Curieuse concordance des temps, bousculades de sensations...

Mardi dernier j'écoutais une femme ordinaire et extraordinaire à la fois parler du sacrifice maternel, au sens : la mère fera toujours tout pour ses enfants avant elle. (On parlait là de survie et pas de confort, de conditions si précaires qu'il n'était pas question de parler de petits conforts du quotidien).

Ses mots avaient quelque chose de très universels, elle qui vient de l'autre côté de la Méditerranée. On ne parlait pas de culture, de religion, de civilisation, mais de tripes maternelles, d'un instinct venu du fond des âges et qui fait qu'en premier, on protège nos petits, on les met hors de danger.

Ca n'excluait pas les pères, bien qu'elle ait exclu celui de ses enfants, ça ne leur enlevait rien, ça disait juste quelque chose qui devient évident quand on entend les premiers pleurs de son enfant, quand tout se passe bien. Simplement.

Alors le soir on a écouté le Stabat Mater de Pergolesi. Et bien que très peu (en fait, pas du tout) catholique moi-même, je ressentais dans mes tripes cette femme, debout, entre colère et souffrance animale, entre vibration vers son fils et désespoir. Elle est la mère du Christ qu'on crucifie, mais elle est surtout toutes les mères quand les enfants sont en danger, petit ou grand. La musique de Pergolesi réussit à rendre ça, étonnamment fort, dans mes tripes et dans mon cœur.

J'en ai parlé ensuite à une amie qui va bientôt être une maman avec l'enfant dans les bras, et plus à l'intérieur de sa tête et de son ventre.

Et puis mercredi soir vous savez ce qui s'est passé et c'était mon tour d'être pétrie d'angoisses, de peur, de force, d'impuissance, d'amour et de colère.

C'était moi la mère debout, et contre ma poitrine s'endormait ma fille épuisée, branchée à l'oxygène, en attendant qu'on la monte et qu'on la mette au lit.

Pour le moment on est encore un peu choquées, Cro-Mi et moi, de ce qui s'est passé. Ca va mieux, jour après jour. Je lui parle, elle-même fait son petit chemin, je crois, pour mettre tout ça derrière, pour apprendre de cet épisode.

Mais il y avait, à chaque instant, ce lien entre nous, ce quelque chose qu'elle n'a qu'avec moi et que je n'ai qu'avec elle. Si puissant.

Je suis heureuse d'être sa mère, et heureuse que ça soit elle ma fille.

Commentaires

1. Le mercredi 23 mai 2012, 10:08 par Pablo

Quis non posset contristari, piam matrem contemplari
dolentem cum filia?

2. Le mercredi 23 mai 2012, 10:12 par Namfarang

Que veux-tu qu'on trouve à dire apres un si beau billet - encore!
Reste plus que le silence ... Et apprécier

(et si l'amie est celle que je pense, chuis cro contente)

3. Le mercredi 23 mai 2012, 10:21 par Sacrip'Anne

Pablo, c'est beau, hein ? soupir.

Nam, on peut se dire des mots doux, comme tu fais. Et oui, je pense que c'est elle, et je suis sûre qu'elle sera contente que tu sois contente :)

4. Le mercredi 23 mai 2012, 10:36 par Florence

Que dire si ce n'est que je te rejoins, encore une fois, tellement dans ce que tu exprimes...un thé au bol bu pendant que nos filles jouent ensemble ? ;) ( je t'ai répondu rapidement en mail)

5. Le mercredi 23 mai 2012, 10:39 par Sacrip'Anne

Merci Florence, et puis oui, le rêve un thé au bol bu et même une crêpe !!! :-*

6. Le mercredi 23 mai 2012, 10:43 par namfarang

youpiiiiieee génial, chuis contente! Vais essayer de retrouver le mail pour lui faire un coucou - je n'osais plus trop ces temps

7. Le mercredi 23 mai 2012, 10:43 par zelda

Je me joins au choeur ... C'est un beau billet dans lequel je me reconnais tellement, et je suis émue de m'y voir, et d'y reconnaître aussi, en fait, le père de mon enfant.

