Sacrip'Anne

« Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout. » (Colette)

mercredi 5 novembre 2025

L'impossible quête

Il n'aura échappé à personne que je ne suis pas dans le meilleur des états en ce moment. Que personne ne panique : je fonctionne. Pas très sûre de ce que je fous là, mais là.

J'ai l'impression de vivre au milieu d'un énorme mensonge collectif.

Tout le monde aspire au bonheur ; je ne vois pas comment il est possible.

Le bonheur, c'est un état agréable pendant lequel on se réjouit de l'assouvissement de ses besoins principaux.

Bon - déjà le fait qu'on va tous crever, ça met un petit coup de matraque dans le joli bonheur. La plupart des gens ont la trouille de mourir. Moi pas, j'ai peur d'avoir insupportablement mal, que le passage soit un très sale moment à passer, mais l'état de mort, ça m'indiffère. Ce qui me peine, c'est la tristesse de ceux que je laisserai derrière, le moment venu (au nombre de : deux, potentiellement).

On pourrait se dire que s'en foutre de l'idée de crever, ça aide à être heureux, mais pas vraiment.

L'idée que des gens meurent continuellement pour des questions de ressources mal partagées, de guerres ineptes, de maladies soignables me rend dingue.

Le fait qu'on lègue à nos enfants un monde dans lequel la vie sera plus difficile, politiquement, climatiquement, à tous points de vue, est le rappel constant dans ma tête d'un échec collectif.

La réalité humaine me consterne. Entre ceux qui ne pensent juste pas (j'avoue en ce moment fantasmer d'être de droite avec un QI autour de 95, je vois ça comme quelque chose d'infiniment reposant. Mais je ne suis pas sûre et j'ai peur que ça ne soit pas réversible - au cas où, je m'abstiens). Ceux qui se planquent dans leurs mensonges à eux-mêmes, aux autres, les trahisons, les déceptions, les mots plus forts que les actes...

Ce qu'on nous vend, socialement, comme du rêve, c'est papa et maman propriétaires d'un prêt à leur nom à la banque (et donc d'une dépendance de long terme à la comédie capitaliste), entourés d'enfants forcément merveilleux (oui, c'est vrai. Mais pas aussi simple que ça : c'est aussi des concessions à la liberté, à l'économie, des heures de pleurs, de frustration, de la fatigue, des tentatives de transmettre bafouées, du foutage de gueule permanent ou quasi. Et quelques moments de pure grâce.) Une bande d'amis rieurs qui prendraient une balle pour vous et réciproquement (pour qui prendrait-on vraiment une balle ? Quand je vois le nombre de gens à qui je peux envisager de parler quand je n'ai pas envie de parler et que j'en retire ceux qui n'ont pas envie de m'entendre vraiment... Allez, mettons, c'est de ma faute.)

Moi, je crois à l'instant, au moment, à l'ici et maintenant. Et encore, des bons moments ? Certains d'entre nous en auront plus que d'autres. Au grand Loto de la vie, rien n'est juste ou mérité, tout est chaotique, sans sens ni raison.

Alors on enchaîne les moments, parfois ils se superposent ("je vous mets un peu de rire, dans vos larmes, madame ? Je vous laisse le bada[1] ?"). Parfois ils s'accumulent. On se dissout dans ce qu'on peut pour fabriquer du supportable. En ce qui me concerne, la musique, la littérature, la photo, le cinéma... De bons endroits où me trouver quand j'ai décidé d'oublier mon "je" pour me noyer dans un "tout" plus grand. Sauf quand je ne peux même plus ça.

On se bouche les yeux, les oreilles, on ne regarde pas plus loin que le bout de son nez.

On se fabrique une légende et on s'y accroche fermement pour tenter d'oublier qu'on est terrifié en permanence. Qu'à moins de vivre en vase très très clos ou de ne pas regarder vraiment ce qu'il y a autour de soi, le bonheur est une promesse impossible à tenir par la vie (qui n'en fait jamais).

