La vie et toutes ces sortes de choses

jeudi 27 juin 2024

Tarabustages et asticotages

J'applique ma recette habituelle de sale môme.

Je lui tournicote autour, j'assène avec aplomb des énormités, ma mauvaise foi est quasi sans limites. Jusqu'à la chute, une blague, une douceur, les deux. Ca nécessite beaucoup de talent de la part de ma victime : si elle ne fait que s'indigner, si ça n'est pas une danse à deux, ça manque d'intérêt.

Et surtout : si ça finit autrement que dans un éclat de rire ou un sourire tendre, ça ne sert à rien.

Or, beaucoup de gens ne captent pas ces fentes et feintes et coups d'estoc pour rire. Rares sont donc mes partenaires de jeu, et encore, si ça se trouve, j'en prends certains au dépourvu. Merci pour leur immense tolérance.

Bref, ça fait quelques jours que je l'asticote.

Il rit et m'engueule.

"Tu n'as personne d'autre à emmerder, Anne ?"

"Si, mais est-ce qu'il m'aime autant que toi, à ton avis ?" (cils battants).

Grognement de mec qui ne veut pas répondre avec des mots mais qui tient à sa place dans ma liste de privilégiés.

mardi 25 juin 2024

Viens dans ma bulle

Il y a quelque chose d'un peu décalé à être heureuse en ce moment.

Autrefois, sans doute, j'en aurais conçu une forme de culpabilité. Et puis on relativise. Mon petit moment de jubilation individuelle ne changera rien, ni en bien, ni en mal, au marasme ambiant.

Bien sûr, je ne suis pas débile, je sais bien que ma toute petite existence n'est rien à côté du grand ensemble (qui n'est lui même pas grand chose rapporté au cosmos, à l'infini etc).

D'autant que je ne suis pas très optimiste sur l'humanité. Donc quand je clame ma bonne fortune, c'est forcément dans ce contexte, dans ce contraste.

Pour autant, ça fait longtemps que je n'ai plus grand espoir de changer quoi que ce soit au grand destin collectif, à la force de mes biceps et d'une vision un peu idéaliste de ce que pourrait être la vie, si on était moins cons (et qui dit que j'ai raison, en plus ?)

Alors je me fais une bulle. Je sais sa fragilité, je sais qu'elle peut éclater à tout moment. J'y perçois, malgré tout, les échos du monde, elle n'est pas si étanche.

Ces jours-ci, ma bulle est pleine d'affections diverses, de rires de mes enfants, de liberté relative mais chèrement reconquise. Ma bulle est ma récompense pour avoir tenu bon dans les tempêtes intimes. Elle est ma réserve de joie de vivre pour quand d'autres jours sombres viendront.

Hier, j'étais d'une bonne humeur d'enfant, à asticoter le monde autour de moi juste pour le plaisir d'un éclat de joie partagée à la fin. J'ai donc fait la sale môme toute la journée. Et quand l'une de mes victimes m'a envoyée balader d'un "mais t'es vraiment dans ta bulle, tu ne te rends pas compte que ça va mal partout ailleurs", tout ce que j'ai eu à lui répondre, c'était : viens-y, dans ma bulle.

Mais oui. Viens dans ma bulle. On va dire des bêtises et boire du thé, ou du café, ou n'importe quoi, on y sera bien quelques minutes ou quelques heures. Et après on changera le monde, pas au sens universel, mais en partageant un peu de douceur avec ceux autour de nous.

C'est pas si mal, une bulle.

lundi 24 juin 2024

Tranche napolitaine

Ca durera ce que ça durera, mais là, je kiffe.

j'ai adoré ce week-end, passer du temps avec des amis pas vus depuis longtemps, des licornes de Cro-Mi (y a une de ses potes qui m'a adoptée comme mère suppléante, elle est brillante et touchante et écorchée vive, je l'adore, et ses honteux partis pris pour moi me chauffent le coeur).

La maison est sereine. Et il fait beau ! Et je suis en sandales et robe d'été !

Bref, je suis taquine, moqueuse et rieuse et je vais bien, j'avais oublié ce que c'est bon.

