La vie et toutes ces sortes de choses

mercredi 2 octobre 2024

Encore des mots

Dans ma famille, il y a les bavards (côté paternel) et les taiseux (côté maternel).

Je suis du côté des bavards. Pour des raisons d'ADN, d'abord, on aime jouer avec les idées, les mots, essayer d'aller aussi vite que nos pensées. Ca s'assortit en général d'un débit élevé et d'une élocution parfois... mettons approximative (certains mangent leurs mots, moi je les inverse, mélange, fusionne).

Mais aussi, pendant que je parle, je vous enfume. Je vous empêche de voir que je ne dis pas l'essentiel.

Jamais. Ou presque jamais et vraiment, vraiment pas à tout le monde.

D'ailleurs, rions un peu, quand je le dis, souvent, je l'écris. Zéro décibel.

Ca va peut-être vous étonner mais j'adore aussi ne pas parler. Dans ma nouvelle tranche de vie la parole cesse quand les enfants disparaissent et ça fait un bien fou. Je peux ne parler à personne pendant quelques heures, voire jours, sans que ça me gêne plus que ça.

Avec les gens, c'est plus compliqué, il faut une sacrée dose d'intimité pour bien se taire ensemble. Ou bien assumer les silences, et je ne sais pas le faire avec tout le monde. A part les gens avec qui on vit (et si vous connaissez mes enfants, vous savez que je suis une carpe, en comparaison), ça n'est pas si simple d'être bien, ensemble, sans paroles ou très peu.

A part quelques très proches et mes taiseux préférés, avec qui je sais que ça ira, ça n'est pas très fréquent, en tout cas pas autour de moi. Je connais quelqu'un avec qui je pense j'aimerais me taire autant que j'aime lui parler. Mais bon, quand on se voit, le temps d'échanger nouvelles, pensées, rires, ce que, je crois on aime faire aussi, il est temps de retourner au cours de la vie. Au temps pour le silence.

mercredi 25 septembre 2024

Adidja me fait la leçon

J'ai longuement réfléchi à faire sauter cette ligne de dépense quand il a fallu faire le budget avec mes seuls revenus pour nourrir trois personnes (dont deux n'ont pas peur d'avoir faim et des goûts de luxe, si vous voyez ce que je veux dire). Il se trouve que mon employeur finance un petit millier d'euros par an de CESU, qu'en réduisant la prestation à deux heures par semaine tout en tenant compte de l'avantage fiscal inhérent à l'emploi d'une personne à domicile, ça me coûtera, à terme, moins cher de la garder que de la supprimer (oui c'est un calcul étrange, holistique mais tout à fait véridique, reste à définir ce qu'on appelle coût).

Bref, nous avons toujours la douce visite de la femme de ménage. L'agence qui se charge de toute la partie recrutement-planification-administration galère ces derniers temps, évidemment que personne n'a envie de faire ce métier difficile, et puis entre celle qui fait demi tour sur mon palier parce qu'elle est allergique aux chats, celle qui est en arrêt maladie depuis son recrutement... on a passé du temps à trouver la perle.

Puis est venue Adidja. On m'avait prévenue : elle est maniaque. Je suis en mesure de confirmer ce point.

Adidja est tout près de la retraite, un an ou deux, il lui manque quelques trimestres. Elle me dit que très rares sont ses clients qui l'accueillent avec un grand sourire et lui demandent comment elle va (humanité, que je te hais, parfois). Elle est capable de donner une demi-heure de son temps parce que prendre soin des autres, c'est le sens de sa vie.

Adidja me terrorise.

Après m'avoir forcée à changer la batterie de mon aspirateur (neuf) pour une plus puissante et acheter SON embout préféré, elle est entrée dans un chantier de rédemption de mon appartement. Elle me fait la morale (en agitant le bout de l'index, comme il se doit) parce qu'il y a de la poussière derrière mes meubles.

No shit. Combien d'entre vous déplacent leurs meubles régulièrement (les lourds, les massifs, les chargés de bouquins) pour faire la poussière derrière Dénoncez-vous, immédiatement, que je sache si c'est moi l'horrible sansougne ou elle l'obsédée du mouton ?

Elle a nettoyé les appuis extérieurs de mes fenêtres.

La. partie. qui. est. dehors.

Elle me gronde parce qu'il y a une tache sur le meuble de la salle de bains ou une autre sur un mur, et que quand je partirai je devrai remettre en état. A ce jour, je n'ai pas osé lui dire que je suis propriétaire de cette appartement et tristement consciente du boulot pour le remettre à neuf mais que hey. Mon problème pour plus tard.

L'arbre à chat n'a plus le moindre poil de chat visible (j'ignorais même que ce miracle était possible).

