Le monde des gens à tailles standard ne mesure pas à quel point vous nous haïssez, ni à quel point vous déversez cette haine contre nous. Quotidiennement.

Je vais redire ce que d'autres que moi disent à longueur de journée : en plus vous êtes, conscience bien tranquille, vautrés dans votre bonne conscience. C'est pour notre bien, c'est pour notre santé. Bullshit. C'est parce que ça vous agresse, pas parce que vous vous souciez de notre bien-être. Si les humains se souciaient du bonheur des autres, on en serait pas à se demander comment on va mourir : du fascisme, du climat, ou d’un mélange des deux. On ne tuerait pas des gens, on ne ferait pas la guerre.

Donc votre bienveillance supposée, on est pas dupes, merci.

Ca commence en général par la famille (avec un délicieux effet de raisonnement cognitif fucked up, ce sont les mêmes personnes qui vous reprochent de ne pas avoir repris de leur plat qui vous reprochent d'être trop gros(se). Oui, reprochent).

La médecine s'ensuit généralement. Le matériel pas adapté, pour certain(e)s, les médecins qui confondent facteur de risque et horoscope. Car hey. Oui, on peut être gros(se) et en bonne santé. De mon côté, j'ai eu un médecin qui m'a harcelée sur mon alimentation pour une question de blessure au genou liée à une chute. "De mon temps, on ne mangeait de gâteau que le dimanche".

Alors on peut, si on a du bol, trouver des praticiens intelligents et bienveillants. Pas tous, pas partout. C'est un boulot dantesque et on finit tous par éviter, parfois ou souvent, c'est selon, d'aller chez le médecin parce que : marre. Actuellement je suis sous la "menace" de mon endocrinologue qui veut absolument suivre ma glycémie à la culotte. Alors si vous voulez tout savoir, sauf les quelques jours de vacances où je ne décide pas ce qu'on mange et quelques restaus, mon alimentation c'est au moins 50 % de fruits et légumes, 1500 calories par jour et moins d'apport en glucides que ce qui est toléré par les applis de contrôle du diabète. Et avec ça : mon poids est stable. Je sais ça parce que je prends des notes en vue de cette fameuse prise de sang pour expliquer à ma toubib que je mange comme un moine. Et je sais qu'il y aura une remarque, même pour rire, qui dira "oui mais il faut tout noter" (dont acte).

"Ah oui mais les gros, il suffit qu'ils arrêtent la junk food, les desserts et qu'ils se mettent au sport." (Rions sur l'ignorance crasse des conditions de vies des gens par ceux qui ont la chance d'avoir un métabolisme favorable.) On s'en fout, chacun vit son rapport à mouvement physique comme il veut. Dans mon cas, ça va me vider la tête et me muscler un peu. Et c'est tout. Quand je faisais 20 bornes à vélo et 1 km de natation par semaine, je n'ai pas perdu un kilo. Pour moi, ça n'était pas le but mais vous n'imaginez pas comme ça a déçu bien des gens, qui ont décrété unilatéralement que je devais me gaver par ailleurs.

Moi, je suis contente : la piscine près de chez moi va rouvrir, je vais aller, lentement mais sûrement, nager mon kilomètre hebdomadaire d'une traite. Alors que des mecs minces et musclés le feront plus rapidement mais en s'arrêtant pour souffler comme des bœufs à chaque longueur. Je ne juge pas, hein, mais leur cardio est un peu faiblard, quand même.

L'école n'est pas tendre, il y a des statistiques sur la discrimination au recrutement et à la promotion des personnes grosses comparées à d'autres dont les qualités professionnelles sont équivalentes. J'ai chopé un "son poids la dessert" dans un rapport secret (pas de bol, il a fini sous mon nez) fait par mon boss à son boss sur des équipes en place. Parce qu'une meuf qui fait de la comm (à l'époque) ça doit être mince, en fait.

Et je ne parle pas des relations aux autres, notamment dans le cadre amoureux. J'ai vu une copine, une fille formidable, magnifique, saine, bien dans ses baskets, intelligente, drôle (non ça n'est pas moi) vivre un très joli début d'histoire avec un mec. Et puis il l'a présenté à ses copains. Des gens éduqués, plutôt cultivés. Qui se sont moqué de lui parce que sa copine "il y en avait pour plusieurs" ou qu'elle était "moins sortable" que son ex. Ce sont des citations exactes. Il a commencé par la larguer comme une merde, avant de lui proposer une relation clandestine (et elle lui a dit merde et vit maintenant sa meilleure vie avec un type formidable).

Sans parler du monde entier qui insiste sur le fait que pour choper un mec digne de ce nom, il faut ressembler à une photo de magazine. Perso, le mec qui n'a de désir que pour des meufs à ventre plat et qui passent des heures à se préoccuper de leur apparence, qui sera de toute façon retouchée, merci mais non merci. Mais regardez autour de vous, comptez les meufs au régime, en rééquilibrage, qui sortent de chez la manucure, du salon de beauté, etc etc. Et qui clament qu'elles font ça pour elles, hein. Alors oui, un peu, peut-être. Mais ne me faites pas croire que les injonctions à la beauté (telle que décrite et prescrite par notre société tellement inclusive qu'elle hait tout le monde ne comptent pour rien.

