La semaine dernière, je rentrais d'un moment chouette d'après boulot, et par la magie des transports parisiens, je n'avais qu'à me glisser dans la ligne 13 et me laisser filer jusqu'au terminus. Oui, j'avais une place assise, le bonheur était ultime.
J'étais plongée dans la lecture des mémoires (un peu chiantes et très interminables) de Charlie Chaplin, quand un type s'est installé en face de moi.
Mon nouveau voisin d'en face ne devait pas être loin des deux mètres. Il avait le visage poupin à joues rosées de bonne santé des très jeunes adultes et une tête de gosse des beaux quartiers. Un peu dans le genre Michel Boujenah du 16e arrondissement (de Paris).
Avec sa veste prince de Galles, sa doudoune sans manches en dessous (pardon, on dit "body warmer", me souffle-t-on dans l'oreillette) et sa chemise parfaitement repassée à 20 heures passées, on était vraiment dans les codes du beau monde.
Encore qu'en glissant un œil curieux vers ses pompes, j'ai découvert avec horreur qu'il portait des mocassins noirs un peu moches avec des chaussettes noires à motifs vifs, léger glissement de la tradition vers la modernité.
Mais tant que je ne vous ai pas dit qu'il portait des gants en cuir, vous ne pouvez pas vous représenter entièrement la curiosité insatiable qui s'est emparée de moi. Qui porte encore des gants en cuir ? Quel type de mains avait-il en dessous ?
Du coup, entre Charlot qui me gonflait un peu et le désir de savoir ce qui se cachait sous ses gants, je n'ai pas réussi à me retenir de glisser, de loin en loin, des regards inquisiteurs.
Il a fini par les enlever, pour regarder quelque chose sur son smartphone. Chose curieuse, en lisant, il avait exactement le même tic de haussement de sourcils que ma grand-mère paternelle.
Et donc, sous ses gants, il avait des mains parfaitement normales. Déception totale. Ok, il avait les ongles un peu trop courts par rapport à son dress code. Les jointures un peu rouges.
Mais pas la moindre trace de sang d'une jeune victime fraîchement égorgée. Pas une quantité démesurée de poils qu'il souhaiterait cacher. Rien. Deux mains pleines de doigts, enfin cinq chacune.
Frustration intense.
D'autant qu'avec son air de gars sorti de la cuisse de Jupiter, il est descendu à Gabriel Péri, qui n'est pas exactement l'épicentre du chic parisien.
Une fois rentrée, j'ai hasardé l'hypothèse que peut-être il serial killait les jeunes femmes des quartiers populaire, quand mon compagnon m'a rappelé l'existence du théâtre de Gennevilliers à proximité de la station.
La vie est parfois d'une platitude...
Commentaires
« La vie est parfois d'une altitude... » ;-)
Tu sous-entendrais que je suis légèrement perchée, Franck ? :-D
"Rien. Deux mains pleines de doigts, enfin cinq chacune." j'ai ri, mais j'ai ri !
Je fais pareil, dès qu'un truc m'intrigue j'imagine des histoires pas possibles aux personnes que je croise. Avec mon père nous avions un "si ça se trouve…" qui nous permettait toutes sortes de divagations sur la route des vacances. À chaque véhicule et ses occupants, son histoire. Et je continue en secret dans les transports en commun particulièrement. :-)
Vero Paul Simon te chanterait :
"Laughing on the bus
Playing games with the faces
She said the man in the gabardine suit was a spy
I said "Be careful, his bowtie is really a camera"
Contente de t'avoir fait rire :)
Véro et Sacrip'Anne, je fais pareil, mais avec une imagination légèrement moins macabre tout de même (de ce côté-là c'est bon, on est déjà servi·es par les nouvelles, qui nous arrivent même si on les évite).
Sinon, <3 sur Paul Simon, of course.
Anna ça m'arrive que ça soit moins macabre mais c'est tombé à un moment où je devais écrire un texte-exercice avec un élément perturbateur dans une rencontre amoureuse et j'avoue, le sang plein les mains était sacrément perturbateur. Du coup je me suis dit qu'une version plus proche de la réalité et de ce qui se passait dans ma tête vous ferait rire. Pauvre type qui voulait juste prendre la ligne 13, chill, au calme !
Finalement c'est pas si mal la ligne 13 :)
Ton récit nous fait l'aimer
Lisa j'ai la chance de la prendre, le plus souvent, à des moments où on y respire et où on peut même s'y asseoir. Alors je l'aime bien :)
Exactement le sourire dont j’avais besoin pour cette fin de journée. Merci. :*
Orpheus à ta dispo, copain !
Cela me rappelle à peu près ce qu'on peut se dire des gens qui débarque au terminus de la ligne 5 à Bobigny pour aller à la MC93. :-D
Matoo mêmes causes et conséquences !
Merci pour le fou rire qui détend !
Ginou bonheur d'offrir, joie de recevoir !
La discussion continue ailleurs
URL de rétrolien : https://sacripanne.net/trackback/2676