Du plus loin que je me souvienne, j'ai su lire.
J'ai sans doute adoré que ma mère me lise des histoires, le soir. Mais je me souviens aussi d'avoir envie d'être maîtresse de cet acte de sorcellerie qu'est la transformation de signes en mots. Plus fort, de pouvoir les animer à son rythme et son intensité. Bref, Maman qui lisait, c'était super. Ma voix intérieure qui prend le pouvoir, c'était... devenir la reine d'un monde que je soupçonnais déjà quasi infini.
Toute mon enfance, donc, on m'a vue un livre à la main, activité qui ne m'a plus jamais lâchée. Pas d'ami ? J'en trouverai dans un livre. Je relirai celui qui m'a tenue la main. Ma meilleure pote, enfant, c'était Laura Ingalls, et on en a eu, des aventures à lire ensemble.
Avant dix ans, j'ai commencé mon premier roman. Il devait faire une trentaine de lignes et si je me souviens du prénom de l'héroïne, je n'ai plus aucun souvenir de ce que je voulais y raconter.
Depuis, de l'écriture, beaucoup.
Méthodique, pour la fac. Pas l'endroit où je me suis le plus amusée à écrire, trop d'attendus, de formatage, je me suis empressée d'oublier beaucoup, mais des découvertes essentielles, tout de même, et cette plongée dans la littérature concentrationnaire, sujet de mon mémoire, qui me laisse toujours un peu figée, presque trente ans après. Comment raconter quoi que ce soit après ces récits ?
Epistolaire, j'ai une passion (un peu en sommeil) pour les échanges écrits, leurs nuances infinies, leur intimité presque sans pareille. Ce qu'on se dit par lettre ou par email avec le cœur qui bat fort de la crainte de la réponse, ou de l'absence de réponse... comme un chuchotement dans le noir.
Professionnelle, après des années de persuasion pour faire entrer ce métier bizarre dans une vieille maison. Là aussi, un format attendu mais quelques petites ouvertures pour y glisser des choses qui m'amusent.
Pour le plaisir, ici et chez son ancêtre, depuis vingt ans. Et puis à l'Auberge des Blogueurs, il y a quelques années. Le plaisir fulgurant de voir ce personnage incroyable s'enrichir sous mes doigts. Vos réactions, vos rires, vos agacements, vos larmes. Merci (encore).
Et de la lecture, encore beaucoup plus. L'année de la naissance de Cro-mi, de fatigue et de manque de temps, j'ai passé presque un an sans pouvoir lire. J'ai cru que ce manque aurait ma peau.
Plus tard j'ai apprivoisé les insomnies en les transformant en temps pour lire. Enfin, pour lire plus, serait plus honnête. Boulimie textuelle.
A cet instant précis et très étrange de ma vie où je m'interroge sur l'immense place qu'ont eu les mots pour moi, mais aussi sur une forme de désir inabouti, je trace des lignes entre les points et je me dis que finalement, ces mots, ces histoires, lues, ou à l'écriture plus ou moins ébauchées, intimes ou publics, racontant la vie réelle ou des vies imaginées, c'était l'un des plus forts actes d'amour que je connaisse.
Si ça ne vous en dit pas long sur la fantaisie débridée qui m'habite et qui reprend ses droits alors que j'ai passé du temps à essayer de la rétrécir, alors je ne peux plus rien pour vous. Vous êtes prévenus.
Commentaires
J'aimerais tellement te lire encore et encore. Un livre? Youpi!
C'est fort joliment troussé, ce billet.
L'écriture comme acte d'amour. Food for thought, comme on dit quand on est snob comme moi.
Raphaëlle oh le meilleur encouragement du monde ! Dire que j'y travaille serait un mensonge, mais je ne repousse plus complètement l'idée.
stef je dis ça souvent, vient on va faire un club de snobs !
Le Club des Snobs. J'aime.
Stef au menu de nos assemblées générales, des pâtes MAISON !
La discussion continue ailleurs
URL de rétrolien : https://sacripanne.net/trackback/2674