On est punis en banlieue.

Je viens d'en avoir la démonstration.

J'avais bien vu "averses" sur mon appli météo. Mais aussi des éclaircies et une vague promesse de soleil. J'ai même regardé les prévisions à Colombes ET Paris parce qu'on ne me la fait pas, à moi.

Evidemment par la fenêtre, ça avait l'air tonique, comme averse. Mais confiante en l'avenir que je suis, même pas peur, me voici partie armée de mon parapluie [1] et, c'est important pour la suite, vêtue d'une robe longue en coton. Mouillée pour mouillée, au moins je sécherai plus vite qu'en jean, m'étais-je dit. Cette force de prédiction va vous étonner.

Me voici donc sortie de l'immeuble, et c'est pas de la pluie, c'est le déluge. Il y a une pellicule de flotte sur le trottoir, les flaques sont infranchissables d'un bond, les caniveaux vomissent de la flotte, l'enfer.

A peine franchies les quelques centaines de mètres qui me séparent de l'arrêt de bus, je suis trempée des pieds aux genoux.

Foutue pour foutue, je m'engouffre dans ledit bus, qui a le bon goût de se pointer immédiatement et de m'emmèner au métro. Répétition du déluge pour aller de l'arrêt à l'entrée de la station (où les sortants campent, indécis, sur le seuil, contrariés par l'humidité ambiante et nous empêchant, nous autres, pauvres créatures trempées, de se mettre au sec. C'est pas pour balancer mais j'ai trouvé ça assez indélicat.)

Je finis par entrer et constate que ma longue robe, désormais gorgée d'eau, a rallongé de dix bons centimètres, ce qui la transforme en serpillère portative et moi en pauvre chose humide et renfrognée.

Bref, le trajet se passe, j'émerge à Liège où une petite pluie polie m'attend. Rien de traumatisant. C'est là qu'on voit les inégalités entre les quartiers bourgeois et les banlieues populaires, je trouve. A nous, les pauvres, la pluie épique, dantesque, et surtout mouillée. Aux riches les petits crachins médiocres.

Ma robe rallongée[2] et moi émergeons de la station, parapluie en main. Un pan de ma robe pendu au crochet de mes doigts, j'arbore le plus pur style princesse, celui-là même qui a fait ma gloire ces dernières décennies (hum) pour éviter de voler le travail des cantonniers parisiens. Enfin princesse qui montre ses jambes, du coup, mais on est en 2024.

Si vous me cherchez au bureau et que je n'y suis pas, c'est sans toute parce que j'aurai trouvé un pressing dans lequel je contemplerai, en soutif et culotte, un sèche-linge en train de faire son office (et si ça se trouve, ma robe aura tellement rétréci après que je ne pourrais plus la mettre, hahaha).

Je sèche, comme je peux, en maudissant l'inégalité sociale qui est la nôtre, même devant la météo.

___

Je déverse beaucoup, et sur beaucoup de blogs différents, ces jours-ci. Sans doute parce que j'ai toujours pris internet pour un psy pas trop chiant, un peu parce que "Parfois, on écrit comme on se déshabillerait devant la fenêtre, sans faire attention si le voisin est là ou pas." [3] J'ai même ouvert un blog de célibat, c'est tout dire. Si ça vous saoule, ignorez-moi. Un jour je serai de nouveau feignasse du blog et vous regretterez ce contenu d'une qualité contestable mais abondant.

Notes

[1] Neyrat, pour les connaisseurs, j'ai le snobisme bourguignon en matière de parapluies. Salut la team 7-1, salut Autun !

[2] Le premier qui me demande si ce n'est pas moi qui ai rétréci, je l'assomme à coups de parapluie.

[3] Cette phrase de mon tout premier blog m'a tout de même valu d'être citée par Pyschologies Magazine il y a deux décennies, on a les gloires qu'on peut, mais excusez-moi du peu.

