Oui, d'accord, les temps changent, les choses évoluent. Les traditions font place à un peu de modernité, il est moins difficile de vivre hors des règles établies.

Mais quand même.

Même en mesurant à l'aune de ma vie, on se rend vite compte que le poids des règles plus ou moins dites de la société est lourd sur nos épaules.

L'idée générale est quand même que, pour une vie sans question, on va faire des études, rencontrer une personne avec qui on va se marier (vivre à la colle est mieux accepté, grande fantaisie dans le cadre), avoir 1,8 enfant (le "choix du roi" est un plus aux yeux de votre concierge), filer des vieux jours sereins après avoir dévoué une vie au labeur car le mérite, ma bonne dame.

Bon.

Pour le boulot je suis environ dans les clous.

Je ne me suis jamais mariée parce que non merci, le capitalisme patriarcal, ou parce qu'aucun mec n'a instillé en moi l'idée que ça pourrait être chouette. J'ai deux enfants de pères différents, dont un n'a pas le même genre qu'à sa naissance.

Vous allez vous exclamer qu'en 2024, ça ne pose pas questions et que d'ailleurs il y a un épisode de "Plus belle la vie" qui justement en parle, je peux vous assurer qu'au quotidien, ça demande un peu de caractère pour résister à la merde qu'on vous déverse dans les oreilles.

Ou de réaliser aux grands yeux de votre interlocuteur qu'il va falloir faire preuve de patience pour concilier sa vision de la vie à la vôtre.

Ca arrive : tous les jours. Les questions plus ou moins intrusives, plus ou moins maladroites, les piques pseudo humoristiques, les blagues pas drôles. C'est fatiguant. Et encore, je suis blanche, hétéro et éduquée, avec une garde rapprochée qui s'en fout et des parents qui me soutiennent. Imaginez... sortir du cadre quand on a déjà un sacré cumul de préjugés contre soi...

Si encore j'aimais Noël, comme les bonnes gens... mais non, je m'en fous, comme de Pâques, ou de mon anniversaire. Enfin je prends les jours fériés avec joie (pas pour mon anniversaire, malheureusement) mais pas les passages obligés.

L'autre jour, je racontais à une jeune collègue avec qui on vient de mondes assez différents que j'ai au moins une année par décennie où je me plante complètement sur mon âge (avec une tendance au vieillissement), et la gamine me répond "oui mais en même temps quand on est seule, c'est plus simple de se dire qu'on s'en fout plutôt que de penser que personne ne va nous inviter au resto".

Ca m'a un peu séchée.

Parce qu'en fait la dernière fois qu'on m'a invitée au resto pour mon anniversaire, c'est une amie qui était la puissance invitante. Et que ça faisait de longues années que ça ne m'était pas arrivé, avant. Je veux dire, il est déjà arrivé à mon ex et mes enfants d'oublier complètement mon anniversaire, alors un restaurant...

Bref.

Oui, le fait de choisir d'être hors cadre vous met face à des moments de solitude, comme ça. Comme plein d'autres. Le monde vous rappelle qu'on vous tolère plus qu'on ne vous accepte.

Et on relativise vite fait. Quitte à ne pas être dans le cadre, tant pis. Iconoclastes de tous pays, unissons-nous. Ca nous coûtera parfois des larmes amères et la sensation d'être abandonnés sur le côté de la route.

Mais si cette solitude n'est pas nouvelle, juste plus visible au monde, particulièrement au moment où la pression sociale s'exerce, qu'avons-nous perdu ?

Rien. Ou plutôt si, l'obligation de se conformer, le sentiment aigü d'être moins seul(e) avec soi qu'accompagné(e).

Ca demande un peu de cran, souvent. Mais c'est riche de beaucoup de choses qu'on imagine pas forcément.

(Merci Constantin pour l'illustration)

Commentaires

1. Le mardi 23 juillet 2024, 22:31 par NP

Comme je te comprends, j'ai toujours été hors cadre mais le pire pour les bonnes gens est le fait de ne pas avoir eu d'enfant par choix. C'est ce qui m'a value le plus de questions déplacées, intrusives et malsaines... Mais bon, j'aurais été bien malheureuse si je m'étais forcée à entrer dans le cadre.

2. Le mercredi 24 juillet 2024, 07:51 par Cinabre

Ta vie est ta vie
Ne te laisse pas abattre par une soumission moite
Sois à l’affût Il y a des issues
Il y a de la lumière quelque part
Il y en a peut-être peu Mais elle brise les ténèbres
Sois à l’affût
Les dieux t’offriront des chances
Reconnais-les Saisis-les
Tu ne peux battre la mort
Mais tu peux l’abattre dans la vie
Et le plus souvent tu sauras le faire
Le plus il y aura de lumière.
Ta vie, c’est ta vie. Sache-le tant qu’il est temps

Tu es merveilleuse
Les dieux attendent cette lumière en toi.
▬ Charles Bukowski
3. Le mercredi 24 juillet 2024, 08:38 par Sacrip'Anne

NP et tu as bien fait. Je ne comprends pas cette injonction à se reproduire si elle n'est pas profondément souhaitée, c'est déjà terriblement difficile d'élever des enfants désirés...

Cinabre ouah. Merci.

4. Le mercredi 24 juillet 2024, 13:49 par Anna

Que le cadre aille se faire voir s'il ne protège que le statu quo. Câlins, ma belle.

5. Le mercredi 24 juillet 2024, 16:32 par Sacrip'Anne

Je suis bien d'accord, Anna sinon j'aurais fait ma vie autrement, notamment. Mais bon. On est pas trop nombreux, quoi. Des bisous.

6. Le vendredi 26 juillet 2024, 16:29 par Luceluciole

J'ai toujours dis que je déborde des cadres, y a toujours un truc qui s'en échappe chez moi. Trop grande, trop grosse, trop grande gueule, trop tout pensent-ils, mais c'est le cadre qui est trop étriqué en vrai ;-)

7. Le vendredi 26 juillet 2024, 21:10 par Sacrip'Anne

Luceluciole étriqué et raide comme un passe-lacet !

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