Adidja a pour moi une sorte de tendresse maternelle. Elle sait que je suis seule avec les enfants et a envie de me faciliter la vie. Mais je la soupçonne de penser qu'une vraie femme devrait savoir mieux prendre soin de son intérieur et de tenter d'amorcer ma rédemption.

Celles et ceux qui sont venu(e)s chez moi, c'est le moment de me dire : c'était vraiment si horrible ?? J'aime quand c'est rangé, et qu'on peut poser la main ou les pieds nus sans que ça reste collé, mais j'avoue, je ne m'allonge pas par terre toutes les semaines pour lessiver sous et derrière la gazinière...

J'aime Adidja, qui daronne l'agence et moi avec un aplomb magistral, décide de tout, mais apporte une touche bien à elle en plus de fabriquer du propre (parfois dans des endroits jugés non prioritaires par moi mais bon, après tout je suis chez elle. Oh wait, non !). J'aime sentir quand elle est passée le plaisir qu'elle a à m'accompagner dans la vie.

vendredi 20 septembre 2024

Le privilège de l'âge

L'âge est un sujet de conversation qui passionne les foules. On est toujours trop vieux ou trop jeune pour : quelque chose, les autres, faire bien, faire mal, être à temps, en profiter, dire au revoir.

J'observe mon entourage avec gourmandise. Les gamins pressés, intenses, brûlant d'en découdre. Les à peine trentenaires qui se plaignent que c'est plus pareil, qu'ils ont mal, qu'ils sont raides. Celles et ceux qui virent quadra et qui ne s'en remettent pas, qui ont l'impression que leur heure a sonné, qu'ils sont périmés. Les plus vieux aussi. Ceux qui sont tellement eux, depuis toujours que les rides et défaites du corps ne changent rien. Ceux qui glissent dangereusement vite sur une mauvaise pente et ne s'en rendent pas compte (ou refusent cette idée avec violence)

Et moi ? Jusqu'à présent, je trouve que vieillir est un signe de santé suffisamment bonne pour en être arrivée là.

Je regrette un peu d'avoir détesté tant mon corps quand il était encore vigoureux et plein de promesses, curieusement celui de maintenant, je suis plus en paix avec.

J'éprouve une grande joie à savoir qui je suis, ce que je veux, ce que je ne veux plus. Je me sens tellement plus libre d'être, dans ma tête, dans mon cœur. Je ne me sens plus obligée de suivre un chemin qui n'est pas le mien ; l'économie à part, les enfants ayant faim trois fois par jour. Ce matin, en allant de mon bureau de la maison à la cuisine, j'ai souri en direction du soleil qui se levait et faisait une lumière dorée dans mon salon. Sereinement, paisiblement, entièrement heureuse d'être là au bon moment pour la voir.

A quelques détails près, j'aime beaucoup ma vie maintenant. Je me glisse sous la couette, le soir, heureuse.

De ma liberté. De traverser cette période houleuse et difficile sans lâcher le cap, sans oublier de savourer tout ce que j'ai trouvé de bon sur le chemin. Comment dire ça sans sembler ridicule (bon, en même temps, je m'en fous), mais dans mon coin de banlieue pas classe, dans mon appart pas incroyablement beau, je suis bien, je suis à ma place. Mes derniers regards de la journée sont pour Paloma la superbe (plante verte) et mes bouquins, les chats vibrent sur mes pieds, les enfants vont bien, ils sont juste à côté, on a ri, encore. Quels millions achèteraient ça mieux que ça ? Combien de temps ça m'a pris pour savoir que ça valait l'infini, cette vie banale et unique ?

J'aime cette façon qu'on a, aussi, en vieillissant, de ne pas vraiment changer, au contraire, de se retrouver un peu, tout en découvrant sur soi des choses qui apaisent.

Cette année, j'ai commencé à apercevoir une forme de sérénité. De joie profonde à savourer ce qui est et que personne ne peut me retirer. Une faculté qui émerge à arrêter de me blesser moi même, aussi. Il y aura des remerciements à donner ; le chemin, ses obstacles et les gens sur la route n'y ont pas été pour rien.

Et oui il y aura d'autres moments difficiles, non je ne suis pas encore sortie du trou, mais il y a ça, cette dimension nouvelle que je savoure et qui me console de bien des choses.

lundi 9 septembre 2024

Hand in my empty pocket

J'ai grandi dans le confort d'une maison de petite bourgeoisie. On avait ce qu'il nous fallait et le petit peu plus qui permettait les loisirs et quelques plaisirs sans réfléchir. Pas assez pour ne pas avoir à compter. On ne parlait pas d'argent aux enfants sauf quand ils grandissaient et qu'il fallait leur en apprendre la valeur.

C'est ainsi que dans un grand élan de pédagogie, mon père m'a attribué une somme mensuelle basée sur mes besoins, pour laquelle je devais, si je voulais l'augmenter, argumenter et négocier (une seule ouverture annuelle des discussions était possible).

