Souvent, nous autres les cyclistes urbains, on s'arrête. Pour gueuler après un coup de stress, lié à un engin à moteur, ou aux feux (si, si). Pour réparer une roue crevée, un garde-boue branlant.
Parfois on s'arrête pour prêter assistance. C'est ce que j'ai fait ce soir auprès d'une dame avec un tout petit pliant rigolo à roues minuscules, les 16 pouces de mon Brompton font géantes à côté.
Elle tentait un regonflage "pour tenir jusqu'à la maison", elle a refusé mes rustines car elle avait une bombe anti-crevaison. Merci, bonsoir, bon retour.
Quelques centaines de mètres plus loin je me suis arrêtée pour saluer Monsieur Sport qui profitait du bout de sol refait de neuf et me montrait comment on lui avait aménagé sa salle de sport en plein air, quasi, avec du mobilier urbain parfait pour les tractions, les abdos, le ceci, le cela.
Et quand je repartais il me dit : "il y a une dame qui crie, là-bas, j'irais bien mais j'ai mes affaires ici".
Alors j'ai dit que j'allais voir.
En fait d'une dame une demi douzaine de personnes, peut-être, un vélo par terre, une personne au sol qui tient une dame au sol. J'ai pensé à la chute, à une mauvaise chute et à quelqu'un qui l'empêcherait de bouger. en cas de blessure sérieuse.
"Tout va bien ?"
"C'est la dame, là", me répond un autre dame. Elle veut se jeter, le monsieur la retient.
Alors j'ai demandé si je pouvais faire quelque chose, on m'a dit que non, que les pompiers étaient prévenus.
Je leur ai signalé que Monsieur Sport était une ressource potentielle en cas de besoin de bras en plus, et puis la détresse de la dame n'est pas un spectacle, je me suis éloignée. J'ai rappelé les pompiers pour être sûre. Peut-être que ça encombre les lignes pour rien, peut-être que c'est juste l'égo qui veut se rendre utile, faire partie de la solidarité.
Mais ces silhouettes, dans le noir, sous le pont, elles faisaient le job et de façon si formidable, à tenir fermement mais en douceur cette dame, les cris de cette dame, son désespoir.
Les pompiers étaient bien en route. J'ai guetté de l'oreille les sirènes, en roulant. C'est fou ce qu'il y a comme sirènes de pompiers, le soir, pas loin du pont...
Pendant que des larmes d'impuissance, du monde qui est trop moche coulaient, je me disais c'est fou, tout va bien pour moi, c'est fou, ce pont dont on a vu des gamins plonger tout l'été, ce coin plutôt lumineux, d'un joli quotidien, cet endroit de promenades et de glaces en été, c'est fou, mon symbole de mi route, où la Seine est si belle dans les deux sens., là où je gueule de joyeux "bisous BIlook".
Ce morceau qui est pour moi un endroit de gaieté et de plaisir, c'était l'endroit qu'elle avait choisi parce que la vie lui devenait insupportable.
J'ai encore dans l'oreil la vibration de ses cris.
J'espère que les gens sortis de nulle part qui l'ont secourue ce soir arriveront à lui redonner de l'espoir. Ils ont en tout cas toute mon admiration et ma gratitude : c'est bon de savoir que des inconnus n'hésitent pas à arrêter leur vie pour essayer d'en sauver une autre.Que les pompiers lui auront porté tous les soins qu'ils peuvent. Que de son geste naîtront des solutions, des aides. N'importe quoi qui lui donnerait envie de vivre et d'être heureuse si c'est encore possible pour elle.
Ses cris, sous un pont, à la nuit tombée. Je vis une vie de privilégiée qui n'entend pas souvent ce genre de cris. On se sent tellement con, tellement impuissant face à une détresse si grande.
Ses cris.
Bonne chance, madame.
Commentaires
Rien qu’à la lecture, ça secoue. On va se câliner tout doux, ce soir :-* :-*
J'ai les larmes aux yeux en lisant tes mots... Moi aussi, ce soir, je me sens privilégiée face au malheur des autres, face à des vies si difficiles, matériellement, moralement. Les cris des autres dans la nuit, et nous qui avons la chance de rentrer au chaud sous des lampes douces, entourées d'affection...
Plein de bises à toi et une pensée pour elle.
J'ai d'abord pensé que la dame du pliable rigolo avait été écrasée par un camion ; après, que les pompiers n'allaient pas arriver à temps (oui, c'est toujours bien d'appeler les pompiers : des fois, en cas de feu surtout, ils viennent pas parce que tout le monde croit que quelqu'un les a déjà appelés). Maintenant il me reste le doute que ce soit la dame du petit pliable qui voulait se jeter ?
Très bouleversent tout ça, oui ; mais au moins on peut encore avoir foi en nos semblables et j'ai l'impression que vous avez tous sauvé une vie ce soir (si, toi aussi). Grosses bises.
Cela secoue... Plein de bises douces...
Noé voui.
Samantdi savourons cette facilité même relative... Je sais que tu t'y frottis plus souvent que moi et je t'admire beaucoup. :heart:
Pablo à part une retour humide et contrarié, la dame au pliant va bien, c'en était une autre. Merci.
Flooui. Drôlement. Bises aussi
Très touchant, j'en ai eu les larmes aux yeux.
Merci pour ton blog et tes Twit qui me font rire !
Thomas (un voisin du quartier du stade et aussi velotafeur)
Thomasmerci, ça me touche. Peut-être à bientôt à vélo dans le quartier alors.
Glups… ça partait tranquille et puis un coup au cœur. Être confronté à la désespérance de cette manière remue…
Bises
Tomek merci, copain.
J'entendais à la radio dans un flot du journal d'info qu'une lycéenne c'était immolée et jeter par la fenêtre de son lycée. Emmenée aux urgences. Puis info suivante...
Je suis dans ma voiture, saisie...
En moi vibre une force vitale et j'ai la chance qu'elle ne m'ait jamais quittée.
Quand je te lis, je suis émue et je repense à ce fait d'hiver ;) comme un écho. C'est effrayant ce monde là, sombre et désespéré. ça fait du bien de voir que des mains se tendent dans tout ça. bisous :heart:
Alors que je te lis la radio passe "you are not alone". Les deux ensemble, alors que je ne suis pas au top, ça me fait déborder les yeux.
Des bisous et merci pour le partage. Je vais câliner mes chevelus.
Alors que je te lis la radio passe "you are not alone". Les deux ensemble, alors que je ne suis pas au top, ça me fait déborder les yeux.
Des bisous et merci pour le partage. Je vais câliner mes chevelus.
Alors que je te lis la radio passe "you are not alone". Les deux ensemble, alors que je ne suis pas au top, ça me fait déborder les yeux.
Des bisous et merci pour le partage. Je vais câliner mes chevelus.
Luciole oui, ça fait du bien. Et ça fait du bien aussi de sentir cette force vitale vibrer en nous. Je t'embrasse fort (et je suis une feignasse des nouvelles mais je pense fort fort à toi souvent)
Raphaelle des bisous et bons câlins à vous.
Les larmes aux yeux je pense que j'ai beaucoup de chance d'avoir une force en moi et d'être bien entourée.Merci pour ce partage et plein de bises.
Merci Ginou et des bises à toi aussi.
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