un kleenex dans la rue, ou la direction qu'on cherche en vain.

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La vérité est ailleurs.

Note

[1] D'ailleurs, les marcheurs dans les foules denses, ça ne va pas du tout. Pour avancer : visez les trous dans la foule. L'endroit où il n'y a pas déjà des gens. Et surveillez avec les deux trucs ronds posés au dessus de votre nez, sur votre visage, que les trous ne se sont pas remplis avant d'avancer.

mercredi 20 mars 2024

Bribes de ce qui rend une journée supportable

Objectivement, hier c'était une journée de merde. En réunion du matin au soir, déjà. Pas toujours avec les manchots qui glissent le plus loin sur la banquise, en plus. Je déteste ça. Réveillée depuis 4 heures du matin, j'avais atteint les limites de ma patience vers 9h32 environ. Et puis finalement, Cougarillon m'ayant piqué ma place dans la salle pendant que je présentais un truc, j'ai déménagé près d'autres voisines, l'air s'en est trouvé allégé et je me suis mise à collectionner des bribes de jolies choses pour ne pas laisser les contrariétés de la vie réelle m'entraîner dans leur spirale de l'enfer.

Le café dans le soleil du matin, déjà. Dans peu de jours, on fêtera notre anniversaire d'emménagement. Mon téléphone est empli de photos toutes semblables mais jamais identiques. Trouver la vue du matin (souvent vers l'est, car, comme vous le savez, c'est là que le soleil point et que la lumière est dingue à cette heure matinale, mais dans mes grands jours, j'immortalise le tour complet). Souvent en poster une sur les rézosocio parce que la beauté, ça se partage, sinon ça ne sert à rien. Presque toujours en envoyer à de rares favoris, en forme de "bonjour, je te pense, là, tout de suite".

Des nouvelles de mon ancienne alternante, désormais en CDI, qui nous a fait une énorme frayeur et qui, finalement, n'a rien de grave. Ouf. Une réunion qui finit à l'heure, on avait pas vu ça chez nous depuis l'assassinat de Jules César, environ. Un déjeuner sur le toit, deuxième de l'année. J'ai rosi, paraît-il. Toute le monde n'a pas la chance de bronzer en tranche napolitaine sans jamais arriver au chocolat, que voulez-vous. #OuitièmeBelge

Une réunion pour un projet plein de bonnes idées mais dont la mise en place est claquée au sol. Sauf que le mec qui a lancé l'idée est tellement positif, plein d'envies et ok pour simplifier tout ce qui peut l'être que... finalement, ça fait du bien au baromètre professionnel de passer une heure avec lui, dites donc. On a même réussi à ne pas dire du mal de...

Mes collègues, leurs rires, leur drôlerie, notre complicité, l'amitié qui s'est fabriquée derrière notre proximité professionnelle. Les consolations à la jolie A. qui s'inquiète pour son grand bébé malade et à qui ça fait du bien, je crois, les hugs et les confidences croisées avec Cougarillon, jamais radin sur ces sujets, les malices de Garan "la choute", les rigolades à peines déguisées avec Elo pendant une réunion très sérieuse et nos babillages subséquents [1]. Je ne sais pas ce que nous deviendrons quand nos prochaines étapes pro nous auront éparpillés façon puzzle. Mais en ce moment, c'est là, et c'est de la bonne[2].

Un retour qui aurait dû être apocalyptique et qui a été moins pire. Ces moments où Saint-Lazare se transforme en épicentre du chaos, où on se piétine pour monter dans un train qui ne part pas, plein à craquer. Qu'une voix annonce que le train d'après est sur une autre voie (oui, ça fait beaucoup de voi). Où ma voisine se lève, pensant comme nous tous qu'on nous demande insidieusement de changer de train, m'escalade à moitié. Où je lui dis : "je vais y aller aussi, madame, juste, là, ça ne bouge pas, ça ne sert à rien". Et puis miracle, notre train démarre. Plein, avec dix minutes de retard, mais il démarre. A ma voisine rassise qui se plaint que c'est moche et qu'on est fatigués, je réponds que je suis presque sûre qu'ils ne le font pas exprès et qu'ils sont aussi embêtés que nous, elle me répond très malicieusement "vous croyez?". Eclats de rire. On en profite pour daronner le type d'en face dont les yeux pétillent de rire et de fièvre derrière son masque. J'adore ces micro liens impromptus qui se créent entre inconnus. Ca dure quelques secondes, quelques minutes au mieux, ça ne dit rien sur la compatibilité humaine que vous auriez avec la personne en question, mais on y fabrique des souvenirs et sourires qui durent parfois.

Toujours dans le train, éclats de rire à lire des chroniques d'Alexandre Vialatte. Ce type, il écrivait comme j'aime. Les fêlures profondes derrière l'esprit vif. De l'usage créatif du langage et de la pensée en veux tu, en voilà. C'est pratiquement contractuel dans ma famille paternelle d'aimer Vialatte pour des raisons de : Clermont-Ferrand (en plus de son mérite personnel). Mais même si je n'avais pas signé de mon sang, il aurait fait partie de ma liste des inévitables. C'est tellement saugrenu, bien écrit, vivant, drôle et pile au moment où tu ne t'y attends pas, un bout de phrase qui te crucifie d'exactitude. Il devrait y avoir plus d'hommes comme Alexandre Vialatte dans le monde. Ca rendrait la vie plus supportable. Excitante. Vibrante. Rage au cœur et rire aux lèvres, vous voyez l'ambiance. Notons bien que je n'ai pas dit qu'elle serait plus reposante, la vie. Mais au point où j'en suis...

Enfin, retour à la maison et les accueils enthousiastes du zoo : animaux, enfants. Les uns vraiment contents de me raconter leurs journées (les animaux), les autres plus inégaux dans ce domaine, mais tous pleins d'amour visible à l'œil nu. Je ne sais pas si on savoure jamais assez le fait de se savoir aimé(e) par nos enfants et bestioles. (Par d'autres aussi, mais ça devient vite plus compliqué).

Et puis, toute la journée, des pensées régulières pour ce truc bizarre qui vit dans un coin de ma jungle intérieure. Je surveille du coin de l'œil parce que ces machins, ils sont parfois du genre à pousser, grimper, s'accrocher aux murs, ruiner votre toiture et vous ravager l'âme au passage faute d'une attention suffisante. Mais pas là, ou pas encore. Alors je prends : la beauté de la contemplation de cette chose étrange qui fait du bien. Comme une plante qui n'aurait jamais dû se trouver là, même pas sûre que ça soit autorisé par l'académie de botanique. Il se trouve qu'elle s'est enracinée à ma surprise constamment renouvelée et a l'air parfaitement à son aise. Ca fait du bien à regarder, beaucoup, alors tant que ça va, ça va.

Notes

[1] ce n'est pas un gros mot, vous pouvez vérifier

[2] Il est temps de vous avouer que je me contrefous de l'usage qui recommande de ne pas mettre de virgule avant et. Je fais ce que je veux si je trouve que ça swingue mieux, un point c'est tout. D'ailleurs je mets aussi des Et après des points et balek.