Commentaires

1. Le jeudi 4 avril 2024, 10:40 par Jenny

Lectrice d'autrefois, je reviens après une longue parenthèse et je prends un grand plaisir à lire tes billets forts bien écrits et qui me font tout à fait voir les scènes que tu dépeins !

2. Le jeudi 4 avril 2024, 11:08 par Sacrip'Anne

Coucou Jenny ! C'est rigolo, je repensais il y a quelques jours à notre couscous parisien d'il y a une éternité !! Merci beaucoup !

3. Le jeudi 4 avril 2024, 11:29 par Jenny

Je n'étais pas encore maman, je crois... Ce qui voudrait dire que ça se passait il y a plus de 18 ans... J'aimerais bien te recroiser (ou plus).

4. Le jeudi 4 avril 2024, 11:46 par Sacrip'Anne

Ouh la. Moi non plus... 2005 peut-être ? Donc oui, ça mérite amplement une mise à jour Jenny ! Quand tu veux, je t'envoie mes coordonnées par email !

5. Le jeudi 4 avril 2024, 17:42 par Iceman

Quelle aventure, quand ce matin je franchissais avec un pantalon de travail les rigoles, caniveaux et mares qui lorgnaient vers l'étang pour me rendre à mon lieu de travail...Déjà les quelques kilomètres en voitures m'avaient laissé pensé à une croisière nocturne. Mais quel paradoxe ensuite d'avoir 24° dans cette foutue pièce puis de ressortir de ce bunker sous un soleil printanier.
Y'a plus de saison ? Y'a aussi de l'injustice face aux tenues imposées pour ce type d'exercice. Car avec un pantalon modulable en short, j'en serai sorti plus heureux (mais plus moche aussi)

6. Le jeudi 4 avril 2024, 17:56 par Sacrip'Anne

Iceman je suis actuellement en train de boire un thé en terrasse. Les giboulées d'avril, que veux-tu.

7. Le jeudi 4 avril 2024, 22:27 par Tomek

…je l'assomme à coups de parapluie
Et un Neyrat, c'est costaud ! ;)

8. Le jeudi 4 avril 2024, 22:29 par Tomek

(note 1 : les émoticônes déconnent ?)
(note 2 : la publication de mon commentaire m'a renvoyée en page d'accueil, étrange)

9. Le jeudi 4 avril 2024, 23:03 par Sacrip'Anne

Tomek oui, ne lésinons pas sur la qualité des objets contondants. Et m'en parle pas, ce blog part en cacahuètes. Disons que le mainteneur est désinvisti de la situation. Désolée, je vais essayer de comprendre quoi / comment faire !

10. Le vendredi 5 avril 2024, 08:38 par Jenny

J'ai retrouvé la date du couscous.... le 30 juillet 2005 !!!

11. Le vendredi 5 avril 2024, 09:45 par Sacrip'Anne

Oh fan. On était jeunes. Merci pour l'enquête, Jenny !

12. Le vendredi 5 avril 2024, 09:59 par Matoo

Nan mais c'est le bonheur tous ces articles !! Remplis-moi le Feedly Anne !!!! :devil: :devil: :devil:

(On n'est jamais autant productif que quand on est malheureux et célibataire, c'est vrai. Profites-en tant que ça dure. ;) )

13. Le vendredi 5 avril 2024, 10:36 par Sacrip'Anne

Matoo "non mais reste malheureuse, merde, j'ai rien à lire !" (Je ne suis pas sûre d'être malheureuse. En plein cycle essorage, ça, c'est sûr)

14. Le vendredi 5 avril 2024, 15:48 par Matoo

Le nombre de personnes qui ont pu me dire "Depuis que t'as un mec, il est chiant ton blog." :D :D :D

15. Le vendredi 5 avril 2024, 16:57 par Sacrip'Anne

Matoo mais enfin ! Chiant non ! Moins instructif, sans doute !

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