Quand la vie offre de toutes petites, toutes simples gourmandises, sans que vous ayez fait autre chose que d'être là, il faut se laisser faire, ne pas hésiter ou compliquer les choses, accepter, curiosité et cœur grand ouverts !
J'étais un peu circonspecte sur cette semaine de télétravail avant mes congés. Entendons-nous bien : j'aime le télétravail. Mais j'aime aussi voir des humains, de préférence amicaux, or, cette semaine, je suis absolument seule (enfin !) à la maison, hors la présence de mes deux félins habituels. Petit goût de retour du confinement et pas complètement certaine d'y faire face avec contentement en continu.
Je l'ai commencée par un petit déj au lit, à bouquiner avant l'heure de se mettre au boulot. Je vois très bien comment la vie est faite pour que ces moments soient littéralement impossibles, la plupart du temps, j'y ai trouvé beaucoup de douceur à vivre, moins photogénique mais tout aussi agréable que mes cafés-rooftop.
Au bout de ma journée de travail, plutôt calme, d'ailleurs, pour la première fois depuis des années j'ai une sensation de ralentissement estival (est-ce que tout le monde a pris ses vacances pour esquiver les JO ?), j'ai enflié des sandales pour descendre aux encombrants un gros carton. J'en ai profité pour attraper un livre, un éventail et me voilà partie pour une fière épopée : le square en bas de chez moi.
Il est ombragé par quelques acacias aussi vieux que moi, et quelques-uns plus jeunes mais déjà touffus et larges. Il fait chaud, un peu lourd mais pas au point de ruisseler sans rien faire ; me voilà vite installée sur un "piano"[].
J'ai choisi celui qui est le plus près du tout nouveau bateau pirate - aire de jeux, afin d'admirer d'un peu près ce nouvel eldorado enfantin. Sûr qu'il m'aurait plu, si j'avais encore l'âge d'y jouer, alors ne boudons pas notre plaisir et mettons-nous à portée de la joyeuse contagion enfantine.
Je lis un peu, mais suis vite distraite par une antique vieille dame, qui en salue une autre, elle, installée à l'intérieur de l'enclos qui entoure le bateau, et qui dirige à la voix les quelques enfants dont elle a la charge.
La vieille entreprend la moins vieille et les voici à se raconter des histoires de vols de chariots dans notre Leclerc local. Depuis des années, il est interdit, pour éviter les vols, d'entrer dans les rayons avec les chariots de courses, que nous stockons où nous pouvons près des caisses. Et voilà qu'effarée, je découvre qu'il existe un trafic de chariots ![]. Les bras m'en tombent carrément quand j'apprends que l'une des coupables démasquées est une autre vieille, qui vit deux entrées avant moi dans mon immeuble. D'après le récit de Renée (la vieille qui raconte, suivez, un peu), la dame aurait avoué son méfait d'un laconique "j'en avais plus, le mien était cassé, alors j'en ai pris un". Un tel culot me laisse estomaquée. On a plus les vieux qu'on avait, bande de délinquants gériatriques. Renée ponctue son récit indigné de "elle est costaud, là" dont l'accent non identifié (par moi) signe une naissance un peu loin de Paris... mais où ? Les a bien fermés m'évoquent un gros quart Nord-est, mais où ?
Bref, la mère de famille qui suivait avec attention le récit du vol enchaîne en expliquant qu'elle s'est fait échanger son propre chariot, neuf, pour un similaire mais beaucoup plus ancien. Elle l'a en travers de la gorge, ce qui ne l'empêche pas d'offrir un thé à la menthe à Renée... et à moi. Je suppose que j'étais si près qu'elle aurait trouvé impoli de ne pas m'en proposer, ou alors c'est une perle de gentillesse, à défaut de me compliquer la vie à chercher la réponse attendue, j'ai accepté, avec raison, il était délicieux. Renée découvre (est-ce possible ?) la magie du thermos et du thé chaud comme s'il venait d'être fait. Je souris, in petto.
Renée est vite entourée d'une bande de dames du quartier, de jeunes mères à plus du tout jeunes camarades. Elle m'a l'air d'être une star du quartier dont j'ignorais l'existence. Pourtant pas loin de 20 ans que j'y vis, mais nous sommes nombreux et les horaires des différents flux sont d'une précision redoutable, il est facile de s'y louper.
Impossible de continuer à lire ; j'ai envie d'écrire ce billet. J'y joins quelques photos prises sur place : le grand immeuble est celui que vous verrez, peut-être, dans des plans larges à l'occasion des matchs de hockey sur gazon olympiens. J'habite celui beaucoup plus bas qu'on aperçoit devant, ainsi que la redoutable voleuse de chariots. Si vous voulez tout savoir, elle vit du côté bleu et mes fenêtres sont hors cadre, un peu plus à gauche. Vous voilà bien avancés. J'ai de la bière au frais, si vous voulez vous rendre compte sur place !
J'ai aimé cette journée. Rien de fou, rien de grand, rien de très mémorable. Mais du bonheur simple à saisir pour qui sait s'y rendre disponible.