Le métier de porteur n'existe plus vraiment. A part peut-être les sherpas, bien sûr, mais ils sont, rapportés à la somme globale des porteurs d'autrefois, fort peu nombreux. Et tant mieux : si on trouve comment faire porter des charges lourdes par d'autres que des humains (et des animaux, tant qu'à faire), c'est toujours ça de pris. Enfin ça dépend à quel prix et ce qu'on entend déplacer mais ça n'est pas l'objet de ce billet.

Curieusement, le métier de livreur, lui, est en pleine explosion, rapport au commerce en ligne, notamment, mais a aussi changé de nature.

(Disclaimer, j'ai une immense compassion pour les livreurs et livreuses qui font un travail ingrat dans des conditions et cadences difficiles. C'est, globalement, un métier qu'on fait parce qu'on ne peut pas en faire un autre, moins fatigant, plus gratifiant. Et vraiment, je leur suis reconnaissante).

Avant, un livreur, de même qu'une livreuse, prenaient en charge un paquet à un point A pour l'emporter à un point B. On estimait leur travail accompli quand le colis était au point B, aux bons soins de son destinataire, et la messe était à peu près dite.

De nos jours, le rôle du livreur se rapproche plutôt du promeneur de chiens. Il prend bien en charge un colis et le promène, de son point de départ (A) aux alentours de son point de livraison (B). Attention, il y a un piège, on parle bien des alentours, pas du point B lui-même.

Une fois aux alentours, une nouvelle étape intervient, au cours de laquelle ils peuvent :

- décider que le point B n'existe que dans une réalité alternative et repartir promener votre colis, ailleurs.
- jouer. Indiquer que l'endroit était inaccessible, que vous n'étiez pas là, que si ce n'est lui, c'est donc son frère et autres prétextes plus ou moins heureux. Il "avise" et nous voilà en immersion dans l'enfer des emails automatisés qui racontent à peu près tout sauf ce qui s'est passé et comment vous allez récupérer votre colis.
- ne pas exister. Littéralement. Un transporteur néerlandais très connu a, par exemple, décrété que personne ne viendrait jamais dans mon quartier. L'expéditeur lui confie donc un colis qui arrive au centre de Saint-Ouen, y passe quelques jours sous des prétextes fallacieux tels que "contrôles de sécurité supplémentaires" (ça veut dire : même pas en rêve j'envoie mon camion chez toi) puis le retourne à l'expéditeur.
- vous demander de descendre chercher votre colis, quelle que soit sa taille, quel que soit son poids. J'en ai eu un la semaine dernière qui m'a livré dix kilos de croquettes et en me voyant sortir de l'ascenseur, m'a proposé de me le monter. Lol.
- le confier à un quidam plus ou moins de confiance. Puis assurer mordicus qu'il l'a remis en main propre. Juste : pas à vous.
- tenter de le faire rentrer dans votre boîte aux lettres. Quoi qu'il en coûte. Alors que vous l'attendez, porte ouverte et dignité couverte à la hâte, quelques étages plus haut.

C'est uniquement la conscience de la pression subie, de la précarisation de ce métier, aussi grande que sa pénibilité, qui m'empêche de demander un moratoire pour le renommer en "promeneur(se) de colis".

Un sac de cacao à l'usine de la chocolaterie Ethicable à Fleurance dans le Gers, si vous voulez tout savoir.

Commentaires

1. Le mardi 16 septembre 2025, 08:34 par Valérie de Haute Savoie

C'est tellement mais tellement ça 😂

2. Le mardi 16 septembre 2025, 10:18 par Sacrip'Anne

Valérie ça devient un job à plein temps de récupérer ses colis !

3. Le mardi 16 septembre 2025, 14:30 par Nina

Mon jardin étant (était) ouvert, les livreurs cachaient les cartons. A moi de découvrir où !!

4. Le mardi 16 septembre 2025, 15:21 par Sacrip'Anne

Nina c'est Pâques tous les jours, youpi ! (Mais si il pleut ?)

