Je ne sais pas si c'est l'âge, le recul, l'expérience, mais je me suis rendu compte qu'on était très nombreuses à minimiser quand il s'agissait de s'épancher sur un sujet difficile lié à la maternité.
Du genre "j'ai les nerfs en pelote parce que mon bébé a hurlé toute la journée. Pourtant, c'est un bébé facile".
Stop.
Arrêtons.
Un bébé "facile", ça n'existe pas. Certes il y a des bébés gros dormeurs, des bébés qui ne font ni coliques, ni reflux, des bébés pétaradants de santé. Des bébés dont on dira ici qu'ils sont moins difficiles que d'autres.
Mais rappelons quand même qu'un bébé c'est un être en construction qui dispose de peu de moyens de communication. Pour la partie positive de la communication, ça fait des tas de bonheurs, pour la partie négative, c'est cris ou pleurs ou hurlements. Et TOUS les bébés pleurent. Oui, c'est usant, nerveusement. Oui c'est difficile de rester calme, sereine et positive après plusieurs heures de ce traitement.
Et puis les bébés ils ont une digestion très personnalisée. Ils mangent quand ça les arrangent, chient quand ça nous met le plus dans une posture compliquée. Et ils demandent des soins immédiats. Et puis quand ils commencent à sortir du biberon ou du nichon, c'est pour malaxer, pétrir, expédier, pulvériser de la bouffe PARTOUT. En plus on nous explique que c'est bon pour leur motricité. Et puis nous, ça ne peut pas nous faire de mal au "manger bouger" de nettoyer derrière eux plusieurs fois par jour, hein.
Quand ils grandissent, ils sont super maladroits. Ils se bugnent sans arrêt, explorent pile le centimètre carré douteux alors que vous avez sécurisé tout le reste de la maison. Ont un radar pour détecter un truc dangereux et se précipiter dessus où qu'ils soient. Ils ont besoin d'une surveillance permanente et même comme ça, ça ne suffit pas.
Ils ont un caractère impossible. C'est pas de leur faute, ça s'apprend, résister à la frustration. Pas de bol, c'est nous qui devons leur apprendre. Comme la patience. Et le pire, c'est qu'un bébé qui grandirait et ne piquerait jamais une crise ou ne s'amuserait pas à dire non à tout propos, on s'inquièterait pour lui.
Et puis ils s'emmerdent. Il y a besoin de leur proposer des jeux sur lesquels ils se concentrent / s'amusent, et des sorties pour prendre l'air, et des activités, et ceci et cela. Tous les jours. Jusqu'à ce que la nounou / crèche / halte jeux / maternelle vienne nous délivrer (et là on se plaint de ne plus avoir assez de temps pour eux). Et là ils tombent malade pour les années qui suivent. Le rhume continu, c'est le tarif minimum. Celui qu'on chopera aussi.
Tout ça pour dire que même quand ils sont "faciles" (c'est-à-dire qu'ils dorment raisonnablement la nuit, acceptent de faire une sieste, mangent sans trop de difficultés, tombent malades de trucs pas plus graves qu'un rhume / une varicelle et pas trop trop souvent, pas plus de tous les 15 jours), élever un bébé en essayant de le faire au moins mal, ce n'est pas FACILE.
Et encore, on a même pas évoqué les valeurs qu'on veut transmettre et qui se heurtent à plein de trucs. Le bleu pour les filles, le gamin qui veut faire de la danse. Les autres qui Savent. La déconstruction de tout un tas de chose, la construction d'autres, confrontées à ce que nos enfants en font.
Alors ok, globalement, on a fait exprès de les faire. Ils nous apportent, outre leur maillon de perpétuation de l'espèce, de l'espoir, de l'amour, du rire, des ouvertures vers plein de choses. Oui on savait. Ou on croyait savoir.
Et on ne les regrette pas.
C'est juste qu'ils nous transforment en esclaves éreintés de leurs besoins infinis. En paradoxes ambulants, jamais rassasiés de la joliesse de leur enfance, consternés par le temps qui passe, mais aussi dépités par le manque devenu total de temps personnel. Et inquiets. En permanence. Pour rien ou pour des trucs importants. On s'en passe. On se réjouit d'avoir 10 minutes seule une fois toutes les 6 ou 7 semaines. On endure, mais c'est dur.
Tout ça pour dire : ce sont nos enfants, nos choix, on les assume.
Mais par pitié, les copines. Ne minimisez plus, ne cherchez plus à vous excuser. Ne dites plus "pourtant j'ai de la chance, il/elle est facile".
Parce qu'aussi choupis qu'ils soient, aussi formidables, aussi merveilleux, non, ils ne sont pas faciles. Ce n'est pas facile.
Et il y en a marre de se plier à l'injonction de la mère parfaite qui traverse tout ça avec le sourire ébahi permanent.
C'est pas facile.
