lundi 18 décembre 2023
L'exacte densité d'une présence
Vous vous souvenez de quoi, vous, quand vous pensez à quelqu'un ? Quelqu'un que vous avez déjà rencontré, bien sûr, bande de petits jeunes utilisateurs de l'internet du diable. Y en a qui se causent 20 ans sans réussir à se croiser, je le sais de source sûre. Non, vieille école. En chair et en os et toutes ces sortes de choses.
Il y a des gens qui ont une mémoire des parfums, des voix. Des mots, exactement mémorisés. Moi, souvent, c'est le regard qui revient en premier. Le sourire, aussi. Une espèce d'énergie personnelle, comme une signature.
Il m'est arrivé un truc étrange, cette année. De quelqu'un que j'ai rencontré, j'ai gardé la mémoire de l'exacte densité de sa présence. J'ai pas trouvé mieux que ça comme définition, mais vous savez, il y a des gens qui ont une présence gesticulante, qui prennent toute la place, d'autres qui sont presque invisibles. Là il y avait une sorte d'incarnation du fait de se trouver au bon endroit, au bon moment et de s'y trouver bien. Je pourrais me tourner et avoir l'impression que cette personne est assise à côté de moi, avec la même manière de s'assoir, de se tourner vers ses interlocuteurs. Etonnant. Inédit. Bizarre. J'ai aussi, en surimpression par rapport au reste, son regard, sa voix et un truc presque impalpable d'ambiance qu'il serait impossible de vous raconter ici sans devoir vous tuer, un par un, après.
(Non. Je rigole. Mais vous croyez vraiment que je vous raconte TOUT, bande de petits curieux ?)
Je ne sais pas ce que ça dit, tout ça, si ce n'est que j'ai mis un peu de temps à m'en rendre compte complètement et que parfois, le hasard fait très bien les choses.
J'allais faire le clown avec Paul Eluard à qui on attribue, de façon je le crains un peu incertaine, une citation sur le hasard, mais comme je suis tombée sur ce poème que j'avais oublié et qui va bien avec mon ambiance intérieure à l'heure où j'écris, il fera office de belle conclusion[1] :
La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler,
faim à satisfaire,
un cœur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie : la vie à se partager.
("La nuit n'est jamais complète", dans le recueil "Derniers poèmes d'amour" qui, dans ma mémoire, est une mine d'or de petites pépites palpitantes).
Note
[1] Oui, c'est foutraque et décousu. C'est la vie, parfois.