J'attends l'exaspérante litanie de "oui mais si on pense comme ça, autant se foutre en l'air tout de suite". Et pourquoi pas ? Pourquoi la vie serait sacrée au point de la préserver à tout prix, en toutes circonstances ? (Et que personne ne panique, j'ai encore des enfants à élever, je compte bien poursuivre la mienne encore un moment.) Pourquoi s'acharner à raconter un bonheur dont on sait, si on y pense d'un peu près, qu'il est chimérique ?

Peut-être que si on s'attardait un peu moins à courir après cet impossible bonheur individuel, à porter un optimisme béat fondé sur aucun fait tangible, on serait un tout petit peu moins cons, collectivement.

Enfin, pour ce que j'en dis...

Les nuages moutonnant roses du lever de soleil sur les tours moches qui m'entourent.

Note

[1] Le petit reste, le rab offert par le commerçant, en marseillais.

dimanche 2 novembre 2025

De concerts

De concerts et même trois, la semaine passée.

Pas vraiment complètement raisonnable vu mon état vacillant mais d'abord, ces petites choses coûtent une fortune que je n'avais pas envie de sacrifier, en plus du plaisir d'y assister ; j'ai passé l'essentiel du temps non travaillé roulée en boule sous ma couette, ou alors à manger des moules gratinées, j'ai décidé que ça faisait partie de "prendre soin de moi" et que j'aviserai l'un après l'autre si je me sentais en état et si je pouvais m'y rendre dans des conditions ok[1].

C'est ainsi que j'ai pratiqué avec assiduité le sport de haut niveau : arriver à l'ouverture des portes pour m'installer peinardement. Assise. Oui, la déchéance de Mamy est entamée. Repartir en taxi, pour le premier. Enfin bref, aller au concert comme si j'avais 92 ans. On s'en fout, j'avais de la lecture pour patienter.

J'ai pris ma place pour Tamino un peu tardivement. Je ne pensais pas du tout y aller et puis il a annoncé Searows en première partie et bim, me voilà. J'ai découvert Searows au hasard d'une playlist indie sur Deezer, il s'est passé un truc instantané, entre sa musique et moi. Il venait de jouer à Paris, zut, loupé. Cette fois-ci je tenais mon occasion et vas-y pour l'Adidas Arena toute neuve.

J'ai découvert dans la salle que la catégorie 1 était fort étendue et que je ne verrai ma pépite qu'au format miniature. Il n'empêche qu'il a mis 8 500 personnes d'accord en quelques notes. Un mec dans la fosse lui a dit entre deux chansons : "That was sick, mate", et ça résume à peu près tout.

Le gamin, à la fois gracieux et fragile comme un poulain juste levé, a enroulé le public autour de son petit doigt, timide et résolu, impression par sa toute première grosse scène, content d'être là.

Searows en première partie de Tamino à l'Adidas Arena, le 25 octobre 2025

Il a terminé par une reprise de Pete Seeger en parlant de folk et de résistance, ça a fini de l'ancrer dans mon coeur pour toujours, même si je pense que j'étais la seule personne de la salle à savoir qui était Pete Seeger. Ca m'a permis de dispenser un cours d'histoire de la folk et de parler de lui, Woodie Guthrie, leur influence sur Dylan à des gamines derrières moi (qui ne savaient pas qu'il y avait des premières parties aux concerts).

Et puis Tamino, j'aimais beaucoup quelques chansons, mais trouvé des inégalités dans ses albums. Le mec est irrésistiblement sympathique (d'autant que ma grand-mère était semi belge et qu'elle a vécu en Egypte, ce qui fait de lui quasiment quelqu'un de la famille) et visiblement heureux d'être là, communiquant, charismatique. Il fait partie de ces gens qui ne font pas de la musique mais qui en sont faits, elle s'écoule de leur voix, de leurs doigts et ça irradie sur scène, je n'ai pas vu le temps passer pendant son set.

Tamino en concert à l'Adidas Arena le 25 octobre 2025.

