Sacrip'Anne

« Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout. » (Colette)

vendredi 13 septembre 2024

Mon fils, ce troll

Or donc je vous parlais de mon fils.

Qui s'est donc pris deux croix en deux jours, pour des motifs amusants.

En maths (où les conversations sont autorisées dès lors qu'on a fini), il a répondu un ferme "je m'en fous" à l'un de ses camarades.

En arts plastiques, il a trouvé super long l'attente doigt levé donc a fini par brailler sa réponse. Puis se mettre à chanter l'air de la sonnerie au moment où icelle retentit, tout en rassemblant ses affaires pour se diriger vers la cantine car : il avait la dalle. La prof qui n'avait manifestement pas fini son cours l'a mal pris.

Ca nous menait donc à hier soir, je me disais que bon, plus que quatre heures de cours et cette semaine est sauvée.

Je bossais donc presque tranquillement quand j'ai reçu le SMS "ECOLE" que nous redoutons tous. Celui qui dit qu'il n'est pas en cours. Or, je travaille de la maison, il est bien parti au collège sous mon nez. J'appelle le collège qui confirme qu'il était en classe en première heure. Le monsieur des absences va en classe, ne le trouve pas, je lui signale que le prof de maths n'est pas le meilleur pote de mon fils, que peut-être il est planqué quelque part. C'est un peu son genre parfois, le refus d'obstacle.

Le type en question part en mission commando dans le bahut et pendant ce temps, je me demande si mon fils est juste un rebelle (oui) ou s'il a une motricité très personnalisée (oui) qui l'aurait fait chuter, bref, est-il en train d'agoniser quelque part en un recoin du collège ?

Le téléphone sonne enfin, pour me dire que ce putain d'enfant, issu de ma chair et que j'ai fabriqué à partir de quasi rien, cellule par cellule...

...est...

... en salle info....

... avec trois autres élèves....

... et la principale adjointe.

Qui doit avoir une excellente raison, logique et tout, mais dont j'ignore tout, pour ne pas avoir prévenu ses collègues que l'absence de mon fils et de ses potes était excusée par sa volonté quasi divine, hein. Comme dirait mon autre fils (le médecin tatoueur) : "elle a intérêt à avoir de bonnes explications".

Bref, soulagée mais épuisée, s'il est possible de l'être plus, par cet ascenseur émotionnel, j'ai pleuré dix minutes derrière mon écran en forme d'évacuation de stress en trop.

Visiblement il est encore avec elle l'heure d'après car, blague, il est marqué absent. J'ai à peine levé un sourcil.

Quand je vous dis que je ne vais pas survivre à sa sixième.

--- Le fin mot de l'histoire : il a suivi par "erreur" un groupe d'élèves de sa classe qui passait l'évaluation nationale. Sur place, on lui a dit "bah, ça sera fait, reste donc". Ces gens veulent donc la mort des parents, c'est officiel.

mercredi 11 septembre 2024

L'enfant du chaos et de la lumière

Lomalarchovich, fin août 2024

Tout le monde sait l'amour infini que je porte à Lomalarchovitch, cet enfant radieux dès les premières heures, celui qui sait trouver en toute situation le chemin du rire et de la clarté[1].

Ce n'est pas l'aimer moins que d'être consciente de ses défauts. Dont un assez majeur dans notre quotidien partagé. Ce môme est l'inverse de l'organisation. Sa chambre est une version hardcore des écuries d'Augias. Les vêtements tire-bouchonnent sur lui, se couvrent de taches (d'ailleurs il possède une majorité de vêtements avec des taches propres). Il ne sait pas manger sans en mettre partout. Lire un livre sans lui donner une forme... euh... (j'ai mal, mal, mal, rien que d'y penser). Bref, c'est l'enfant du chaos.

Le neuf cesse d'être à l'instant où ses mains le touche, le rangement lui est une notion étrangère, l'étourderie sa compagne de route. Il couvre le sol de l'appartement de choses laissées au gré de ses déplacements, parfois de façon très saugrenue[2].

Je sais bien qu'il a dix ans et que c'est environ normal, mais, traumatisée par la cohabitation avec son père, je suis un peu stressée du sujet, d'une part, et en lutte contre ce potentiel héritage génétique, de l'autre.

Vous pensez bien que maintenant qu'il va au collège, la probabilité de partir le matin sans ses affaires, ou alors pas les bonnes, de les perdre en route est forte (oui, dès le premier jour), bref, les possibilités de nourrir son chaos sont infinies.

Or, trois jours par semaine il se lève, se prépare et se rend au collège alors que je suis déjà partie (je sais, je suis une mauvaise mère).