Comme la météo joue à l'été à Paris après une absence notable de printemps, on passe la journée sur le toit, ou presque, avec mes collègues. Chaque réunion relocalisable en plein air se passe en haut. Le déjeuner aussi. Bref, je vais aborder ma période rouge. (J'ai déjà expliqué ; mon houitième belge me conduit à bronzer rouge et blanc. Je n'atteins jamais la partie café de la tranche napolitaine, hélas, mais la simple joie d'être en plein air m'emplit d'allégresse).

Celles et ceux qui se prennent mes rafales de bonne humeur vont vite fatiguer, mais là, tout de suite, le monde est foutu mais la vie assez belle.

Voilà. Profitons de la légèreté quand elle passe. Aimons, rions. Ca ne durera pas, on est assez grands pour le savoir, alors savourons.

vendredi 21 juin 2024

Un autre quotidien

Retour le soir, poser le sac et le casque qui attendront bien demain pour leurs nouvelles aventures, vider le sèche-linge, plier, ranger ma part, distribuer dans les panières de la marmaille les leurs, éplucher et couper quelques patates, les jeter dans l'Instant Pot avec trois grosses poignées de haricots verts, vider le lave-vaisselle, récupérer l'un aux joues rose vif d'avoir bien joué dehors, ranger trois trucs, ajouter de la litière dans la litière, lancer une machine ? non, pas assez de linge, se poser le temps de quelques pages de magazine, s'amuser à la mine très décontractée des chats, se relever, récupérer les patates, en faire de la purée, tout en cuisant les cordons bleus du volailler, lancer une injonction à mettre le couvert, là, maintenant, non on attend pas la fin de ta vidéo, se poser, manger dans un bavardage joyeux, annoncer aux enfants que ce sont eux qui débarrassent et mettent au lave-vaisselle, débriefer avec le grand sur l'épreuve de SVT, proposer au petit un moment télé ensemble, moment refusé, il a envie d'être seul, m'affaler avec un œil sur l'heure, quand même, rappeler l'heure du coucher, vérifier l'état des dents, bisous, bonnes nuits.

Puis : regarder un épisode de série, puis un film (et ne pas m'endormir avant la fin, miracle).

Regarder la couleur virer au rose entre les immeubles, en face. Prendre une photo, partager. Parce que le beau, c'est bien, quand on peut partager.

Faire le tour du lit en dormant, accompagnée dans le mouvement par les deux matous les plus chill du monde (le gros qui pue est parti, le territoire est à eux, ils se sentent très maîtres du monde).

Se réveiller, trop tôt, trouver à s'occuper, se lever en même temps que le petit, donner à manger aux félins, aux humains, orchestrer toilettes et habillages (enfin plus ou mois, en ce qui me concerne, j'ai enfilé une culotte et un tshirt, niveau fatigue, j'ai économisé un peu.) Débarrasser, mettre à la poubelle, au lave-vaisselle, selon, faire du café en plus du thé, se mettre au boulot, l'œil sur l'horloge pour vérifier que le petit ne loupe pas son départ, bosser, papoter à distance, répondre à S, bosser (on est dans la fin de bouclage d'un très gros projet, avec une collègue, pas créatif, le projet, mais méticuleux et rigoureux, on s'assomme de boulot un peu abrutissant, on tient le coup, on voit la fin, ça en plus du reste, ma vie a été, quelques jours, un empilement instable de pressions non nécessaires.

Réceptionner l'aspirateur (je suis bourgeoise, c'est officiel, j'ai un Dyson et un Roomba), le tester vite fait, réfléchir à quand et comment faire la fixation de la base, remettre ça à plus tard, combien seront nous ce midi ? Ok salade de pois chiches, simple, bon, facile, RAPIDE. Paramétrer des alarmes pour les départs du petit, saluer le grand qui émerge des écrits avec une texte de boxeur prêt à s'écrouler, verser du thé, écrire ce billet comme un témoin de changement de quotidien, puis après, mettre en ligne des trucs, programmer d'autres pour la semaine prochaine, deux articles à pondre, parler avec Cougarillon de sujets un peu lourds, putain d'articles SEO, je hais ça, écouter les futures plaintes de Jarvis (l'aspirateur robot), coincé, bouché ou fier de sa mission accomplie, éventuellement le récupérer quelque part pour le reposer sur son socle, répondre à Fl, si j'ai le temps, sinon dimanche ? appeler les parents pour la conf call hebdo de mise à niveau des infos non encore partagées.