J'ai peur qu'on ne le revoie plus beaucoup sur des scènes relativement petites (l'Adidas Arena c'est un gros Zenith, ma limite est à Bercy, plus jamais les trucs à 40 000 places, merci bien). Sauf s'il arrive à imposer ça, mais hey. Il ne reste qu'un humain. Quoi qu'il en soit, belle soirée, si on excepte l'absence d'écran pour la première partie et cette fâcheuse mode des éclairages de concert façon tout dans la gueule du public, rien qui permette de voir les artistes (car si je prends la peine de traîner mon cul dans des foules denses, c'est pour les voir, un peu, quand même, voyez-vous). Je me souviens m'être dit : les gars, avec ce qui vous coule dans les veines, je ne suis pas sûre que vous serez éligibles au grand bonheur, mais vous en ferez des choses sublimes, du reste, alors merci.

Deux jours après c'était Wet Leg à l'Olympia. Il faut savoir que je déteste l'Olympia car, depuis les balcons et même les derniers rangs de l'orchestre, on ne voit pas bien la scène, particulièrement depuis l'angle des balcons où des rangs de gens de l'orchestre se lèvent et sont rejoints par les gens qui s'entassent au débouché des escaliers, juste devant nos nez, en somme.

Or, c'est toujours là que je finis par atterrir. En l'occurrence j'avais, initialement, pris une pace en fosse. Mais il était évident que je ne tiendrais pas debout, donc j'avais réussi à échanger mon billet avec un gars et je me suis retrouvée... à regarder le cul de 7 à 8 rangs de spectateurs.

Première partie : Faux Real, j'ai détesté. Je ne vous mets même pas de lien, les masochistes iront trouver tout seuls. Il faut dire que je ne suis pas tellement d'humeur pour la rigolade, ces jours-ci, et que là, on tient un groupe qui doit tenir une place de choix dans le coeur de mes collègues fraîchement émoulus d'écoles de commerces. Pop sans intérêt musical, attitude barrée mais faussement détachée. Les mecs très fiers d'eux, moi au supplice pendant une demi-heure. Mais qu'est-ce qu'une demi-heure à l'échelle cosmique ? Queud.

Faux real en première partie de Wet Leg à l'Olympia, le 27 octobre 2025

Me voici, dents serrées mais déter, sur le point de découvrir Wet Leg sur scène.

Ah non.

Y a des gens debout. Je me lève par intermittence, le temps d'une photo, de voir un peu mieux, mais les lumières (encore une fois : tout dans la gueule des spectateurs, groupe en ombre chinoise pendant les 2/3 du set) et la chaleur de la salle me font me rassoir assez vite.

Wet Leg à L'Olympia le 27 octobre 2025

J'ai donc entendu Wet Leg sur scène. C'était propre, énergie démentielle, les titres attendus sont dans la set list. Bon, ils étaient en retard parce qu'ils s'amusent à tourner leur clip entre deux concerts de la tournée, ou qu'ils avaient autre chose à foutre et que visiblement, rien à battre d'être attendus. Rien à battre de nous dire qu'ils sont contents d'être là, non plus. Paris, Amsterdam, le salon de leur grand-mère, même combat. Ca m'a fait penser à un concert de Madness vu il y a quelques années, les mecs déroulent le format attendu et se cassent sans un mot. Et ben pareil. Une heure et quelque après la première note, il y a eu la dernière, ils se cassent sans un salut, Avril Lavigne accompagne le retour des lumières, c'est tout.

Autant dire que j'aurais passé une meilleure soirée avec une playlist sur mon canapé. Retour à la maison déçue, frustrée. C'est pas pour ça que je vais en concert, en fait, allez demander à Nick Cave, les gens, comment on fait pour captiver les foules.

C'est comme ça. Ca ne peut pas marcher à chaque fois. Et on ne cherche pas tous la même chose dans la musique.

Et puis jeudi dernier, Perfume Genius au Trianon. J'étais contente de finir par une toute petite salle, mais sans appareil photo car le sujet est de plus en plus chiant et, comme on ne laisse pas Bébé dans un coin, je ne laisse pas mon Leica à la consigne.

La première partie, Hand Habits, est le projet muscial d'un des musiciens de Perfume Genius, on va donc le voir toute la soirée.

