J'étais, dans mon jeune temps, dans le camp de ceux qui trouvent ça "plutôt pas juste". Mais qu'il y avait tellement pire ailleurs.
Plutôt pas juste de gagner moins qu'un homme à job identique, plutôt pas juste de devoir faire des choix impossibles pour concilier aspirations professionnelles et maternelles.
Plutôt pas juste d'entendre des "toi qui es une femme, blablablablabla".
Mais comme le fait d'être une femme ne m'a jamais empêchée de faire mes choix, je n'étais pas très militante. Je trouvais même que les féministes militantes y allaient un peu fort.
Et puis un jour, par hasard, j'ai vu un reportage avec des femmes pour objet. Pas des femmes-objet, hein ? Encore que.
Des femmes dans la cinquantaine. Dont le mari était mort, ou s'était barré sans donner d'adresse. Ou tout simplement retraités, et elles jeunes encore, les gamins partis ou quasi. Des femmes dans une merde noire parce qu'elles se retrouvaient avec pas assez pour vivre, pas de couverture sociale, pas de retraite, presque pas de possibilité de retrouver un job.
La faute à "s'être arrêtées de travailler pour élever leur(s) enfant(s)".
Ca m'a terrifiée. Et alors que je n'étais pas encore mère, je me suis juré que mon axiome de base serait que quoi qu'il arrive, il faudrait que je puisse assurer pour mes enfants et moi.
Ca m'a, aussi, paru très injuste. Ces femmes n'avaient rien fait d'autre que de faire un choix, éclairé par leur histoire familiale, le bon sens économique immédiat, parfois (vous savez ce que coûte la garde d'enfants...), la confiance envers leur conjoint. Bref. Elles ont reproduit un schéma qu'on leur a inculqué depuis toujours. L'homme est là pour pourvoir aux besoins de la nichée, toi, occupe-toi d'eux car seule une mère a les qualités pour faire des enfants réussis, en somme.
Elles ont fait un choix, mais dans quel mesure était-ce complètement un choix ?
Bref. De ce jour, je me suis nettement radicalisée dans mon petit féminisme portatif. Et à toutes les femmes qui répondent aux militantes que non, elles ne sont pas soumises et ne se font pas hurler dessus par leur mari quand le dîner n'est pas prêt [1]. Je voudrais aussi leur dire qu'il n'est ni question d'émasculer leurs hommes, ni de déclencher une haine des unes pour les autres.
Il est juste question de donner un VRAI choix à chacune. Économique, religieux, social, professionnel. Et que pour débarrasser ces choix potentiels, il faut bien faire évoluer les mentalités, les a priori.
Alors, à ces femmes, particulièrement, qui trouvent que les féministes ne sont que des hommasses hystériques prônant la haine de l'homme, je propose un petit jeu.
Dans les phrases suivantes, remplacez le mot "femme" par "noir", "arabe", "pédé", "juif", ou n'importe quel autre mot désignant un groupe humain présentant une caractéristique commune.
- C'est un peu normal que les femmes n'aient pas accès aux mêmes postes que les hommes, quelle que soit leur qualification, elles font d'autres choix de vie.
- C'est normal que les femmes n'aient pas le même droit d'expression que les hommes, elles n'ont pas leur culture politique.
- Même si les femmes ont maintenant le droit de vote, il est normal qu'elles soient moins représentées que les hommes dans les postes importants des mairies, ministères, entreprises... elles n'ont pas les qualités qu'il faut pour diriger.
- Seule une femme a les compétences pour élever un enfant [2]
- Une femme qui se fait violer, elle a bien dû le chercher un peu quand même, on ne va quand même pas envoyer des gens en prison pour ça.
On peut multiplier les exemples ad lib... Mais si une seule de ces phrase dans une seule de ses versions, modifiées ou pas, sonnent un peu bizarre à vos oreilles, c'est une bonne nouvelle. Vous avez basculé dans le camp des gens qui trouvent qu'un être humain égale un autre être humain. Et que quelles que soient les inégalités constatées et leurs raisons, qu'il s'agisse de politique ou de préjugés, d'économie ou de religion, il faut les combattre.
C'est aussi simple que ça.