Sacrip'Anne

« Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout. » (Colette)

jeudi 9 mai 2024

Lomalarchovitch et les oeufs au plat

Lomalarchovitch, mon bébé, mon tout petit, celui pour qui je n'ai plus besoin de me baisser pour le câliner, qui chausse du 38, Lomalarchovitch né hier ou quasi, donc, a un nouveau rituel.

Il me fait des œufs les matins de petits déjeuners pas pressés. Des œufs au plat, souvent. A la coque, parfois.

Je ne saurai vous dire l'émotion qui me saisit quand je vois mon tout, tout, tout petit géant prendre sa place en cuisine puis débarquer fièrement, plateau à la main, pour un moment partagé.

J'essaie de lui dire autant à quel point j'adore ça ET qu'il n'a aucune obligation.

Quand je vous dis faiseurs de bulles d'amour...

lundi 6 mai 2024

Faiseurs de bulles

L'autre soir j'étais avec Cro-Mi et sa licorne à un concert.

La licorne en question est autiste, ce qui rend le moment, bien que souhaité, un peu compliqué pour lui.

Tout le bout de soirée qu'on a partagé, j'ai vu Cro-Mi entourer son amoureux d'une bulle d'amour et d'attentions pour le mettre à l'abri. C'est rare, précieux, et parfois fragile, les licornes.

Ca m'a touchée en plein cœur.

Cette qualité d'attention à l'autre, je sais très précisément de qui il le tient.

Alors quand je le vois faire, je me dis que je n'ai pas complètement tout foiré dans la vie. Je lui ai offert ça, cette capacité à aimer intensément, à donner beaucoup.

Avec une petite amertume, une envie de lui dire de faire gaffe, de ne pas s'oublier au passage.

Mais ils sont heureux. Pas envie de mettre du sombre au-dessus de ces réjouissantes créatures [1].

Vous faites quoi de la vie ?

Faiseurs de bulles d'amour.

De mère en enfants.

Note

[1] Globalement j'admire sa capacité à choisir des personnes géniales pour accompagner son chemin amoureux. Et je ne dis pas ça que parce que les deux dernières rient à mes blagues.

jeudi 2 mai 2024

Je vous parle d'un temps

La plupart du temps, quand je pense à la jeune adulte que j'étais, je suis plutôt soulagée d'avoir avancé depuis. Tous ces trucs qui me ravageaient au passage et dont je sais, enfin, un peu mieux me servir. Toute cette pression que je me suis mise pour répondre aux attentes, obtenir l'approbation et dont je me dégage, doucement, petit à petit.

Je me trouve infiniment plus fréquentable maintenant, la plupart du temps.

Si je devais revenir à mes vingt ans, armée de ce que je sais de moi maintenant je... je ferais sans doute exactement la même chose. Ne serait-ce que pour mes enfants, ils sont ma vie et le fruit d'un chemin qui, s'il ne m'a pas rendu heureuse, intrinsèquement, a fait de moi leur mère, le truc le moins regrettable au monde. Et heureuse de l'être. C'est déjà ça.

Alors ok, est-ce que je leur ai rendu service, à les construire comme ils sont, mes petits, trop intelligents, trop sensibles, trop intenses pour leur propre bien-être ? J'espère qu'ils seront plus vifs à trouver leurs chemins, à naviguer le monde. Qu'ils seront plein de vie et d'envies d'un bout à l'autre.

Ils sont là et je me refuse à imaginer un monde où ils ne seraient pas. J'en suis absolument incapable, j'ai le souffle coupé par l'amour que je leur porte et celui qu'ils me donnent.

Si je revenais, donc, ça ne changerait de toute façon pas : le monde est plein de gamins ultra talentueux, brillants, qui apportent ou apporteront au monde des choses qui le rendent au moins un peu plus habitable.

J'en suis incapable. Même moins con qu'à l'époque. Ma présence ici est insignifiante. C'est vertigineux à quel point rien n'a de sens, ni d'importance réelle, si petits sur une si petite planète au milieu d'un univers inconcevable, nos emmerdes si grosses qui ne sont rien et qui nous remuent tant.

La plupart du temps ça ne me pèse pas : ce qui compte, dans la mesure de mes moyens bassement humains, c'est l'amour que je donne, et je crois que je fais ma part.

Et puis les sales journées, où les tracas s'empilent, pas forcément graves, juste assez emmerdants pour déclencher une envie d'aller voir ailleurs, si on y est.

Les jours où on se sent si seule et inutile qu'on se demande "et si je n'étais plus là, à qui je manquerais, dans mettons six mois, un an ?" Mes parents, mes enfants. Et puis ?

Bien sûr c'est passager, bien sûr demain ça ira mieux. Bien sûr je trouverai toujours le chemin pour aller tirer la manche de quelques unes d'entre vous pour leur demander : "Dis, tu m'aime ?" histoire de trouver le carburant pour avancer encore.

C'est juste une de ces journées pleine de vide existentiel. Où quand tu rentres et que ça pue l'oignon et la soupe au poireau de l'aisselle douteuse dans une fringue sale sur ton territoire, que tu ne peux entrer dans aucune pièce sans y trouver quelqu'un, que ton refuge est encore et toujours envahi, que ça vient mettre la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Parfois je me demande à quoi ça sert d'avoir mis tant d'énergie à essayer de me réapproprier ma vie pour si peu de changements concrets plusieurs mois après.