Hand Habits au Trianon le 30 octobre 2025

Le dernier album, sorti cet été, se laisse écouter gentiment, on passe un joli moment (je suis assise, bien placée, dans un courant d'air, certes, mais je vois la scène, les artistes, tout ça). Ma voisine prenait l'air pincé pour dire qu'elle aurait aussi bien pu être en retard, juste avant qu'il ne lance un très sarcastique "Merci d'être venu à l'heure" à des gens qui s'installaient encore, ça m'a fait glousser. Bref, un bon moment sans complication.

Et j'ai aimé de la première à la dernière note Perfume Genius dont j'avais adoré l'album Glory sorti il y a quelques mois.

Perfume Genius au Trianon le 30 octobre 2025

Je suis assez dépitée de constater une fois de plus que, dans le monde de la musique, la corrélation entre forme physique et substances consommées soit l'inverse de la vie réelle (je veux dire : je bois peu, je ne consomme pas de drogues et je suis infoutue de faire le début de la queue de la moindre reptation de Mike Hadreas mais d'abord grand bien lui fasse et ensuite, on n'est pas là pour être jaloux. Jurisprudence Keith Richards et toutes ces sortes de choses.

Bon, théoriquement, lundi je dois aller voir une autre petite pépite envoyée par Deezer au Trabendo, mais je ne suis pas en état.

En allant de concert en concert je pensais au diptyque de billets chez l'ami Tomek qui en parlait récemment (de ceux qu'il voit, pas de ceux qu'il donne)

Ca fait quoi ? Un an et demi que j'ai renoué avec ce plaisir d'aller voir/écouter de la musique live, et pour la première fois depuis longtemps j'ai la main sur la programmation, quel bonheur ineffable. Et pourtant, il y a plein de choses qui m'agacent.

  • Clairement, prendre des photos devient un plaisir de plus en plus rare. De plus en plus de salles interdisent les appareils (et non, les smartphones, c'est pas pareil, même si ça permet de garder une "carte postale" de l'instant.
  • Le public jeune des concerts est très différent de ma génération. Il a fallu que je retienne des gamins de partir lors du concert de Nick Cave à la Philharmonie, cet été, ils ignoraient le concept de rappel. Or, ce rappel (5 chansons, pas moins) était clairement la partie la plus forte du concert.
  • Ceci dit, on les comprend, ça fait deux fois en un mois que je vois un groupe se casser une fois le dernier morceau fini, sans rappel. Ou le rappel intégré à la set list, mais bon, c'est pas le rituel, les gars. Et j'ai vu une vidéo de Tamino expliquer le principe : on va faire semblant de partir mais on revient, j'ai encore deux chansons à jouer. C'était le cas aussi avec Perfume Genius qui a annoncé qu'il restait deux chansons. Ok, les temps changent mais ce changement là, il me rend un peu triste.
  • Les prix, mazette. Sur les trois ci-dessous, les tickets s'étalaient de 30 à 70 balles, c'est celui le moins cher qui m'a offert la meilleure place. On ne parle même pas du merch. Que personne ne s'attende à ce que je lui offre un hoodie à 75 putain de balles. Ou un t-shirt à 35.

Alors je me cherche une martingale. Parce qu'évidemment, il faut faire des choix et c'est compliqué d'arbitrer. Pas de stades, déjà, mais même si j'ai adoré le dernier album de Wet Leg, par exemple, j'aurais fait l'impasse si j'avais su. Je viens vous voir pour apprendre un truc sur votre musique que je ne savais pas déjà, les gars. Donc il va falloir se fader des centaines d'avis de gens qui ne pensent pas comme moi pour faire mes choix ? Ou accepter le risque mais j'ai un peu passé l'âge pour ces conneries (je dis ça à chaque fois et puis...)

Bref. Il n'existe pas de bonheur parfait.

Note

[1] Par condition ok j'entends : m'y rendre et en revenir, y assister sans risquer d'être prise d'un vertige qui me laisserait par terre, écrasable par la foule

mercredi 29 octobre 2025

Une période formidable

Or donc vertiges. Qui ressemblaient à des vertiges positionnels paroxystiques bénins (le temps que tu prononces le nom t'es guéri) mais qui pourraient tout aussi bien, finalement, être liés à un énième changement de dosage de lévothyroxine. Qu'on m'abatte, ça sera plus rapide que d'avoir une régulation stable, ça fait deux ans que je galère, j'en peux plus[1].