Sauf que, comment tu dis d'une main "on ne parle pas d'argent, c'est vulgaire" et de l'autre "argumente tes besoins" ? Et puis, vous l'aurez deviné, devoir expliquer ce que je faisais avec mes sous et discuter le bout de gras, c'était pas mon truc. D'ailleurs ça m'a duré longtemps, j'ai cru naïvement pendant de longues années que mon mérite, s'il existait, serait naturellement reconnu, au boulot. Ahaha. Fin de la blague.

C'est ainsi que j'ai survécu à l'université avec le trésor clinquant de 500 balles (de francs, 75 euros de maintenant) tous les mois pour payer mes transports, ma bouffe, mes loisirs. Et mes clopes. Sauf que le budget clopes n'était pas déclaré aux autorités financeuses, et même si à l'époque le paquet devait coûter moins de 2 euros (pleurez, fumeurs modernes !), ça venait sacrément taper dans le pécule.

Bref, j'ai passé mes années fac à me nourrir d'un café avec deux sucres le midi et à gruger le bus pour pouvoir financer mon vice. A se débrouiller entre potes pour quelques plans immanquables, à servir des pintes pendant quelques heures dans un pub irlandais pour financer les miennes.

J'ai pris 25 kilos ; la pédagogie, c'est vraiment utile que si on ne s'en sert pas.

Et on se demande pourquoi ça m'a frappée comme si c'était moi qui la chantais, cette chanson.

dimanche 1 septembre 2024

Comme de la merde

J'avais trois gros chantiers cette année. Les deux premiers sont, à l'heure où j'écris ces lignes, gérés, derrière nous. Pas si mal en huit mois, finalement, non ? Sauf que. Le troisième résiste et pour le dire aussi clairement que je le peux : c'est l'enfer. Ca fait 11 ans que je me traîne le japonais comme un coloc' plus ou moins gérable. Ne nous mentons pas, si "chronique" comme dans maladie chronique commence par ch, exactement comme le mot chiant, ça n'est pas un hasard.

Donc après du mieux il y a eu du pire. On peut résumer les choses ainsi : depuis novembre dernier, il a dû y avoir deux petits mois (en plusieurs morceaux) où j'avais l'impression de tenir le bon bout. Le reste du temps c'est la lutte. Quand le sommeil revient je m'en réveille pas plus reposée qu'en y cédant. Le reste du temps, j'ai l'occasion de voir de très beaux levers de soleils tôtifs, ou des nuits sombres.

Lever de soleil, août 2024

J'en ai parlé parfois, ça n'a RIEN à voir avec le manque de sommeil d'une semaine de fête. Ni même des premiers mois d'un nourrisson non dormeur. C'est un truc écrasant qui vous vrille le cerveau. Enfin je crois qu'il y a assez de maladies qui génèrent de la fatigue pour me dire qu'entre toutes celles-là, j'ai de la chance de vivre avec mon japonais, plutôt qu'un autre. Mais quand même.

Je tiens parce que je ne peux pas m'écrouler.

Je tiens à coup de fake it until you make it. Je tiens parce que j'ai les gènes de ma mère.

Je ne sais pas si on meurt d'hypothyroïdie, mais je ne serai pas surprise qu'il y ait des gens qui se soient fait sauter le caisson à force des idées de merde qui tournent dans la tête à force de fatigue aiguë.

Donc voilà. J'ai de la merde dans la tête en permanence et ça me prend une énergie de dingue de lui résister. Je dis de la merde, je fais de la merde. Je suis sûre que j'ai laissé passer plein de trucs chez les gens que j'aime parce la plupart du temps, je suis hallucinée de fatigue.

Ok, le fait de chercher à être plus têtue que la maladie et de battre le pavé pour passer de bons moments n'aide pas. En fait si, ça aide, mais pas complètement.

Je ne sais pas demander de l'aide, je l'ai déjà dit[1]. Et puis je ne sais pas bien de quelle aide je pourrais avoir besoin : on va encore tâtonner jusqu'à trouver le bon dosage. 4 à 6 semaine à chaque fois pour avoir une idée, parfois provisoire, de ce qui marche ou pas. Espérons que la prochaine sera la bonne.

Mais de l'aide qui ne soit pas médicale ? Aucune idée.

J'ai juste hâte de ne pas me sentir comme une merde pendant plus de deux ou trois semaines. En attendant, je remets mon poker face, pour ne pas faire flipper les enfants, pour ne pas "déranger".

Et si j'ai fait de la merde avec vous, je vous prie de bien vouloir m'en excuser. Il y a des années où je suis pire que d'autres.

Note

[1] Et quand par miracle, je le fais, je me dis que la personne a bien assez donné pour que je l'emmerde encore, donc, bon.