Bref. Assez d'auto apitoiement. Il est l'heure d'entrer dans la musique, puis dans la littérature, comme je m'immergerais dans la mer, habillée de pied en cap, les bras en croix. Pas pour s'y laisser couler mais pour se faire soutenir par le flot. Par la beauté déchirante de certains accords ou de certains mots. Pour que ceux font profiter au monde de leur talents soient écoutés, lus vus, avec l'attention qu'ils méritent.

Ca ira mieux demain.

mardi 30 avril 2024

Gris

Ca fait trois ou quatre fois que j'ouvre un billet pour raconter notre Paris-Carnet d'hier, comme le veut la bonne tradition.

(On a passé un très chouette moment, c'était bon, on a a bien ri, bien papoté, et même été raisonnables).

Mais bon, on ne va pas se mentir, c'est pas la grande forme.

On est à peine mardi et je me suis déjà fait trop souvent la réflexion que Disneyland sur Olympie, à Paris et même en banlieue, ça me casse déjà nettement les pieds. Et ça n'a même pas encore commencé.

Il fait gris.

Le chien a gueulé comme un putois pour accueillir le retour de Cro Mi et de sa licorne cette nuit. Pas rendormie avant pas d'heure. Rien à bouffer pour le petit déj ce matin. Me suis traînée au bureau l'estomac vide et le bâillement aux lèvres. Les copains qui vont moyen, par ailleurs. Le cœur triste, le corps las, les bras vides, je guette l'heure de retrouver une amie ce soir avec impatience. Je ne sais pas si on sera l'une et l'autre dans notre meilleur état mais on sera ensemble.

Mais vraiment, c'était chouette, le ranimage de Paris-Carnet. Faudrait qu'on fasse ça plus souvent.

samedi 27 avril 2024

L'énergie à croum

Dans la grande famille des maladies chroniques, il y en a des plus chiantes que d'autres. J'ai du bol, la mienne s'oublie plutôt bien quand tout est calé. Quand elle se rappelle à moi, je fais moins la maline, mais 90 % du temps on se fout la paix, modulo un pauvre comprimé quotidien pour le reste de mes jours et les contrôles à faire, un peu contraignants mais pas au point de s'en bouffer la vie.

Depuis quelques mois, elle est en mode attention whore.

Depuis quelques mois, je vis donc sur une énergie que je ne possède pas. Je me fournis, à crédit, un peu dans la rage de vivre, un peu dans un entêtement (futile ?) à fabriquer autre chose que du noir.

D'ailleurs ça fonctionne, globalement. Je revois des couleurs au fil des bulletins de santé insolents, des rires, des amis, des moments qui font du bien, passés ou à venir.

Le problème du crédit, c'est toujours les intérêts. Il n'y a pas grand chose de gratuit en ce bas monde.

Chez moi les intérêts ça se paye avec un système immunitaire qui a décidé de jouer au contrôleur de gestion. On dirait que pour me forcer à récupérer un peu, il a vendu son âme au premier virus qui passe, roulé des pelles[1] à toutes les jolies petites bactéries sexy qui se trémoussent sur son chemin.

Il y a dix jours je me suis retrouvée clouée au lit par la crève que tout le monde se traine. 24 heures sous la couette. Là, je recommence (chats à l'appui, ils me veillent comme si mon trépas était prévu pour dans 12 minutes) à cause du tacos de retour de Cro-Mi. J'en avais même pas envie, de ce tacos, en plus, j'en ai pris un petit, des crudités avec parce que c'était plutôt ça dont j'avais faim, et j'étais pas arrivée à la dernière bouchée que je SAVAIS que ça allait mal tourner.

Il faut prendre les choses avec humilité. Si jamais, quand vous exultez de vous sentir en vie, vous êtes pris d'un léger sentiment de surpuissance, ces moments, en plus de vous forcer enfin à vous (re)poser quelques heures, vous mettent une petite claque derrière la tête pour vous rappeler votre triste condition humaine.

Il faut prendre les choses avec humour [2], mais aussi avec rationalité. Oui c'est inconfortable, très. Mais pas mortel.

Alors je lis dix pages, je dors trente minutes, je me réveille et tente, face à une vague douloureuse, de chercher à savoir si ça fait assez mal pour valoir la peine de me lever et me faire un Smecta de l'enfer ou pas. (Oui, j'ai fini par craquer). On recommence le cycle jusqu'à l'heure de dormir plusieurs heures d'un coup. Ou disparition des symptômes.

On médite sur le fait qu'on réfléchira à prendre un rythme plus serein, peut-être, mais pas la semaine prochaine qui est bien chargée, ni celle d'après.

On pense à ce qui fait du bien, on se laisse traverser, on paie gentiment les intérêts. Et dès qu'on peut on bondit sur ses pieds pour aller d'un pas (lent mais) déterminé vers la prochaine aventure.

Notes

[1] Réjouissons-nous, au moins l'un de nous deux embrasse quelque chose

[2] Enfin peut-être pas quand le coloc vient ouvrir la porte en grand sur votre corps à moitié nu pour vous dire que c'est l'heure de manger, sans frapper, alors que vous avez déjà signifié que vous êtes malade, que vous voulez qu'on vous foute la paix et que la moindre mention de bouffe vous envoie un spasme abdominal assorti d'un début de nausée. Là vous avez le droit de grogner, en tout cas je l'ai pris.