Bref : on ne sait pas trop ce qui m'étourdit.

Visiblement personne ne se pose la question de la tumeur de la taille d'un pamplemousse, inopérable, forcément, dans mon cerveau , c'est déjà ça, me dis-je avec le sens de la relativisation qui me caractérise.

C'est épuisant, et comme j'ai décidé que je ne serai pas victime d'un truc qui a bénin dans son nom, j'en ai tenu compte dans mon activité juste assez pour dire que je ne suis pas une gamine écervelée. Vraiment juste assez.

(Et ça a quand même réussi à me pourrir un moment qui n'aurait dû être que plaisir, mais bon).

C'est tendu au boulot, donc je suis vaillamment retournée, après une nuit courte et vertigineuse, à mes affaires courantes qui, pour deux jours, se déroulaient dans le 15e, son charme bourgeois, sa ligne 8. Tout ce qui peut être retenu contre nous l'étant au centuple. Et toutes ces sortes de choses.

C'était pour une formation et par un effet très étrange, alors qu'on travaillait sur des sujets totalement déconnectés de l'émotionnel, on s'est retrouvées dans une sorte de thérapie de groupe, pendant laquelle on s'est échangé de nombreux kleenex[2].

Bref, je rentrais chez moi vendredi soir, pas mécontente d'en avoir fini et de pouvoir me poser un peu. Bien serrée entre mes voisins et la porte du métro, casque collé sur les oreilles, en plein exercice d'escapisme mental en situation critique, quand je sens ma voisine d'infortune (celle à ma droite, aucune des autres) se coller encore un peu plus à moi et élever le ton. D'un coup d'épaule je fais glisser mon casque vers l'arrière d'une oreille (impossible de lever la main jusqu'à ma tête, vu la foule) et l'entends tenir des propos outrés à son propre voisin de droite, à base d'injonctions à enlever ses sales paluches et lui foutre la paix. Le mec était immense, massif, puait la crasse et l'alcool et avait le regard vitreux.

Comme une bonne féministe, et globalement comme une meuf qui ne réfléchit pas assez, je lance, au bluff, un "Hey Samia, c'est trop drôle, j'ai croisé ta mère à la Fourche ce matin, tu vas bien ? Tu rentres chez toi ?" histoire de fournir une porte de sortie non agressive à tout ce petit monde. Et là le mec me regarde autant qu'il peut sans loucher et me lâche un "Ta gueule grosse pute, tu me laisses avec ma meuf".

Il faut noter qu'on sait de la meuf en question deux choses : elle ne s'appelle pas Samia, et ça n'était pas sa meuf. Ah non, trois. Sa mère n'était pas à la Fourche, le matin où je ne l'ai pas croisée.

Et là, je vois la grosse paluche du type passer par dessus l'épaule de sa victime pour venir tenter d'agripper mon blouson et visiblement essayer de me fracasser la tête contre la porte du métro.

Fort heureusement pour moi (et elle, qui aurait pris aussi) il était beaucoup trop bourré pour avoir la coordination nécessaire et les portes se sont ouvertes à Invalides, où je devais descendre. J'ai attrapé la "Samia", on a sauté sur le quai. Le métro est reparti, on s'est pleuré dans les bras pendant cinq minutes avant de constater qu'on n'avait aucune information pour porter plainte. Elle a repris la 8, je suis partie choper la 13, fin de l'histoire.

Je raconte ça en faisant la rigolote mais c'était flippant. Même si je voyais qu'il n'était pas en état de me faire mal exprès, il aurait tout à fait été capable de me, nous faire mal, pas exprès, mais efficacement.

Et sur un wagon blindé, personne, absolument personne n'a bougé (enfin, littéralement, c'était compliqué de bouger vu le nombre de personnes entassées, mais au moins élever la voix, lui gueuler dessus).

Autant vous dire que ma foi en l'espèce humaine et son intelligence, déjà très fragile d'habitude, est en négatif en ce moment.

