A force de s'asséner chacun nos vérités dans un nombre plus ou moins limité de caractères, de vouloir dire vite et fort, est-ce qu'on sait encore ce que c'est qu'une conversation ?
Vous savez, ce moment qui se passe avec une ou plusieurs personnes, qui ne pensent pas exactement la même chose que nous. Si si, je vous jure. Parfois c'en est même drôle, ou ça donne des occasions d'en rire. D'ailleurs qui pense EXACTEMENT comme nous, en fait ? Personne, il me semble, c'est toute l'idée de la singularité.
Bref, un échange qui n'est pas fondé sur le besoin de convaincre ou de gagner à tout prix, d'avoir raison mais de partager des points de vues, des idées, des éclairages.
C'est écouter l'autre et ce qu'il a à dire. Rebondir. Mais aussi laisser infuser, donner du temps aux idées de se connecter, d'en créer de nouvelles, de se faire grandir mutuellement.
J'avais oublié comme ça peut être épuisant, une conversation. Emotionnellement, intellectuellement. Parce que ça peut être sans complaisance, et qu'il faut accepter de reformuler, préciser, affiner. Quand je dis "sans complaisance", il n'est pas question de nuire à l'autre mais de ne pas le laisser glisser dans le confort d'idées reçues ou de formules faciles.
C'est aussi sortir d'une envie de convaincre absolument, se laisser de l'espace pour jouer avec des idées, ne pas s'oublier soi, qui on est. Se forcer à creuser. Trouver un juste équilibre aussi entre laisser de la place à ce que dit l'autre, la réponse immédiate et ce qui en sortira plus tard.
Bref, hier j'ai eu une longue conversation. Du genre qui vient mettre le doigt sur les zones qu'on aimerait mieux laisser sous le tapis. Qui m'a remise en face d'une question assez centrale. Ca secoue, un peu. Beaucoup. Mais c'était riche et profond. Et je ne crois pas que sur ce sujet-là, j'en aie jamais eu de plus utile.
Ca m'a coûté quelques heures de sommeil[1] mais des idées ont surgi des mots. Des bébés idées qu'il faut faire grandir, enrichir.
De ces tous ces mots échangés je suis sorti épuisée, remuée, mais je crois que j'ai retrouvé un bout de moi que j'avais dû, pour nécessité de survie de ma santé mentale, museler un peu. C'était bien. C'était le bon moment.
Note
[1] aucun rapport avec les verres présents sur la table PENDANT