On commence une journée, on a pas forcément tout à fait assez dormi, on commence comme tous les jours à peu près, on ne sait pas encore.
On travaille, on parle, on respire, on vit.
Et soudain, chacun dans une circonstance dont on se souviendra toute notre vie, on apprend. L'impensable.
Depuis la mi-journée je suis en état de sidération.
Je ne comprends pas, ça dépasse mon entendement. Comment peut-on viser la tête de gentil Duduche coiffé comme Mireille Mathieu de Cabu et tirer ? La bille de clown de Wolinski, la tête à la Jerry Lewis de Bernard Maris, la tronche d'éternel pré ado de Charb, la tignasse de Tignous ? Leur. Tirer. Délibérément. Dessus. Et les autres. Comme il dépassait mon entendement qu'on vise un enfant et qu'on tire, à Toulouse, il y a peu...
L'horreur dépasse mon entendement. Oui, ça frappe plus fort quand c'est plus près de chez nous, oui, on pense sans doute encore que tout ça, c'est chez les autres.
Pour autant ai-je le droit de dire que "Je suis Charlie" ? D'abord parce que souvent ils m'ont fait hurler de colère, aussi souvent qu'ils m'ont fait rire, sans doute. Surtout parce que je ne suis pas exposée. Je soutiens des idées, j'agis pour le mieux que je crois possible dans mon petit monde, mais je n'ai jamais posé la cible sur mon dos, je n'ai pas vécu des années avec la possibilité tangible qu'on me tue pour mes idées. Pire encore, pour quelques mots, pour des dessins.
Il faut croire que les terroristes sont bien faibles : faire taire les idées autres par la terreur et avoir besoin de tuer à cause de la menace d'un trait de crayon, c'est finalement avoir bien peu confiance dans ses croyances, non ? Faibles, ils sont, mais il font mal. Très mal.
Alors pour surmonter cette sidération, je me laisse émouvoir. Pleurer à entendre les larmes de ce type que je n'estime vraiment pas, Val. S'émouvoir de manifestations venues de la terre entière.
Frissonner à un américain qui choisit notre langue pour affirmer son soutien.
Constater que nous sommes, malgré tout, les plus nombreux, à trouver qu'il ne faut pas, pour citer Val, laisser le silence s'installer, qu'il ne faut pas laisser la peur décider de nos libertés.
Et me réchauffer aux cris joyeux de mon fils, prendre des nouvelles de ma fille au bout du monde. Savoir qu'on fait tout pour leur donner comme arme les mots, les idées, plutôt que la terreur.
Je ne suis pas Charlie mais je pense à ceux qui sont morts, à leurs familles, leurs amis. Et je souhaite de tout mon coeur que nous tous, un plus un plus un plus un plus un, nous fassions que ça ne soit pas vain, ces assassinats incompréhensibles. Malgré tout cette pensée en fond : rien n'a de sens. Il n'y a plus que de la colère et ce qu'on décide d'en faire.
Commentaires
Et bien vois-tu je pense que chacun à notre manière on a posté dans le même sens !
Ils sont si faible et plein de haine qu’ils ont besoin de fusilles contre un crayon, le problème est que derrière le crayon se sont des êtres et notre liberté !
SIDÉRÉE je fus dans ma béatitude, p-) revenant de la gare avec une carte sénior toute neuve que j’étrennerai dans deux semaines...
Depuis mon fauteuil je suivis les infos sur toutes les chaines que je dédaigne souverainement les autres jours.
Épatée par le ministre américain s'exprimant dans un français maitrisé.
Punaise que j'ai la rogne !
Faites plein de gouzis-gouzis au jeune mec sur vos genoux ! :heart:
Merci Anne d'avoir écrit ce billet si émouvant. Quel drame absolu.
La religion n'est qu'un prétexte à l'expression de la violence pour des frustrés qui n'aiment personne…
Incrédulité à la lecture de mon fil Twitter hier soir, et puis la nausée en suivant les liens.
Merci Anne de si bien exprimer ton ressenti.
K oui ! (et je n'en suis pas étonnée, en fait).
julio voilà. Mais on ne les laissera pas gagner à la fin.
mume oui, ses gazouillis ont été salutaires, hier soir. Je fais ça dès que je rentre.
Obni j'ai appris entre temps que quelqu'un qui bosse pour la même (très grosse) boîte que moi y était dans le cadre de ses fonctions et est mort. Ça ne change rien, ça touche encore plus fort.
Eric cultivons l'amour, l'intelligence, tout ce qui nous rend plus forts. La nausée est bon signe, si tu veux mon avis. Sur ton humanité à toi. Câlins.
charlottine je trouve que les mots manquent, pourtant, mais merci à toi de venir partager un bout d'émotion ici.
Merci ma belle pour tes mots, une nouvelle fois si justes...
J'y souscris à 200%...
Je t'embrasse
Moi aussi je t'embrasse, ma Floh
"sidération"... C'est exactement ça que je ressens.
mirovinben c'est tellement, littéralement, incompréhensible...
Très peu de mots aussi. Juste la gerbe et la sidération, la colère aussi, et la volonté de trouver le comment faire pour combattre la connerie...
lysaen refusant de haïr aussi fort, en restant humain, en élevant nos enfants dans ces valeurs... Merci !
Incompréhension totale mais aussi colère froide depuis hier midi mais toujours sans haine ni peur !
Je t'embrasse fort
On se rejoint complètement. Merci. Et ne laissons pas la peur, la haine, la surveillance totale gagner.
Madleine, Tomek merci de vos mots. Finalement quand on se compte, c'est vraiment nous les plus nombreux.
AH oui bien sûr il n'y a pas de volonté de vengeance ou de violence dans mes mots... Trouver le comment faire pour vivre mieux ensemble, c'était cela que je voulais dire. Mais j'avoue me sentir démunie devant la haine et la connerie...
Lysa je ne te soupçonnais pas, hein ! Et oui, je crois qu'on se sent tous démunis. Mais il faut croire au pouvoir des mots, déjà. Plus que jamais.
Je savais qu'en venant ici je lirais des mots - même si c'est difficile de les trouver- qui font écho à mon propre ressenti :heart:
Pour moi, pas de peur, ni de colère, juste un profond chagrin mais au delà l'envie encore plus forte de continuer ce que je fais chaque matin quand je vais travailler : donner envie de comprendre, d'apprendre, éveiller l'esprit critique, dans la bonne humeur, motiver les échanges et le partage, encourager la découverte, le respect et l'amour de l'Autre. Et ce que mes élèves m'ont montré depuis 2 jours m'a réchauffé le coeur.
Heidi ça ne t'étonnera pas de savoir qu'avec un très jeune collègue, en parlant, je lui disais que ce qui me rend un peu de sérénité, c'est savoir ce que je transmets à mes enfants, les valeurs, le savoir... enfin bref, toujours un cerveau pour deux :heart:
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