Quoi qu'il en soit. C'est un truc avec lequel je vis et que j'ai mis des années à mettre à une place raisonnablement gérable. Ca ne veut pas dire que parfois je n'ai pas des pensées de merde à ce sujet. Pas pires grossophobes que les gros. Mais la majorité du temps c'est juste un fait et j'ai la chance d'être plutôt entourée de gens qui pensent sainement. Alors parfois je soupire quand une crevette fait gaffe à son poids de forme ou à son summer body, mais bon, chacun ses complexes et ils sont aussi légitimes (ou aussi peu) les uns que les autres. Je suis en train de péter la gueule aux miens en prévision d'une journée en équipe un jour de grosse chaleur annoncée, dans un lieu avec piscine. Et oui, même s'ils sont presque tous jeunes, beaux et minces, je compte immerger mon gros cul dans la piscine quoi qu'il en soit (25 ans de boulot pour en arriver là).

Donc généralement, ça va, disais-je.

Jusqu'à ce qu'une commentatrice récente de ses lieux, dans une volonté acharnée de me comparer à un personnage de fiction (je tiens à certifier ici que je suis une vraie humaine de la vraie vie), me dise que ce personnage de fiction et moi avions en commun des "rondeurs exagérées" (je cite).

Je suppose que c'était supposé être bienveillant.

Le CNRTL (mon amour) me dit que exagéré, c'est "Qui présente un aspect excessif".

J’espère que c’était juste maladroit — j’essaie de ne pas voir le pire d’emblée chez les gens. Les gens ont de ces tournures pour ne pas dire gros(se), comme si c'était un gros mot.

Il n'en reste pas moins que cette formule, en plus d'être grossophobe, est un jugement violent sur le corps d'autrui. Oh tu es grosse, tu exagères, en somme. Ben écoute, non. J'ai rien fait pour ça, rien choisi. Juste la vie. Le fait de descendre de boomers, d'avoir un métabolisme défavorable à la minceur (oh tiens, on est quasi tous gros, dans ma famille, deux branches confondues). L'industrie agro alimentaire. Des traumas. Qui sait.

Je vous invite à essayer de vous faire une idée en consultant ce schéma très simple.

Causes multifactorielles de l'obésité.

Que vous trouverez ici.

Monde des normaux (et des gros qui portent des jugements sur eux et leurs pairs), éduquez-vous, s'il vous plaît. Si vous devez nous insulter, volontairement ou pas, faites-le au moins avec intelligence et un peu de connaissance du sujet.

Et globalement, ce que vous pensez de mon gras ou de celui des autres, j'en ai rien à foutre. Celles et ceux à qui ça ne plaît pas peuvent bien aller se faire cuire le cul. (Je vois les anciens qui trouvaient que ça faisait longtemps).

Une planche sur la mer, dessus : de nombreux enfants, à la propulsion : moi.

Commentaires

1. Le jeudi 26 juin 2025, 12:27 par Matoo

I FEEL YOU SISTA!!!
Et moi j'ai le privilège masculin qui est juste incroyable à ce niveau, donc je compatis sincèrement.
(J'ai eu plus de chance avec l'endocrino qui s'est excusé d'un rapport de médecin qui parlait d'un "patient obèse", et qui m'a dit que ce n'était vraiment pas délicat et qu'il n'emploierait pas ce mot même s'il est relativement médical avec moi.)

2. Le jeudi 26 juin 2025, 12:27 par Alana

Je t'aime d'amour coupine.

3. Le jeudi 26 juin 2025, 12:34 par Sacrip'Anne

Matoo ça fait partie des mots médicaux mais qui font mal (comme : nullipare pour une femme dont c'est la première grossesse). Ca fait partie du chemin, aussi, de se les réapproprier pour ce qu'ils sont, je trouve. Mais oui, même si je pense que le monde n'est pas tendre avec les hommes gros non plus. Pour les meufs c'est juste impardonnable. Imagine, comme si on faisait exprès de s'en foutre du regard des autres ! Tout foutrait le camp !

Alana moi encore plus :p

4. Le jeudi 26 juin 2025, 15:50 par La Mume

Dès mes 8 ans on m'a affamé toute ma famille, je n'étais pas dans leur moule, à 15 ans 165 cm, mensurations 95 67 95 ... rien d'expensif ! Les maternités m'ont tué, à 18 ans le corps ravagé.Aujourd'hui depuis mon lit de douleurs,jsuis trop maigre !! Foutage de nous... Résiste belle enfant,tu es TOI 😋😍😍🌹

5. Le jeudi 26 juin 2025, 17:12 par Sacrip'Anne

La Mume je résiste, t'inquiète !

6. Le jeudi 26 juin 2025, 18:17 par Anita

Alors très bonne baignade ! Cela va te faire grand bien.
Je crois que le monde médical est très souvent cruel. Auront-ils un jour conscience des effets de leurs paroles et regards ?
On ne choisit pas son héritage génétique. C’est pénible d’avoir à se justifier.
Chacun a le droit d’exister tel qu’il est, et franchement je comprends ton ras-le-bol !
Des bises amicales

7. Le jeudi 26 juin 2025, 18:34 par Franck

Y'a une formule que j'aime bien :

« How to have a beach body?
— Have a body,
— Go to the beach! »

Des bises !

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