Objectivement, hier c'était une journée de merde. En réunion du matin au soir, déjà. Pas toujours avec les manchots qui glissent le plus loin sur la banquise, en plus. Je déteste ça. Réveillée depuis 4 heures du matin, j'avais atteint les limites de ma patience vers 9h32 environ. Et puis finalement, Cougarillon m'ayant piqué ma place dans la salle pendant que je présentais un truc, j'ai déménagé près d'autres voisines, l'air s'en est trouvé allégé et je me suis mise à collectionner des bribes de jolies choses pour ne pas laisser les contrariétés de la vie réelle m'entraîner dans leur spirale de l'enfer.
Le café dans le soleil du matin, déjà. Dans peu de jours, on fêtera notre anniversaire d'emménagement. Mon téléphone est empli de photos toutes semblables mais jamais identiques. Trouver la vue du matin (souvent vers l'est, car, comme vous le savez, c'est là que le soleil point et que la lumière est dingue à cette heure matinale, mais dans mes grands jours, j'immortalise le tour complet). Souvent en poster une sur les rézosocio parce que la beauté, ça se partage, sinon ça ne sert à rien. Presque toujours en envoyer à de rares favoris, en forme de "bonjour, je te pense, là, tout de suite".
Des nouvelles de mon ancienne alternante, désormais en CDI, qui nous a fait une énorme frayeur et qui, finalement, n'a rien de grave. Ouf. Une réunion qui finit à l'heure, on avait pas vu ça chez nous depuis l'assassinat de Jules César, environ. Un déjeuner sur le toit, deuxième de l'année. J'ai rosi, paraît-il. Toute le monde n'a pas la chance de bronzer en tranche napolitaine sans jamais arriver au chocolat, que voulez-vous. #OuitièmeBelge
Une réunion pour un projet plein de bonnes idées mais dont la mise en place est claquée au sol. Sauf que le mec qui a lancé l'idée est tellement positif, plein d'envies et ok pour simplifier tout ce qui peut l'être que... finalement, ça fait du bien au baromètre professionnel de passer une heure avec lui, dites donc. On a même réussi à ne pas dire du mal de...
Mes collègues, leurs rires, leur drôlerie, notre complicité, l'amitié qui s'est fabriquée derrière notre proximité professionnelle. Les consolations à la jolie A. qui s'inquiète pour son grand bébé malade et à qui ça fait du bien, je crois, les hugs et les confidences croisées avec Cougarillon, jamais radin sur ces sujets, les malices de Garan "la choute", les rigolades à peines déguisées avec Elo pendant une réunion très sérieuse et nos babillages subséquents [1]. Je ne sais pas ce que nous deviendrons quand nos prochaines étapes pro nous auront éparpillés façon puzzle. Mais en ce moment, c'est là, et c'est de la bonne[2].
Un retour qui aurait dû être apocalyptique et qui a été moins pire. Ces moments où Saint-Lazare se transforme en épicentre du chaos, où on se piétine pour monter dans un train qui ne part pas, plein à craquer. Qu'une voix annonce que le train d'après est sur une autre voie (oui, ça fait beaucoup de voi). Où ma voisine se lève, pensant comme nous tous qu'on nous demande insidieusement de changer de train, m'escalade à moitié. Où je lui dis : "je vais y aller aussi, madame, juste, là, ça ne bouge pas, ça ne sert à rien". Et puis miracle, notre train démarre. Plein, avec dix minutes de retard, mais il démarre. A ma voisine rassise qui se plaint que c'est moche et qu'on est fatigués, je réponds que je suis presque sûre qu'ils ne le font pas exprès et qu'ils sont aussi embêtés que nous, elle me répond très malicieusement "vous croyez?". Eclats de rire. On en profite pour daronner le type d'en face dont les yeux pétillent de rire et de fièvre derrière son masque. J'adore ces micro liens impromptus qui se créent entre inconnus. Ca dure quelques secondes, quelques minutes au mieux, ça ne dit rien sur la compatibilité humaine que vous auriez avec la personne en question, mais on y fabrique des souvenirs et sourires qui durent parfois.
Toujours dans le train, éclats de rire à lire des chroniques d'Alexandre Vialatte. Ce type, il écrivait comme j'aime. Les fêlures profondes derrière l'esprit vif. De l'usage créatif du langage et de la pensée en veux tu, en voilà. C'est pratiquement contractuel dans ma famille paternelle d'aimer Vialatte pour des raisons de : Clermont-Ferrand (en plus de son mérite personnel). Mais même si je n'avais pas signé de mon sang, il aurait fait partie de ma liste des inévitables. C'est tellement saugrenu, bien écrit, vivant, drôle et pile au moment où tu ne t'y attends pas, un bout de phrase qui te crucifie d'exactitude. Il devrait y avoir plus d'hommes comme Alexandre Vialatte dans le monde. Ca rendrait la vie plus supportable. Excitante. Vibrante. Rage au cœur et rire aux lèvres, vous voyez l'ambiance. Notons bien que je n'ai pas dit qu'elle serait plus reposante, la vie. Mais au point où j'en suis...
Enfin, retour à la maison et les accueils enthousiastes du zoo : animaux, enfants. Les uns vraiment contents de me raconter leurs journées (les animaux), les autres plus inégaux dans ce domaine, mais tous pleins d'amour visible à l'œil nu. Je ne sais pas si on savoure jamais assez le fait de se savoir aimé(e) par nos enfants et bestioles. (Par d'autres aussi, mais ça devient vite plus compliqué).
Et puis, toute la journée, des pensées régulières pour ce truc bizarre qui vit dans un coin de ma jungle intérieure. Je surveille du coin de l'œil parce que ces machins, ils sont parfois du genre à pousser, grimper, s'accrocher aux murs, ruiner votre toiture et vous ravager l'âme au passage faute d'une attention suffisante. Mais pas là, ou pas encore. Alors je prends : la beauté de la contemplation de cette chose étrange qui fait du bien. Comme une plante qui n'aurait jamais dû se trouver là, même pas sûre que ça soit autorisé par l'académie de botanique. Il se trouve qu'elle s'est enracinée à ma surprise constamment renouvelée et a l'air parfaitement à son aise. Ca fait du bien à regarder, beaucoup, alors tant que ça va, ça va.
Notes
[1] ce n'est pas un gros mot, vous pouvez vérifier
[2] Il est temps de vous avouer que je me contrefous de l'usage qui recommande de ne pas mettre de virgule avant et. Je fais ce que je veux si je trouve que ça swingue mieux, un point c'est tout. D'ailleurs je mets aussi des Et après des points et balek.
Commentaires
Tu ne crois pas si bien dire !
Oh quel joli moment ! C'est fou, hein, Franck comme la vie trouve presque toujours un moyen de se faire pardonner d'être invivable. Quelle blagueuse.
Zagtly my point!
Franck coupaing.
Oxford comma for the win, sis!
Anna oh mazette, j'étais la Madame Jourdain de d'oxford comma. C'est pas rien de se découvrir une place dans l'univers !
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