J'ai jalonné son chemin matinal de réveils, alertes, facilitateurs.

Il ne me reste qu'à cuver mon stress jusqu'au moment de recevoir ou pas la notif. Pas de notif ? C'est bon, il y était à l'heure. Ne reste que l'oubli de matos, l'insubordination, sa très unique façon d'être au monde qui me réjouit mais ne séduit pas universellement.

Puis les heureuses retrouvailles, le soulagement, la litanie des "range tes baskets, mets le couvert, jette ton mouchoir, fais ton sac pour demain (le tout répété de 3 à 10 fois par jour, au moins.

Je donnerais mon monde et le vôtre pour cet enfant, mais je ne suis pas très sûre de survivre à son premier trimestre de collège.

Notes

[1] Pendant que j'écris ces mots, la puberté se frotte les mains et rigole à ma santé en comptant les heures qui me restent.

[2] Oui, je sais, c'est un mec

lundi 9 septembre 2024

Hand in my empty pocket

J'ai grandi dans le confort d'une maison de petite bourgeoisie. On avait ce qu'il nous fallait et le petit peu plus qui permettait les loisirs et quelques plaisirs sans réfléchir. Pas assez pour ne pas avoir à compter. On ne parlait pas d'argent aux enfants sauf quand ils grandissaient et qu'il fallait leur en apprendre la valeur.

C'est ainsi que dans un grand élan de pédagogie, mon père m'a attribué une somme mensuelle basée sur mes besoins, pour laquelle je devais, si je voulais l'augmenter, argumenter et négocier (une seule ouverture annuelle des discussions était possible).

Sauf que, comment tu dis d'une main "on ne parle pas d'argent, c'est vulgaire" et de l'autre "argumente tes besoins" ? Et puis, vous l'aurez deviné, devoir expliquer ce que je faisais avec mes sous et discuter le bout de gras, c'était pas mon truc. D'ailleurs ça m'a duré longtemps, j'ai cru naïvement pendant de longues années que mon mérite, s'il existait, serait naturellement reconnu, au boulot. Ahaha. Fin de la blague.

C'est ainsi que j'ai survécu à l'université avec le trésor clinquant de 500 balles (de francs, 75 euros de maintenant) tous les mois pour payer mes transports, ma bouffe, mes loisirs. Et mes clopes. Sauf que le budget clopes n'était pas déclaré aux autorités financeuses, et même si à l'époque le paquet devait coûter moins de 2 euros (pleurez, fumeurs modernes !), ça venait sacrément taper dans le pécule.

Bref, j'ai passé mes années fac à me nourrir d'un café avec deux sucres le midi et à gruger le bus pour pouvoir financer mon vice. A se débrouiller entre potes pour quelques plans immanquables, à servir des pintes pendant quelques heures dans un pub irlandais pour financer les miennes.

J'ai pris 25 kilos ; la pédagogie, c'est vraiment utile que si on ne s'en sert pas.

Et on se demande pourquoi ça m'a frappée comme si c'était moi qui la chantais, cette chanson.

dimanche 1 septembre 2024

Comme de la merde

J'avais trois gros chantiers cette année. Les deux premiers sont, à l'heure où j'écris ces lignes, gérés, derrière nous. Pas si mal en huit mois, finalement, non ? Sauf que. Le troisième résiste et pour le dire aussi clairement que je le peux : c'est l'enfer. Ca fait 11 ans que je me traîne le japonais comme un coloc' plus ou moins gérable. Ne nous mentons pas, si "chronique" comme dans maladie chronique commence par ch, exactement comme le mot chiant, ça n'est pas un hasard.

Donc après du mieux il y a eu du pire. On peut résumer les choses ainsi : depuis novembre dernier, il a dû y avoir deux petits mois (en plusieurs morceaux) où j'avais l'impression de tenir le bon bout. Le reste du temps c'est la lutte. Quand le sommeil revient je m'en réveille pas plus reposée qu'en y cédant. Le reste du temps, j'ai l'occasion de voir de très beaux levers de soleils tôtifs, ou des nuits sombres.

Lever de soleil, août 2024

J'en ai parlé parfois, ça n'a RIEN à voir avec le manque de sommeil d'une semaine de fête. Ni même des premiers mois d'un nourrisson non dormeur. C'est un truc écrasant qui vous vrille le cerveau. Enfin je crois qu'il y a assez de maladies qui génèrent de la fatigue pour me dire qu'entre toutes celles-là, j'ai de la chance de vivre avec mon japonais, plutôt qu'un autre. Mais quand même.

Je tiens parce que je ne peux pas m'écrouler.

Je tiens à coup de fake it until you make it. Je tiens parce que j'ai les gènes de ma mère.