Fare la pasta.

Déléguer le laminage au petit ? (Nous ne serons que deux, ce soir, c'est ça ? Je suis perdue dans mon comptage de poussins, parfois, mais oui, c'est ça, juste nous ce soir puis le petit part chez son père et le grand revient de chez le sien, sa licorne nous rejoint). Faire la sauce qui va avec, manger, répéter le programme d'hier soir. Réfléchir à quoi faire manger aux amis demain midi et goûter. A quoi manger la semaine prochaine (on sera deux ? trois ? Trois !) Rassembler les trucs pour le vélo qui s'en va. Mettre au lave-linge, au lave-vaisselle, faire tourner ce qui doit tourner, maudire la météo du jour (j'ai la lumière allumée le premier matin de l'été). Me dire que ça fait bien quinze jours que je ne suis pas allée au ciné et que ça va se résoudre. Dimanche ? Matin ? (j'adore la séance du dimanche matin).

Ramasser tout du long de la journée un objet oublié, un truc qui traîne.

Me souvenir dans ma fatigue physique que oui, c'est ça, la vie de parent solo (enfin de parent environ comme je veux l'être dans un endroit environ comme j'aime qu'il soit). Même avec le soutien efficace de l'aîné et la gentillesse du petit.

Mais à chaque instant savourer. C'est ma vie. Partout où se pose mon regard je retrouve une harmonie depuis longtemps perdue. Je me sens en phase avec la marmaille, avec moi. Ca y est, je réalise. Tout va bien.

Enfin.

Tout va bien.

jeudi 20 juin 2024

A propos de vulnérabilité (la vie ne s'arrête pas)

Plusieurs personnes pleines d'affection pour moi m'ont mise en garde, ces derniers mois, sur différents sujets (dont un !), en raison du fait que vu la quantité de galères sur mes épaules, j'étais vulnérable. Et donc il fallait faire gaffe à ce que je pense, vis, ressens, etc.

J'ai bien sûr ressenti toute leur amitié dans ces propos. Parallèlement, le germe d'une idée a fait son chemin depuis et je crois que je ne suis pas d'accord sur tout avec eux.

Déjà, il y a dans toutes les remarques, conseils, qu'on reçoit le biais de l'autre qui commente avec son vécu, son expérience, ses craintes et espoirs personnels, qui ne sont pas les nôtres, aussi proches qu'on puisse être.

Et puis, même si le cerveau humain est très bien conçu pour "oublier" cette donnée, on est vulnérables, tout le temps. Tout peut s'arrêter à chaque moment. Alors quoi ? On ne devrait jamais prendre de risques, de décisions, parce qu'on est très fragiles devant la vie ? Ca va vite tourner un peu végétatif, non ?

Sans philosopher sur l'infinitésimale pérennité de notre existence, c'est aussi quand ça dérape sérieusement et qu'on ressent à plein notre vulnérabilité qu'il y a plein de décisions à prendre. Quand on perd un proche, quand on s'approche très près de la mort ou que son ombre se fait juste un peu plus visible, il y a un paquet d'arbitrages un peu sérieux à faire, à un moment où on se sent probablement un peu plus fragile qu'à d'autres.

Et quoi ?

La vie ne s'arrête pas pour nous laisser reprendre nos esprits. La vie n'attend pas qu'on soit au calme, heureux, posés, insouciants à nouveau (si ça existe jamais).

La vie continue et tant qu'on peut, on fait pareil.

Et je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, avoir une haute conscience du fait que ça remue fort, que mon cœur est lourd et mon cerveau préoccupé, ça ne m'a jamais empêchée de savoir qui me fait du bien ou pas, s'il faut que je réfléchisse encore pour décider ou avoir un avis sur quoi que ce soit. Et je sais me débrouiller avec une dose raisonnable de complexité.

Alors oui, ami(e)s, je prends vos inquiétudes, vos peurs pour moi, vos avertissements comme autant de preuves d'affection.

Mais ça va aller, vous savez.

La preuve, je viens de racheter un fort coûteux aspirateur. Et ça me met en joie (c'est rarement moi qui l'utilise, notez bien).