Au cours d'un échange avec Cédric Gentil, l'autre jour [1], il disait combien sa vie avait changé "depuis qu'il écrit".

Cette phrase m'a fait un drôle d'écho, parce que ça fait tellement longtemps que l'écriture fait partie de ma vie, soit parce que je le pratique, soit parce que c'est quelque chose de pas incongru, dans ma famille, que de jouer du mot, que j'avais un peu de mal à imaginer qu'on puisse écrire "d'un coup", si j'ose dire. Et surtout j'étais heureuse de me dire que, comme pour la lecture, on pouvait tomber dedans à tout moment.

Mais ceci n'était qu'anecdotique par rapport à ce que ça implique.

Car écrire, ça n'est pas juste former un mot et puis un autre, chercher un peu de sens, une jolie musique de la langue.

C'est, déjà et avant tout, raconter. Or, quand on raconte, même si on est au plus près des faits tels qu'on les vit, on distancie, déjà. On digère et c'est comme ça qu'on pose un décor, une lumière. Ce qui fait mal s'apaise au moins un peu. Ce qui fait du bien brille de mille feux.

Cet acte d'écrire, déjà, a changé la vie, a permis de passer au pas d'après, ou alors de fixer dans le temps un instant précieux.

Ensuite on écrit de mille et une manières et pour mille et un motifs. Certains publient d'autre pas. Certains bloguent et d'autres noircissent de secrets carnets éclairés à la lampe de poche.

Pour tous ceux qui ont la chance de se donner à lire, il y a les yeux, les "moi aussi", les "ah toi tu vois ça comme ça ?", les mots de soutien, les rencontres.

Le fait de passer de l'écriture "privée" à l'écriture en ligne me fait dire, en parallèle à Cédric, que l'écriture a construit des pans essentiels de ma vie. Des rencontres, des amis, des amours. De la confiance aussi pour "vendre" ça dans l'exercice de mon métier.

Des débats, des engueulades, mais le plus souvent, de l'amour sous toutes ses formes qui circule, et des humains pour recevoir.

Alors que sont quelques regards fielleux et malsains dans tout ça ?

C'est "L'écriture ou la vie", comme disait Jorge Semprun, et j'ai toujours choisi la vie.

Note

[1] et encore bravo bravo pour le prix bien mérité !!!

Commentaires

1. Le lundi 10 février 2014, 16:48 par Luce Luciole

Ben comment dire, rien à ajouter, je suis dans chaque mot que tu viens d'écrire ;-)

2. Le lundi 10 février 2014, 17:00 par Sacrip'Anne

Luce ça serait comme ça qu'on serait devenues amies !

3. Le lundi 10 février 2014, 22:08 par julio

Pour moi l’écriture est une difficulté ; pour temps je croie en la magie de l’écriture, Elle peut-être noir, elle peut-être blanche. Je croie qu’elle cache plus qu’elle ne dévoile, elle est frontière et appartiens a la géographie, mais elle est enfant de l’empreinte et de la peinture. Un jour elle redeviendra symbole et universel pour que nous puissions tous nous comprendre. Phrase de Picasso ; toute une vie pour apprendre à peindre comme un enfant !

4. Le mardi 11 février 2014, 09:14 par Sacrip'Anne

julio ce qui m'épate avec ton rapport à l'écriture, c'est que même si tu te débats avec les pièges de notre langue, tu as toujours des commentaires très justes et qui touchent pile là où il faut. Impressionnant.

5. Le jeudi 13 février 2014, 00:21 par Junko

Voilà !
Récemment, je discutais avec une personne qui m'affirmait que les malentendus étaient plus fréquents à l'écrit qu'à l'oral, qui disait : "à l'écrit il n'y a pas de ton, on peut mal interpréter quelque chose qui serait passé sans problème à l'oral". J'ai pourtant l'impression que ce risque est plus grand à l'oral, ne serait-ce que pour l'aspect instantané, et que le ton... il se perçoit à l'écrit aussi. Mais après, peut-être est-ce dépendant des individus et des intéractions qui se font, dans un cas comme dans l'autre.
Quoi qu'il en soit, tu as parfaitement résumé un sujet que je n'avais fait qu'effleurer.

6. Le jeudi 13 février 2014, 11:07 par Sacrip'Anne

Junko, je crois aussi que la question du "qui lit" est aussi importante que celle de "ce qu'on lit" :)

Il y a encore à dire et à creuser, mais c'est rigolo, ces échos de pensée !

7. Le jeudi 6 mars 2014, 22:41 par comment vivre heureux

Très bon commentaire

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://sacripanne.net/trackback/2305