mercredi 30 mars 2016
Et ben non, c'est pas facile
Je ne sais pas si c'est l'âge, le recul, l'expérience, mais je me suis rendu compte qu'on était très nombreuses à minimiser quand il s'agissait de s'épancher sur un sujet difficile lié à la maternité.
Du genre "j'ai les nerfs en pelote parce que mon bébé a hurlé toute la journée. Pourtant, c'est un bébé facile".
Stop.
Arrêtons.
Un bébé "facile", ça n'existe pas. Certes il y a des bébés gros dormeurs, des bébés qui ne font ni coliques, ni reflux, des bébés pétaradants de santé. Des bébés dont on dira ici qu'ils sont moins difficiles que d'autres.
Mais rappelons quand même qu'un bébé c'est un être en construction qui dispose de peu de moyens de communication. Pour la partie positive de la communication, ça fait des tas de bonheurs, pour la partie négative, c'est cris ou pleurs ou hurlements. Et TOUS les bébés pleurent. Oui, c'est usant, nerveusement. Oui c'est difficile de rester calme, sereine et positive après plusieurs heures de ce traitement.
Et puis les bébés ils ont une digestion très personnalisée. Ils mangent quand ça les arrangent, chient quand ça nous met le plus dans une posture compliquée. Et ils demandent des soins immédiats. Et puis quand ils commencent à sortir du biberon ou du nichon, c'est pour malaxer, pétrir, expédier, pulvériser de la bouffe PARTOUT. En plus on nous explique que c'est bon pour leur motricité. Et puis nous, ça ne peut pas nous faire de mal au "manger bouger" de nettoyer derrière eux plusieurs fois par jour, hein.
Quand ils grandissent, ils sont super maladroits. Ils se bugnent sans arrêt, explorent pile le centimètre carré douteux alors que vous avez sécurisé tout le reste de la maison. Ont un radar pour détecter un truc dangereux et se précipiter dessus où qu'ils soient. Ils ont besoin d'une surveillance permanente et même comme ça, ça ne suffit pas.
Ils ont un caractère impossible. C'est pas de leur faute, ça s'apprend, résister à la frustration. Pas de bol, c'est nous qui devons leur apprendre. Comme la patience. Et le pire, c'est qu'un bébé qui grandirait et ne piquerait jamais une crise ou ne s'amuserait pas à dire non à tout propos, on s'inquièterait pour lui.
Et puis ils s'emmerdent. Il y a besoin de leur proposer des jeux sur lesquels ils se concentrent / s'amusent, et des sorties pour prendre l'air, et des activités, et ceci et cela. Tous les jours. Jusqu'à ce que la nounou / crèche / halte jeux / maternelle vienne nous délivrer (et là on se plaint de ne plus avoir assez de temps pour eux). Et là ils tombent malade pour les années qui suivent. Le rhume continu, c'est le tarif minimum. Celui qu'on chopera aussi.
Tout ça pour dire que même quand ils sont "faciles" (c'est-à-dire qu'ils dorment raisonnablement la nuit, acceptent de faire une sieste, mangent sans trop de difficultés, tombent malades de trucs pas plus graves qu'un rhume / une varicelle et pas trop trop souvent, pas plus de tous les 15 jours), élever un bébé en essayant de le faire au moins mal, ce n'est pas FACILE.
Et encore, on a même pas évoqué les valeurs qu'on veut transmettre et qui se heurtent à plein de trucs. Le bleu pour les filles, le gamin qui veut faire de la danse. Les autres qui Savent. La déconstruction de tout un tas de chose, la construction d'autres, confrontées à ce que nos enfants en font.
Alors ok, globalement, on a fait exprès de les faire. Ils nous apportent, outre leur maillon de perpétuation de l'espèce, de l'espoir, de l'amour, du rire, des ouvertures vers plein de choses. Oui on savait. Ou on croyait savoir.
Et on ne les regrette pas.
C'est juste qu'ils nous transforment en esclaves éreintés de leurs besoins infinis. En paradoxes ambulants, jamais rassasiés de la joliesse de leur enfance, consternés par le temps qui passe, mais aussi dépités par le manque devenu total de temps personnel. Et inquiets. En permanence. Pour rien ou pour des trucs importants. On s'en passe. On se réjouit d'avoir 10 minutes seule une fois toutes les 6 ou 7 semaines. On endure, mais c'est dur.
Tout ça pour dire : ce sont nos enfants, nos choix, on les assume.
Mais par pitié, les copines. Ne minimisez plus, ne cherchez plus à vous excuser. Ne dites plus "pourtant j'ai de la chance, il/elle est facile".
Parce qu'aussi choupis qu'ils soient, aussi formidables, aussi merveilleux, non, ils ne sont pas faciles. Ce n'est pas facile.
Et il y en a marre de se plier à l'injonction de la mère parfaite qui traverse tout ça avec le sourire ébahi permanent.
C'est pas facile.
On s'en tire bien. Plutôt. Suffisamment. Enfin on espère.
C'est pas facile.
On en retire parfois une certaine fierté.
Mais ce n'est pas facile.
Et que ceux qui voudraient qu'on se taise là-dessus et qu'on ressorte nos sourires épuisés mais heureux 24 h / 24 aillent se faire cuire les fesses.
On a le droit de le dire.
Que ce n'est pas facile. Et oué, heureusement qu'il y a des moments de bonheur indicible. Sinon ça ferait bien longtemps qu'il n'y aurait plus d'humanité pour bousiller l'humanité, c'est moi qui vous le dit.