A peine sortie de la cave ce matin, premier check : ça glisse ou pas ?
Ça ne glisse pas. Ouf. Bonnet bien enfoncé, mitaines moufles refermées, premier tour de pédale, c'est parti dans la lueur des lampadaires de la rue.
C'est un peu journée sans voitures permanente, en ce moment, j'en profite pour esquiver mon rallongi tranquille de la maison de retraite et prendre le nouveau double sens cycliste[] qui va tout droit sous la voie ferrée. Avec ma grosse lampe, les rares voitures me voient bien et tout le monde (moi comprise) joue le jeu de ralentir et de se serrer sur le côté, ça passe crème. On se salue d'un merci souriant à chaque fois. En revanche quand le 235 passe, on ne se croise pas, fort heureusement c'était à hauteur pour moi d'un endroit où j'ai pu me tasser sans gêner.
Je passe sous la voie ferrée, je remonte le long du collège, arrive au bout de la rue pile pour le passage du feu au vert et traverser le boulevard de Valmy désert. Ce coin-là, déserté par les ados et les voitures, c'est étrange, ça vibre de silence, presque. Je me faufile entre les trous jusqu'au petit chemin qui borde l'A86. Même là c'est moins bruyant que d'habitude.
La traversée du carrefour pour rejoindre l'Ile Marante se fait au tintement joyeux des bonjours échangés avec une collègue cycliste et puis je passe la barrière anti 2RM et je me laisse glisser jusqu'à la Seine - enfin je m'arrête avant d'y être immergée :D
Petite montée pour se chauffer les cuisses et franchir la deuxième barrière qui m'attend grande ouverte (oh yeah). C'est le noir, la Seine brille, le silence est total. Il y a Popopop avec Stephan Eicher à côté de mes oreilles et je me prends à chanter "Tu ne me dois rien" à tue-tête. Ca doit faire marrer les piétons que je croise ou double de ci de là. Et les lapins et les rats qui traversent dans mon halo.
J'arrive au pont de Bezons, me dit "oh, déjà la moitié !"
Je lance un "Salut Bilook ! Bientôt ton tour !!" avant de passer dessous []. J'ai un peu froid aux cuisses et la flemme de m'arrêter pour mettre les rainlegs, bien chaud aux mains-pieds-tête, et c'est l'heure de passer sur le bout de chemin fraîchement refait. Ça roule tout doux, pas un trou, ça permet de prendre le temps d'admirer la lune qui décroît avant de passer sous les arbres pour la petite descente après la barrière ouverte (C'est un jour faste).
L'horizon commence à rosir un peu, la Seine qui s'écarte autour de l’île des Impressionnistes prend des teintes étranges, par endroit, ce reflet presque violacé qui n'est pas encore le jour.
Je roule tout tranquillou, d'abord parce qu'il fait froid et que ça pompe de la ressource, ensuite parce que je goûte tellement ce calme parfait et la douce régularité du pédalage que je ne suis pas pressée d'arriver.
Passage du chantier du RER, petite montée raide et gravillonneuse qui redescend tout de suite, c'est assez casse-gueule, j'y vais peinard. Dommage, c'est les vacances du chantier, pas de grue []sur la plateforme sur le fleuve.
Après ça file avec des zones aménagées, ça roule tout seul (d'autant qu'on a gentiment bouché deux des trois caniveaux, ce dont mon coccyx encore sensible est très reconnaissant). Y a juste à profiter du halo rose de l'horizon qui monte de plus en plus haut dans le ciel et de Stephan Eicher. Ravie de son intelligence, de sa gentillesse, de sa culture, de sa musique. Je rigole avec lui et Antoine de Caunes et il est déjà l'heure de la
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barrière fermée.
J'ai pas le jus pour pousser avec les pieds, je descends donc pour la franchir en pestant et en pensant à Gilda qui les trouve si malines. Crois-moi que le jour où je t'emmène je choisis un mercredi de juillet où elles sont toutes fermées, va, tu vas les trouver moins bien conçues !! :devil:
Là c'est mitigé. Je suis tout près de la Seine, peu d'arbres. Il y a de l'éclairage urbain donc on y voit pas mal, mais le revêtement est nettement plus rustique , ça a l'air de glissouiller un peu et c'est blanc craquant sur l'herbe au bord.
Trop tard pour faire demi tour, je suis aux trois quart de la route !
Le bon côté des choses c'est que la probabilité d'un freinage d'urgence est très très faible. Du coup j'y vais encore plus tranquille. Finalement ça passe très bien, j'ai même le temps de saluer ces feignasses de cygnes qui se réveillent à peine.
Franchissement de la bonne vieille barrière à l'ancienne et là j'arrête de vous vendre du rêve, on est au port de Nanterre et la population principale, c'est du camion.
A cette heure-ci ils sont, la plupart du temps, arrêtés, mais l'extrême prudence est de mise.
Fort heureusement, comme on est sur bout de route qui "coupe" la Paris-Londres, ils sont très habitués aux cyclistes, travailleurs ou randonneurs, et généralement hyper attentifs à la bonne cohabitation, mais il suffit d'une fois.
Hop je remonte jusqu'au croisement, hop à droite dans la rue de la fourrière. Ces deux rues sont défoncées par les engins lourds, on zigzag entre les trous, mais il y a de la place et peu de trafic, ce matin c'est deux voitures qui me dépassent - bien au large - en tout et pour tout. C'est la magie de Noël du partage de la route.
Au feu je me pose bras bien tendu pour préparer mon éventuel suiveur qu'il sera bien aimable de prendre en compte ma direction. Mais en fait y a personne.
Du coup, au lieu de prendre par le trottoir je m'offre le petit luxe déjà expérimenté lundi de prendre par la route. C'est gérable moins de dix jours par an, ne boudons pas notre plaisir.
Evidemment au bout de quelques mètres j'entends la présence d'un camion derrière moi. Mais il reste bien loin, bien calme, et je ne l'entends accélérer que quand j'ai déjà tourné dans la rue du bureau. Magie de Noël, je vous dis. (Ou alors il admire mon cul qui clignote en rouge en plus du feu du vélo, allez savoir ?)
Le premier truc que je pense arrivée dans le local, c'est "déjà ?!" []
Le froid aux cuisses est oublié, Je suis bien réveillée malgré les nuits raccourcies du moment. J'aurais bien continué au lieu d'aller travailler, en fait !
Dans quelques dizaines de minutes le soleil dépassera l'horizon dans mon dos, assise à mon bureau.
C'était chouette ce matin.