5. Le mardi 16 septembre 2025, 22:20 par Orpheus

De guerre lasse, et de temps perdu en discussion stérile avec La Poste, j’ai carrément arrêté de me faire livrer chez moi à Paris. Soit ça n’arrivait pas, soit ça disparaissait. Donc livraison chez mon mec, mon père ou relais colis. Fatchigue…

6. Le mercredi 17 septembre 2025, 10:50 par Sacrip'Anne

Orpheus j'ai l'immense chance d'avoir un gardien qui chope les colis (principalement des gens qu'il aime bien). Et une conciergerie au bureau donc pour les colis donc pour les commandes dont je sais qu'elles vont être acheminées par celui dont le nom commence par U et finit par S ==> bureau. Faut bien que ça serve à quelque chose.

7. Le jeudi 18 septembre 2025, 10:59 par Gilda

On peut aussi se dire Qu'à cela ne tienne je vais demander la livraison dans une pick-up station ou un relais-colis. On en choisit avec discernement un pas trop loin du domicile ou du travail, avec des horaires compatibles avec ce dernier. Mais ô surprise le jour dit apparaît un message "Votre colis est disponible au relais xxxx" lequel est :
1/ Souvent juste un peu plus loin mais parfois pas tout près
2/ Avec des horaires réduits pas du tout ton-boulot compatible.
3/ Parfois tenus par des types louches qui s'efforcent à la courtoisie (surtout quand tu es une vieille daronne à cheveux gris) mais dont tu perçois très fort que leur gagne-pain principal est ailleurs et les colis une couverture.
4/ D'ailleurs parfois tu te retrouves à aller chercher ton colis en pleine zone de deal, là où les écoles ferment pour aller plus loin tellement ça craint.
Et vous avez trois jours pour le récupérer sinon il repart.
Dans certains cas vous n'avez personne qui peut aller le récupérer à votre place ou c'est possible mais très délicat (par exemple la personne à laquelle vous vouliez faire une surprise pour son anniversaire).
Donc oui, je comprends parfaitement le fond de ce billet.

8. Le jeudi 18 septembre 2025, 11:04 par Gilda

PS : Le tracas avec la solution du "faire livrer au boulot" : quand le boulot est loin, le colis un peu encombrant ou lourd, et que tu n'as pas forcément envie que tous tes collègues soient au courant de tes achats.
Et aussi : le cas de la pick-up station où avec le code indiqué c'est un autre colis que l'on récupère. Un jour j'attendais un livre d'occasion j'ai récupéré un vêtement, rien n'avait à voir avec rien (pas du tout le même expéditeur).

9. Le jeudi 18 septembre 2025, 14:42 par Sacrip'Anne

Gilda je suis violemment contre les relais colis : si je voulais aller à 10 kms, je n'aurai pas commandé en ligne !!! D'habitude le gardien prend mais là j'ai un truc qui doit arriver, depuis deux jours "oups on n'a pas réussi à livrer". Or, je suis en télétravail, le gardien n'est pas en grève, personne n'a appelé, sonné, on parie qu'il va repartir comme il n'est probablement jamais venu, le colis ?

Au bureau ils nous mettent ça dans des casiers dans les parties communes, tu n'es pas obligée de déballer devant les collègues (enfin mes bottes motards doc, tu penses bien que j'ai frimé avec). Mais oui, et les surprises, et le temps passé ?

Mais tu sais ce qui m'énerve le plus ? C'est que nos immenses agacements nous cachent le fait que bien souvent, les jeunes gars qui s'y collent savent à peine lire. Ils ont sans doute juste assez d'alphabet pour avoir traficoté pendant une courte scolarité, passé le permis.... et donc sont non seulement précaires mais fragiles de ça. Va lire un plan quand ton GPS tombe en panne, les noms des rues, etc. Et vraiment, je l'ai remarqué souvent. Et au lieu de se demander ce qu'on fait pour ces gosses, ou pas si gosses, on leur met la pression à nous envoyer des demandes d'évaluation à peine le colis entre les mains, à leur filer des cadences horribles. Bref. Le monde est dégueu.

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