Si on ajoute à ça que mon aîné ne s'est même pas rendu compte qu'un toubib était passé chez nous jeudi, ni que j'étais rentrée en vrac vendredi, vous aurez une bonne idée du sentiment d'amour reçu qui me submerge en ce moment. Et encore, j'en passe en moments d'empathie inversée.

Une ligne blanche sur fond noir dans une expo pour signifier de ne pas dépasser la limite, avec des traces de pas de l'autre côté de ladite limite.

Notes

[1] Le coeur ? On ne sait pas encore.

[2] Notez que j'aurais dû le sentir venir, jeudi matin en me rendant sur place pour le premier jour, j'ai filé un mouchoir en papier à une inconnue qui pleurait en face de moi dans le métro. On n'a pas échangé un mot, mais tout ce qui a suivi les jours suivants a été relié à ça.

jeudi 23 octobre 2025

Ailleurs

Gros vertige en rentrant ce soir. Quand je vous dis que je hais le 15e. J'y passe la journée et je m'écroule[1]

Mes symptômes se foutent de ma gueule, depuis quelques semaines. "Fais gaffe à ton coeur !" ou "Ha ! Tu crois que tu tiens debout mais regarde, tu ne tiens pas debout !"[2]

Pépins de santé étiquetés "pas mortel mais il faut s'en occuper, là."

Ils sont choux, chez SOS Médecins. "Restez près de l'interphone". LOL. Heureusement l'interphone est sur mon smartphone, posé sur moi, calée en sécurité sur mon lit entre traversins et oreillers.

J'en profite pour vous dire que je vais probablement tenter de digérer ma vie sur un bout de fichier texte au fond de mon ordinateur, pour des temps imprévisibles.

Il n'y a pas de drame, pas de gravité. Je ne fais pas la gueule, rien de mortel ne menace à court terme.

C'est juste, je crois, mieux pour moi en ce moment. Ca durera ce que ça durera, nous verrons.

Ca tourne, je vous laisse, soyez heureux comme vous pouvez, si vous pouvez. Vous savez où me trouver.

Dédicace de Colette sur la page titre de "Claudine s'en va".  Colette ajoute, après le titre : qu'elle dit !

Notes

[1] Pour de vrai je n'aime pas le 15e parce que c'est l'endroit où ma grand-mère a vécu ses derniers instants de conscience, celle que j'aimais fort, celle que j'ai passé un bout de nuit à chercher d'hôpital en hôpital quand j'ai été prévenue par les secours, voilà, c'est pas plus con que ça.

[2] C'est bénin, très chiant mais bénin. C'est dans le nom, d'ailleurs, "bénin".

lundi 20 octobre 2025

Le doute

J'ai un sacré problème avec l'écriture en ligne, depuis quelques mois. Quelque part entre frustration, agacement, décalage immense (on y reviendra), il y a quelque chose qui ne me convient pas complètement depuis quelques temps et que je n'arrive pas complètement à identifier.

Comme, par ailleurs, ça bouge de l'intérieur, de réflexions en nouvelles blessures, de réparation en soulagements, j'erre aussi dans ma tête sans grande certitude sur l'endroit où tout ceci va me mener.

En attendant, mon corps m'appelle au calme et ma tête m'entraîne dans l'action, ma nature solitaire se braque à l'idée de parler pendant que ma partie sociable se réjouit de sorties communes.

Je vis au milieu d'une contradiction, à la fois pleine d'une certaine puissance à me dévêtir de couches superflues de l'épiderme (figurativement, bien sûr) et en plein vertige existentiel.

Mais là. Et sur aucun point obligée de décider quoi que ce soit, ni maintenant, ni plus tard. D'aucuns, âmes sensibles aux tourments du 21e siècle, trouveront sans doute que je me complais dans un état d'esprit toxique, pour moi et, allez savoir, peut-être même pour eux.

Moi ? J'appelle ça le doute, la nuance, la complexité.

Le vivre m'enrichit plus que de parler ou chercher un réconfort antalgique de court terme.

Sculpture de Niki de Saint Phalle visible en ce moment au Grand Palais.