Je ne sais pas si on meurt d'hypothyroïdie, mais je ne serai pas surprise qu'il y ait des gens qui se soient fait sauter le caisson à force des idées de merde qui tournent dans la tête à force de fatigue aiguë.

Donc voilà. J'ai de la merde dans la tête en permanence et ça me prend une énergie de dingue de lui résister. Je dis de la merde, je fais de la merde. Je suis sûre que j'ai laissé passer plein de trucs chez les gens que j'aime parce la plupart du temps, je suis hallucinée de fatigue.

Ok, le fait de chercher à être plus têtue que la maladie et de battre le pavé pour passer de bons moments n'aide pas. En fait si, ça aide, mais pas complètement.

Je ne sais pas demander de l'aide, je l'ai déjà dit[1]. Et puis je ne sais pas bien de quelle aide je pourrais avoir besoin : on va encore tâtonner jusqu'à trouver le bon dosage. 4 à 6 semaine à chaque fois pour avoir une idée, parfois provisoire, de ce qui marche ou pas. Espérons que la prochaine sera la bonne.

Mais de l'aide qui ne soit pas médicale ? Aucune idée.

J'ai juste hâte de ne pas me sentir comme une merde pendant plus de deux ou trois semaines. En attendant, je remets mon poker face, pour ne pas faire flipper les enfants, pour ne pas "déranger".

Et si j'ai fait de la merde avec vous, je vous prie de bien vouloir m'en excuser. Il y a des années où je suis pire que d'autres.

Note

[1] Et quand par miracle, je le fais, je me dis que la personne a bien assez donné pour que je l'emmerde encore, donc, bon.

mercredi 28 août 2024

Money money money

J'ai l'impression de ne parler que de fric, ces derniers temps[1]. Principalement pour dire que je suis fauchée. Mais ça me donne mauvaise conscience de dire ça : je sais fort bien que je fais partie des privilégiés.

En effet, après de nombreuses années de tripalium, j'ai l'honneur et l'avantage d'être passée au-dessus du salaire moyen des français employés du secteur privé. Du coup, assez nettement au-dessus du salaire médian. Bien, mettons-nous une claque dans le dos, ça n'a pas été rien d'arriver à avoir un revenu en vague rapport avec mon niveau d'expertise et d'expérience. Alors comment ça se fait que ça soit, à défaut de vraiment juste au quotidien, trop pour multiplier les vacances ?

Parce que, putain, pour une littéraire, je compte.

Alors OK, en tant que représentante des classes moyennes, je bénéficie de peu d'aides sociales. Ok mes enfants mangent. Beaucoup. Ils dilapident mes revenus en comté râpé et parmesan. Ok l'un d'entre eux pousse tellement que je suis revenue au stade du nourrisson à qui on refait la garde robe trois fois par an. OK on privilégie le frais au marché plutôt qu'à l'hypermarché (encore que la différence n'est pas saisissante). Ok j'ai un plan de vie qui fait que je privilégie un petit confort au quotidien plutôt que de se serrer la ceinture toute l'année pour une semaine de vacances de rêves.

Mais, quand même.

J'ai beau me foutre un peu de l'argent, j'ai une fâcheuse tendance à vivre dans le monde réel, quoi qu'on en dise, et c'est chiant d'arriver à 48 ans, 11 mois, 28 jours pour continuer à avoir des fins de mois difficiles à partir du 15-20 et à se demander quel abonnement on pourrait supprimer sans que ça ne soit une punition.

Soyons très clairs : je ne me plains pas. D'autant que j'ai encore de quoi me donner un peu d'air sous forme de concerts, bouquins, verres en terrasses ou à couvert selon la météo. Pas tout le temps, mais régulièrement.

Je m'effare des conditions de vie des gens qui sont vraiment vraiment fauchés, eux.

(Et que personne ne me conseille de me trouver un mec riche. Dans l'immense majorité des cas, les mecs riches aiment les femmes pas comme moi et tendent à s'intéresser à des sujets chiants, et quand même, faut pas déconner, on mangera encore du riz et des patates et marre plutôt que de se fader un conducteur d'Audi).

Oué. Fuquons le capitalisme, vivons d'amour,d'eau fraîche et de pinard, toussa.

Note

[1] A vrai dire j'ai l'impression de moins parler. J'ai des bouts de billets qui virevoltent et je soupire en faisant "meh". Peut-être trop d'exposition ces derniers mois, avec des conséquences un peu désagréables. Peut-être que je me fatigue. Peut-être que je rumine deux trois sujets qui me bouffent de l'énergie. Bref, aucune idée d'où je vais côté blogs et ça ne changera pas le monde.