On s'en tire bien. Plutôt. Suffisamment. Enfin on espère.
C'est pas facile.
On en retire parfois une certaine fierté.
Mais ce n'est pas facile.
Et que ceux qui voudraient qu'on se taise là-dessus et qu'on ressorte nos sourires épuisés mais heureux 24 h / 24 aillent se faire cuire les fesses.
On a le droit de le dire.
Que ce n'est pas facile. Et oué, heureusement qu'il y a des moments de bonheur indicible. Sinon ça ferait bien longtemps qu'il n'y aurait plus d'humanité pour bousiller l'humanité, c'est moi qui vous le dit.
Commentaires
Merci pour cette pépite.
Que je pourrais encadrer rien que pour le "esclaves éreintés de leurs besoins infinis". Je crois qu'en ces quelques mots, tu as résumé toutes mes pensées, tous mes ressentis.
Alors: merci.
Et des bises par tonnes. :heart:
Pourtant la mienne elle est facile :devil: ok je sors, mais avant je dis quand même que j'adore ton texte :heart:
Floh câlins bisous solidaires !!
Luce on en reparle dans trois/quatre ans ? :D Merci !
Ca me parle de tous cette vie d'après, que, forcément, je n'entrevois encore qu'à peine, et à laquelle j'essaye de préparer mon amoureux (qui a tendance à croire que bon, à part les premiers mois, ça va pas changer grand chose, le temps de s'habituer, quoi :) )
Ca devrait me faire un peu peur cette note, mais en fait, ça me déculpabilise a l'avance, c'est pas mal :D
Des bisous :)
Oh ça va ! oiseau de mauvaise augure ! Son adolescence sera facile puisque je te dis qu'elle est facile !!! (c'est normale, je l'ai robotisé en même temps!) mdr!!! :heart:
Nasiviru vu le temps qu'on passe à culpabiliser puis à déculpabiliser, autant prendre de l'avance !
Ton amoureux va avoir des surprises, huhuhu.
Bien des bisous <3
Luce_hin. hin. hin.
C'est tellement ça, tellement important de le dire, de le faire entendre. Déjà en tant que père, c'est pas de tout repos, mais les mères, en plus, se fadent le regard social de l'instinct maternel et tout ce bullshit qui affirme que tu dois savoir te démerder et pas le droit de protester !
Que celles et ceux pour qui c'est facile avouent qu'ils ont loué le bébé à l'heure pour faire bien sur la photo :-P
Noé et encore, loué à l'heure, mais si c'est comme sur CETTE photo où tu as passé ton temps à lui cavaler après, déjà une heure, c'est long :-D :heart:
Ah non non, nous on n'a eu aucun souci, ç'a été paradisiaque :p
Stéphane je garde mes blagues pourries sur le fait que quand on les entend moins, forcément :ppp
(Je ne te crois TELLEMENT PAS !!! p-))
Bisous quand même !
Heureusement, pour vous aider il y a l'Église Catholique. Because if it takes a village…
Troll à part, reconnaître que c'est loin d'être facile la majorité du temps, et tendre la main avant d'être au bout du rouleau, c'est peut-être une bonne façon pour ne pas en arriver là.
Ce billet fait un bien fou ! Quand j'ai lu "Ils nous transforment en esclaves éreintés de leurs besoins infinis", j'ai pensé en mon for intérieur "et en plus on en redemande". Moi aussi je disais à qui voulait l'entendre que mon fils n'était pas contraignant, qu'il s'adaptait à tout et que c'était moins difficile que ce que j'imaginais. En vérité, à part faire stresser mes interlocuteurs qui avaient l'impression d'être des parents tombés sur un mauvais numéro (façon de parler), ça n'apportait rien... et après je n'osais même plus raconter lorsque ça n'allait pas.
Mes deux centimes :
Non, ce n'est pas facile. Pour toutes les raisons que tu cites, plus quelques autres (et d'autant plus, mais pas seulement, pour un premier enfant, et le bouleversement pour les nouveaux parents, et pour toute la famille élargie ... qui peut compliquer la tâche des nouveaux parents ... etc)
MAIS je trouve que si, il y a des bébés "faciles" et d'autres "difficiles" (même si je n'aime pas le terme... trouvons mieux). Et je me sens légitime d'en parler parce que ma deuze est facile, fait des nuits de 8h à deux mois, n'a pas de coliques, sourit souvent et si elle pleure, c'est rarement plus de cinq minutes et de deux fois par jour. Ma première se réveillait encore deux fois chaque nuit à 18 mois, mettait une heure à se rendormir, pleurait énormément (un reflux pas diagnostiqué je pense, une probable intolérance aux PLV et la faute à pas de bol surtout) ...Ce n'est pas de la faute des bébés, ça ne tient même pas, je pense, à leur caractère, mais oui, y a des bébés plus "faciles" (= qui ont moins mal, pour 80%) que d'autres.
