Il m'a fallu 35 ans pour comprendre pourquoi j'étais violemment heurtée par l'injustice alors que ça faisait à peine soulever une épaule à la plupart des gens. Encore quelques-unes de plus pour comprendre que notre moteur à émotions ne tournait pas au même régime. Il paraît que c'est spectaculaire, vu de l'extérieur. Mon normal étant mon normal, ça ne l'est pas de l'intérieur. C'est comme ça que je vis, depuis toujours.
Avec une grosse dose d'honnêteté vis-à-vis de moi. Ça ne m'a pas empêchée de me planter dans les grandes largeurs, et de me raconter des conneries pour que cette erreur soit tenable... jusqu'à ce qu'elle ne le soit plus.
J'ai envie que mes personnes préférées se sentent, à mes côtés, autorisées à être qui elles sont. Sans mensonges, sans peurs.
Je crois que c'est plutôt réussi du point de vue de mes enfants. Dommage, c'est maintenant que je doute : ai-je bien fait ? Ne vont-ils pas se faire démonter la tête par le monde ? J'espère que non, j'espère que je les ai aidés à construire des fondations solides sur lesquelles ils construiront leur liberté d'être, de penser, de sentir, toute leur vie.
J'ai espéré être une amie à qui on peut dire "ça ne va pas" sans honte. Une amie qui nomme quand c'est nécessaire et ferme sa gueule quand elle peut. Au sens de : ne pas expliquer aux autres comment ils devraient vivre leur vie. Vouloir leur montrer, à tout prix, ce qu'ils sont assez grands et intelligents pour voir. Quand ils voudront / pourront. À part s'ils demandent.
Je crois profondément qu'il est indispensable d'aller vraiment mal, parfois, et de le sentir passer pour être un humain fonctionnel (je ne parle pas de pathologies, je parle de savoir la vie, ce qu'elle coûte et ce qu'elle offre).
À voir le nombre de mes amis qui me prennent pour une cinglée à cause de ce que je lis ou vais voir ou accepte de ressentir, c'est un échec partiel. À voir le nombre d'entre eux, qui, avec les meilleures intentions du monde, m'expliquent ce que je ne vois pas et qui va me faire mal, en ne réalisant même pas à quel point ils nourrissent ma Bavarde et m'ajoutent du boulot de résistance à l'autosabotage, c'est un échec aussi. Et vraiment, vraiment, je ne doute pas de leur bienveillance à mon égard. Juste, ils font par rapport à eux et pas par rapport à moi. On aime comme on peut.
Ne parlons pas trop de vie amoureuse. J'aurais adoré qu'un homme se sente libre d'être un être sensible à mes côtés. De sentir pleinement, intensément, sans que ça lui enlève quoi que ce soit. Un homme qui vienne me rencontrer et se rencontrer en même temps, d'une certaine façon. Et pour qui mes émotions sont un cadeau et pas un fardeau.
Bon.
Les gens sont terrorisés par les émotions.
J'ai renoncé à pouvoir être auprès d'autres celle qui vit sans se cacher. C'est un énorme échec pour moi. Balek. La vie.
Je ne peux pas réécrire mon chemin, ni celui de ceux qui ont croisé ma vie. Elle est insignifiante, ma vie, la même que celle de bien des gens. Je croyais avoir cette richesse à offrir comme une singularité... loupé. Je tiens plus de l'épouvantail que du miroir aimant, faut croire. C'est ainsi.
Je n'en reste pas moins agacée (euphémisme gentillet) par le discours ambiant sur la sensibilité, la gestion des émotions, blablabla. Bien sûr qu'on ne peut pas se rouler par terre en hululant ses pleurs passé un âge somme tout assez jeune. Bien sûr qu'il faut laisser de la place à toutes et tous.
Mais aussi : nos émotions sont ce qui fait de nous des humains, uniques, sensibles, accessibles à la nuance, à la quête d'une forme d'équilibre entre grands et petits bonheurs, grands et petits malheurs. Alors oui, on peut avoir peur. On peut se terrer dans un coin confortable et attendre que ça passe.
Que ça plaise ou non, ça ne sera jamais mon choix.
Je ne l'impose à personne, je ne vois pas au nom de quoi je rassurerais le monde en adoptant les leurs.

Commentaires
Je suis une grande 'taiseuse' mais ma Cassandre intérieure me casse royalement les pieds !
Je voudrais juste mettre un cœur, un "like" en gros, parce que j'ai aimé ce billet pour plein de raisons que je n'ai pas envie d'étaler. Alors voilà : ♥
Ô mesdames ! ils vous en reste des "choses" à vivre, je vois très bien la fin de mon tunnel , c'est la vie , ma vie!
Profitez !
Nina c'est assez contre-intuitif chez moi parce que je suis bavarde mais j'aime le silence et la solitude, particulièrement quand ça ne va pas super bien. En revanche, faire taire la Bavarde, j'y arrive, mais c'est encore un job.
Kalys coeur reçu. Merci.
la mume on fait de notre mieux. Je t'embrasse.
Je hais le mot “gestion” quand on parle d'émotions, comme si c'était comptable. Une émotion, je trouve que ça se vit, ça s'écoute, ça se partage, ça ne se gère pas. *hugs* si tu veux.
Ça se dit-gère, à la limite. (Pardon !)
Anna moi aussi. Ca et parler de la maturité des enfants sur ladite gestion : c'est, par définition, le job d'un enfant d'être immature. Et vu le futur qu'on leur propose, qu'ils en profitent. Merde (et hugs)
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