8. Le mercredi 23 mai 2012, 11:30 par Sacrip'Anne

nam, va ! Si tu ne trouves pas je te le donne !

zelda, oui, stabat pater dolorosa, ça marche aussi, bien sûr. C'est beau, ça rend humble, c'est vertigineux, et surtout ça donne du sens à l'idée d'humanité, je trouve, cette sensation universelle qu'on comprend ce que ça veut dire, dans ses tripes, dans sa chair, dans son cœur, non ?

9. Le mercredi 23 mai 2012, 12:10 par Anne

Quelle peur tu as du avoir!!! Je me souviens de trajets vers l'hôpital pour enfants (70km de la maison)... Bisous à toutes deux.

10. Le mercredi 23 mai 2012, 12:16 par Pablo

Stabat pater dolorosum, je crois (de la même manière que j'ai mis l'ablatif au féminin dans ma citation précédente 8-) )

11. Le mercredi 23 mai 2012, 13:33 par Sacrip'Anne

Anne, fort heureusement pour nous le trajet est beaucoup beaucoup plus court :)

Pablo, tu as sans doute parfaitement raison et je te crois sur parole !

12. Le mercredi 23 mai 2012, 14:43 par Madleine

Je suis heureuse d'être sa mère, et heureuse que ça soit elle ma fille. On a des certitudes comme ça quelquefois :)
Je vous embrasse fort mère et fille

13. Le mercredi 23 mai 2012, 15:10 par Loulou

C'est juste incroyable !
J'ai écouté le Stabat Mater de Pergolesi pas plus tard qu'hier en pensant à mes filles, à une amie qui a eu très peur pour sa fille de 14 ans hospitalisée en urgence et j'ai aussi pensé à toi et Cromi.

14. Le mercredi 23 mai 2012, 15:55 par Sacrip'Anne

Madleine, yep ;) Bisous.

Loulou, y a des phases comme ça où tout converge...

15. Le mercredi 23 mai 2012, 20:55 par julio

Je fais partit de ses personnes qui restante je ne sais pas dire les mots exacte, joie trouble quand je voie cette amour total. Tu sais quand tu te promène en ville ou au centre commercial et que tu observe involontairement une mère et sont petit enfant, ils sont complice d’amour et moi ça me donne de l’espoir, j’ai foi en l’humain ! Tu puisses bien en toi pour transmettre de toi et sais bien beau je trouve !

16. Le jeudi 24 mai 2012, 09:04 par Sacrip'Anne

Merci Julio, ça me touche beaucoup. C'est ce que je disais à mon Enchanteur, mardi, quand on sent l'universalité de ce sentiment, on a un peu plus de foi en l'humanité. ;)

17. Le jeudi 24 mai 2012, 09:19 par Luce Luciole

ça nous semble si évident, si naturel, nous qui l'éprouvons, oui, dans toute notre chair. Mais je ne peux oublier que si à travers le monde il y a d'autres femmes qui éprouvent cela pour leur enfant, d'autres absolument pas. Il y a des femmes qui sacrifient leur enfant pour elle même, qui se cachent derrière, et moi non plus je ne parle pas de circonstances du quotidien. Je trouve important de savoir que ce n'est pas si évident, si naturel, si universel que ça. Parce que c'est une chance supplémentaire de savoir qu'on parvient à éprouver cet attachement si particulier pour notre enfant, quand d'autres n'y parviennent pas. c'est une chance pour nous et pour nos enfants. C'est une chance pour toi et pour cro-mi.

Quand le chemin sera fait, il lui restera sans doute le gout de la bataille pour la vie, c'est une grande force que d'avoir ce gout là. Je parle en connaissance de cause ;)

je vous embrasse

18. Le jeudi 24 mai 2012, 09:46 par Sacrip'Anne

Oui ma Luce, tu as raison. Disons que dans la vie, je suis plus facilement fascinée par "ce qu'on partage" que par "ce qu'on ne partage pas", quand ça touche à quelque chose comme ça.

J'espère aussi, que ça lui restera :)

Vivement vite ! Je t'embrasse aussi !

19. Le jeudi 24 mai 2012, 19:09 par K

"Je suis heureuse d'être sa mère, et heureuse que ça soit elle ma fille". T'as raison !
ben tu vois, je suis heureux d'être leur père et "de comme elles sont" mes trois filles :)

20. Le vendredi 25 mai 2012, 08:31 par Sacrip'Anne

K, je me dis : c'est un signe que le job doit être fait "pas pire" ;)

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