Bousculade du type qui me marche dessus pour choisir ses brocolis. Bousculade du gamin qui a besoin d'écarter les coudes pour jouer dans le métro pourtant pas bondé. Agacement. Dézoome, calme-toi, meuf. C'est juste des gens qui voient droit devant, qui écoutent leur besoin et oublient l'existence de l'autre. Pas des méchants, juste centrés sur leur présent à eux.
Dézoome ? Ah ben pas tellement mieux à l'échelle de la politique, de l'humanité. Crise du moment ? Non, je suppose que le monde humain a toujours été comme ça. Guidé par ceux qui veulent plus, qui veulent tout. Combien de civilisations détruites, pillées, oubliées, depuis le début ? Combien de fois le profit d'une petite poignée au détriment du collectif ?
Parlons-en, d'ailleurs, du collectif. On est seuls, du début à la fin, ou presque. Que deviennent ceux qui militent pour le bien-être commun quand il va s'agir du collectif au détriment de leur individualité ? Combien, finalement, pour accepter de laisser un bout de leurs besoins à eux pour la stabilité du groupe ? Tellement peu.
Tellement peu de gens pour faire gaffe aux autres, un peu. Tellement peu qui se servent de la connaissance d'eux pour mieux écouter l'autre et construire des façons de vivre qui iraient bien aux uns et aux autres.
Surtout, tellement peu pour se souvenir de la vanité de tout ça. Notre passage si court sur cette terre ; la fin imminente à peine avons-nous vu le jour.
Rien n'a de sens, absolument rien que l'amour qu'on donne, si on a de la chance, celui qu'on reçoit. La joie d'être observateur de la beauté du monde, une fois de temps en temps. Les moments d'élévation liés à l'art, les quelques fois où on se sent lié à quelqu'un(e), rien qui ne laissera de trace... Tellement peu de temps pour en profiter. Les hurlements du monde qui nous en détournent.
Nous sommes si mortels.
"Le problème, Huck, c'est que t'as jamais grandi, toi. Tu vis toujours dans cette sorte de rêve d'un monde qu'existe pas."[1]
Call me Huck.
Note
[1] Dans "Huck Finn et Tom Sawyer à la conquête de l'ouest" de Robert Coover
Commentaires
So so true. Y compris nos blogs autocentrés, vaines traces dans l'univers, même si, toi ou moi et d'autres nous efforçons d'y ajouter du sens, un peu d'amour.
Oui ! Toujours utile de rappeler que nous sommes poussière et retournerons à la poussière.
Laurent je suis toujours espantée de voir les gens qui nous lisent pendant des années (merci). Jolie foule sentimentale, sans doute. Mais même avec cette petite foule, on est si peu nombreux. Si peu durables. (Des bisous)
Ouais, j'ai des souvenirs de gens qui bousculent avec mépris en te croisant sur les trottoirs de Montrouge, considérant que nous n'avons rien à y faire.
Quant aux i-zombies (les ceusse qui sont focus sur leur smartphone), … fatigue :-)
Dépasser une dame sur un trottoir et déstabiliser sa trajectoire, bien malgré soi, ça vient d'arriver et c'était moi le tank. Comme quoi... Je ne sais pas si vous allez parfois à So Ouest, mais les allées du Leclerc sont grouillantes de caddies indifférents aux pieds sensibles. On prend peu soin de l'autre et la galanterie, la politesse, la simplicité de communication se raréfient. Nous sommes pourtant bien tendres au-dedans et conscients de nos dates de péremption. Je lis une merveille de Ryoko Sekiguchi, sur Beyrouth, la France, le Japon, tout est relié par la cuisine libanaise, en une succession de petits textes, profonds. C'est à peu près le seul intérêt de ce commentaire.
Franck faut croire que vivre les yeux ouverts ça fait peur.
Créatinine je note la référence, merci :)
Nous sommes cependant quelques Huck mais toi tu écris si bien...
Comment coordonner les Huck et inviter les autres à prendre leur petite part...
Des bises du Nord
Merci, Lysa c'est très gentil. Je crois que je suis très désabusée du militantisme et de la politique (au sens premier du terme), ces temps-ci... alors je ne sais pas bien comment répondre à ta question.
Je dezoome et je me dis que le pietineur a des enfants, que le gamin a des parents... Éducation, individualisme ambiant. Ce ne sont pas mes valeurs mais d'où ca vient car au fond ce n'est pas nouveau. Et souvent j'observe les comportements chez touristes et files des aéroports ou à l'étranger.
Nature humaine ou culture collective?
Quant au blog comme manifestation de l'individualisme, c'est souvent le contraire lorsque partage expériences de tutos, etc..
Didier(iceman) curieusement ce billet commençait par des histoire d'individualisme mais parlait surtout de la fragilité de la vie et de l'incapacité de l'homme à la regarder en face, au lieu de chercher à faire plus ou mieux ou plus riche que les autres. Dont acte, il n'y a que moi qui m'en sois aperçue !
Quant aux blogs, à vrai dire, je m'en fous. Les miens sont mes psys, mes copains, ceux sur qui je pose des mots pour pouvoir respirer dans la vie, et je ne me suis jamais posé la question de leur utilité collective. Rien n'ayant beaucoup de sens... pourquoi en chercher à quelques pixels perdus ?
Sur ce, je vais écrire une déclaration d'amour dont les gens penseront que c'est le mode d'emploi de mon lave-vaisselle !!!
(Je rigole, euh).
Je suis malade, j'ai pas la foi d'aller chercher le passage exact, mais à la fin de Hogfather de Terry Pratchett, il y a tout un dialogue où un personnage explique à un autre que si le père Porcher (l'équivalent du père Noël sur le Disque-Monde) meurt, le soleil ne se lèvera pas le lendemain. Poussé à expliquer exactement ce que ça signifie, il dit "le soleil ne se lèvera pas ; il n'y aura plus qu'une boule de gaz en fusion". Quand l'autre personnage, en colère, lui demande quelle est la différence, le premier dit qu'il faut commencer à croire à de petites mensonges, le soleil qui se lève, le Père Porcher, pour croire ensuite aux grands mensonges, la justice, l'amour.
C'est resté avec moi, cette idée que c'est en croyant aux idées qu'on les fait exister. Et pour notre court séjour sur Terre, je trouve qu'on vit mieux avec ces idées de justice et d'amour que sans.
Anna carrément. Des bisous qui guérissent tout.
Ton constat est pessimiste, et comme tous, j'ai des trous d'air.
Bon, de mon côté, je persiste, même si les motifs de découragement sont nombreux. Il y a des manières de faire et de dire, de l'altruisme, de la civilité, de l'entraide, du partage qu'on peut illustrer dans tant d'actions de tous les jours. Et je ne lâcherai pas.
Des sourires et dézoome !
Ohlala K je ne sais pas. J'ai toujours trouvé que l'humanité dans sa globalité était une catastrophe mais que ça et là, des touches d'humains donnaient de l'air pour survivre. Alors pessimiste, sombre, réaliste, cynique, je ne sais pas. Mais profitons de ce qui est beau tant que c'est là.
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