Je m'étais dit que je ferais un billet léger pour terminer cette semaine. Que ça apaiserait. Le fait est : je ne peux pas.
Je suis atterrée, affligée, consternée, effrayée par tout ce que j'ai entendu ces derniers jours. Pas par les extrémistes, notez. Ceux-là, on sait à quoi s'attendre de leur part. Ca met en colère, ça donne envie de hurler, mais on sait à quoi s'attendre de leur part.
Non. De la part des soi-disant modérés.
Ca ma rappelé, il y a une douzaine d'années de ça, quand le père de ma fille, asiatique d'apparence autant que d'origine, m'a emmenée pour la première fois dans le quartier chinois. Soudain, une rue franchie, j'étais la seule blonde, submergée par des langues auxquelles je ne comprenais pas un mot, pas un son, environnée d'odeurs inconnues (dont le durian). Exotique. Ce qui l'était encore plus pour moi, francaoui blonde au teint pâle, c'est le regard des gens sur notre couple mixte. Des réflexions. Et des regards. Du racisme vis-à-vis de moi, PARCE QUE j'étais avec un asiatique qui se dévoyait en tombant amoureux chez les blondes.
On peut être par principe contre le racisme, je vous assure qu'on se radicalise nettement quand on en a fait l'expérience. [1]
Donc, pour revenir à cette semaine, le discours de soi-disant modérés. Je suis pas homophobe mais. Je suis pour l'égalité mais.
Ca ne marche pas comme ça.
Si on pense que les mesurettes, c'est toujours un peu mieux que rien, c'est que malgré tout, on trouve que tel que c'est, ce n'est pas SI mal. On est donc conservateur. Et on est pas de gauche. Pas au sens : gens qui se battent pour des idéaux égalitaires.
Si on pense qu'on est tous égaux mais que quand même, les pédés sont potentiellement dangereux pour l'éducation des enfants, que les femmes ont la douceur pour elle mais pas les couilles pour un poste à responsabilité et les étrangers qui vivent en France, ils n'ont qu'à devenir français pour le droit de vote, on est pas pour l'égalité des citoyens. Même si c'est sur un seul de ces sujets qu'on pense un peu comme ça.
Pire que ça. Quand on tient ce genre de discours, on est non seulement CONTRE la stricte égalité des individus mais on signifie qu'on trouve qu'il y a des citoyens, des humains, plus égaux que l'autre.
Ca veut dire qu'on partage un morceau de raisonnement avec des gens qui ont tranquillement foutu en l'air des juifs, des tsiganes, des pédés, des résistants, des ethnies entières, qui oppriment des humains en raison de leur appartenance à un sexe ou à leur foi en une religion.
Je sais pas vous, moi ça me ferait flipper de ne partager ne serait-ce qu'un infime morceau de raisonnement avec ces gens-là.
Ca me questionnerait.
Je fais chier le monde, moi, parce que je m'interroge vraiment sur le danger psychanalytique de l'allaitement d'un enfant de trois ans, ou sur l'adaptation au monde ambiant pour un enfant victime du maternage hyper proximal ? Non. J'ai l'intime conviction que ce n'est pas toujours à l'enfant qu'on fait du bien, qu'on ne le prépare pas si bien que ça au monde qui nous entoure, mais je ne prétends pas empêcher les femmes / couples qui le pratiquent d'élever des mômes, je compte juste sur eux pour assumer leurs devoirs de parents.
Et je me battrai pour leur droit à élever leur enfant comme ils le pensent juste, dans le respect de l'intérêt supérieur de leur enfant. Même si je partage peu de leurs convictions. Ils sont mes égaux, ils ont autant de droits que moi. Exactement les mêmes. Les mêmes devoirs aussi.
Ca marche pareil avec les pédés, les noirs, les gouines, les arabes musulmans ou non musulmans, les femmes, les handicapés, les juifs, les noichs et j'en passe.
Avec tous les humains.
On décide qu'on est, dans notre société, complètement égaux. Ou alors on est contre l'égalité. On fait partie des conservateurs.
Et ceux qui sont contre nous (oui, aujourd'hui, en plus de femme hétéro de gauche, je suis pédé, noire, gouine, arabe musulmane ET non musulman, handicapée, juive, les noiche, laïque, républicaine, catho non fondamentaliste et MEME blonde) doivent arrêter de se voiler la face avec leurs soi-disant modérations.
Ils sont tout simplement contre l'égalité des droits et de devoirs. L'égalité conditionnelle n'est pas l'égalité. Point à la ligne.
Parce qu'on est dans une société au bord de l'implosion, parce que c'est maintenant qu'on dit si on continue à subir ou bien si on veut un autre projet, de préférence meilleure, sur tous ces sujets, il est l'heure de choisir son camp, camarade.
J'ai choisi le mien [2]