Parfois, moi personnellement moi-même, ça me fait du bien de me rappeler que j'ai de la chance que ma deuze soit facile, mais en effet ça peut sonner autoculpabilisant (et je ne dirai jamais à personne "mais il est facile ton bébé, de quoi tu te plains").
Là où je te rejoins à beaucoup de pourcents, c'est que même avec un bébé facile, ça ne l'est pas, facile. Rien qu'après un accouchement (y compris de rêve comme les miens), il faudrait pouvoir dormir 48h et se reposer quelques semaines, et c'est pas tellement au programme.
Eric, comment dire, euh. Tu connais le sentiment religieux qui ne m'habite pas tellement, tout ça !
C'est exactement dans cet état d'esprit que j'ai eu envie d'écrire ça. Parce qu'on est tellement conditionné(e)s à intérioriser ce qui est difficile que demander de l'aide, passer le relais, ou même verbaliser qu'on en chie, ça devient presque impossible. Et on en arrive là. Et c'est trop tard en une fraction de seconde.
Aline bienvenue par ici :) Je ne suis même pas sûre que ça soit bon pour nos mômes, de leur coller cette image sur le paletot, au final. ;)
Minka oui, non mais on est d'accord, en fait :) C'est le mot "facile" qui m'exaspère plus que la réalité de bébés qui sont moins compliqués que d'autres, principalement parce que tout va bien.
En dehors du fait que la réalité de parent ne l'est pas, même si on oublie vite, je trouve que c'est un adjectif inadapté.
Mais il y a des bébés de bonne composition, de nature adpatable, etc.
Quand je vois Lomalarchovitch en pleine crise de "dès qu'on me contrarie je gueule", mais qu'en fait son pleur ou son cri dure moins de dix secondes, je me dis que sa pré adolescence des 20 mois bénéficie de son caractère jovial.
Pour autant 37 fois par heure, c'est chiant, toute la journée :D
En fait je trouve "de bonne composition" aussi emmerdant que "facile" : les autres sont pas de mauvaise composition ... jovial c'est cool :)
Merci pour ce billet en tout cas, tu entends le grand soupir de soulagement collectif à la lecture ?
Mouahahahaha. :p Oui les bébés ce sont tous des démons !!! (Donc nous également ! ^^)
Minka tu as raison (sur la composition :D) Sur le soupir, tant mieux, ça fait gagner du temps, parfois, de déculpabiliser !
Matoo voilà ! Surtout les jours de gastro !
Huhu Sacripanne tu vois clair dans mon jeu.
En fait, pour être tout à fait sincère et raccord avec ton billet, nous avons à un moment eu une pensée pour les mères seules accusées d'avoir tué leur enfant, et comment tous les bien-pensants disent que oulàlà-jamais-de-la-vie-quel-monstre.
Or, à certains moments, l'épuisement physique, mental et donc moral est si fort qu'on s'est félicités d'être deux. Prends ce bébé qui me hurle dans les oreilles avant que je le tue parce que mon cerveau est incapable de voir une autre issue. (Je ne dis pas qu'on a eu souvent cette réaction, mais on s'est surpris une fois ou deux, soit environ une seule fois par enfant, moyenne honorable.)
Au final on s'en sort bien, maintenant ils ne hurlent plus, ils nous collent des poissons dans le dos, les petits cons. ;)
Stéphane mon père m'a transmis une vérité ultime qui m'a beaucoup aidée : c'est normal d'avoir parfois envie de les jeter par la fenêtre. Ce qui n'est pas normal c'est de le faire.
C'est couillon et on pourrait discuter des heures sur le sens du mot normal, mais mine de rien, ça fait un bien fou.
(Et oui, être deux et même plus parfois, putain, que c'est moins compliqué).
Tu m'étonnes que ça ne doit pas être facile. Même si je ne suis pas maman, j'imagines un peu le truc en entendant les crises que certains peuvent faire dans le train ou dans les magasins, bien que les pleurs de ma petite nièce me semblent plus supportables que les autres ^^.
Je me demandes ce que donnerais la version pré-ado de cet article? Non, je n'essaye pas du tout de t'influencer ^^.
Ankama-chan vu l'évolution de ma grande, bientôt dix ans, je pense que tu n'auras pas beaucoup à influencer, va !
Le plus marrant c'est qu'une fois sorti de l'âge tendre "bébé", les parents ont une petite pause avant que l'enfer reprenne quand l'enfant chéri devient ado.
Etre en construction, régime alimentaire anarchique, goût pour les trucs dangereux, communication compliquée, difficile à occuper, tout ça recommence... Courage ! ;)
heidi m'en parle pas, la plus jeune des prunelles de mes yeux est rentré tout égratigné après s'être bagarré à la halte-jeux. DÉJÀ !!!!
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