mardi 26 septembre 2023

15 000

13 261, à vrai dire, plus tous ceux non comptabilisés parce que je n'avais pas mon portable dans la poche, 15 000 pas, donc, et probablement le double de mots, au mois, si ce n'est plus.

0 pas Les mots matinaux, le réveil qui pique, la mise en route. De la musique et un bouquin, démarrage, bus, métro, le SDF et sa chienne Paméla sont de retour, soulagement, je m'inquiétais pour eux, obole rituelle saluée d'un joli "Bon travail madame !" prononcé avec un accent à couper au couteau.

Enthousiaste, le pas encore élastique, courte promenade, badge, ascenseur, installation, démarrage.

2 900 pas (suggestion de présentation) Mots complices et amusés. Mots camarades, mot matinaux, échangés en regardant Paris comme si la ville nous appartenait, le soleil à l'Est qui se lève et qui nous chauffe déjà assez pour qu'on fasse durer un tout petit peu. Mots aventuriers pour regagner nos bureaux par un autre chemin (nos locaux sont un labyrinthe que nous apprivoisons sans aucune méthode).

Puis mots d'organisation, mots de travail.

Mots d'éducation, de transmission.

Mots écrits aussi, pour rassurer l'ado un peu déstabilisé.

4 000 pas (plus ou moins) Départ pour arpenter le pavé parisien. Silence, mots dans ma tête pour me traiter de cinglée. Mais de cinglée pour qui j'ai de la sympathie, parfois. Petit détour pour aller lancer un geste d'amitié dans l'univers. Aucune idée de comment il sera reçu. Quoi qu'il en soit ce n'est jamais inutile de mettre de l'amitié dans l'univers.

Mots cordiaux pour demander un petit service inusité, mots enjoués pour se saluer. Chaleur humaine, palpable.

7 700 pas (à 10 % près) Mots de confidences entre femmes à mi-vie (hors taxe). Mots un peu usés parfois mais aussi plein de joie face à ce qu'on découvre encore sur nous, sur la vie. Mots de confiance en l'avenir, en qui nous sommes. J'ai un lien étonnant avec ma complice de déjeuner, on ne se parle pas assez souvent pour être amies mais l'amitié entre nous existe, même s'il lui manque une dose d'intimité. Liées par la mort de celui qui nous a présentées et qui comptait tant pour nous deux. Mots de boulot, aussi, parce que bon.

9 987 pas (un peu moins gaillards que ceux du matin) Retour au bureau sous un soleil vraiment pas timide. Mots pour re saluer l'assemblée. Mots pour convaincre, mots pour s'attendrir. Mots pour travailler et aussi pour rire.

10 000 pas (oui un chiffre rond, qu'est-ce que tu vas faire ?) Mots en compagnie de boissons pour se remettre de la nouvelle qui nous tombe sur le coin du nez, inattendue, casse-pieds. Personne ne va en mourir, mais mots en pétard, parce qu'on ne va pas garder ça pour nous, ça serait mauvais pour la santé. Et puis mots plus personnels, mots de sororité avec une jeune femme qui est à la fois très différente de moi et vraiment pas si loin de qui j'étais à son âge. Mots plein de tendresse pour cette belle personne, mots vibrants de sa part. Mots courtois au jeune couple en plein rencard à côté de nous. Mots polis au serveur rogue qui suit les ordres et nous les impose en oubliant un peu qu'on va laisser des sous dans son établissement et que bon, on a passé l'âge de ces conneries. Ah les serveurs des quartiers posh !

11 437 pas (t'es de la police pour vérifier ?) Mots des ados-jeunes adultes dans le train avec moi, l'une dont les parents doivent trouver la fin d'enfance spectaculaire (moi même je sais). Mots de daronne en lui passant du gel hydroalcoolique et en faisant tourner la Ventoline. Silence totale d'une autre toute jeune femme qui les observe mais n'ose pas parler. Les deux jeunes filles sont colorées du cheveu (rose pour l'une, bleu pour l'autre, hérissées de faux clous et sont pourtant à l'opposée l'une de l'autre. La timide dessine et observe les ombres dans le noir, au travers de la vitre du train. L'autre lit à haute voix des notes de carnet dans lequel elle consigne ses rêves. Le jeune homme qui l'accompagne est fasciné, ou se plaît à le lui faire croire. Gentil, manifestement.

Mots bien polis d'au revoir. Epiques et bariolés, affublés des signes de leur génération, mais bien élevés.

Puis les mots des chansons dans mes oreilles, quelques mots en anglais échangés par une paire de gens que je dépasse, ils font connaissance, visiblement, elle parle de choses très personnelles, ils m'intriguent. Je ne sais pas s'ils sont en train de s'envoyer en l'air ou s'il la découpe pour la mettre dans son congélateur, à l'heure qu'il est. Mystère mystérieux.

Musique qui cadence mon pas (jamais trop rapide, n'allez pas vous faire des idées).

13 261 (cette fois véridique, attestés par le téléphone que j'ai jeté sur le lit en entrant) Mots au chien inquiet d'avoir passé sa soirée seul. Mots aux chats. Douche, pas longue, les mots se précipitent déjà dans ma tête, je ne veux pas attendre avant de les poser ici. Lavage de nez (Paris, t'es dégueulasse, c'est quoi ce noir quand j'ai passé la journée chez toi ?!), de dents. J'ai faim ? Non. Nourrie à la bière ce soir (j'ai une réputation d'ivrogne parmi mes collègues alors que je bois peu d'alcool et pas souvent), playlist des chansons qui me brisent l'âme à coup sûr.

Peut-être y aura-t-il encore des mots de bonsoir au reste de la tribu qui se met en route depuis un autre morceau de Paris, au moment où j'écris. Peut-être que j'aurai déjà cédé à la tentation des mots en rêve.

Un peu plus de 1 000 mots ici pour vous prendre à témoins et garder une trace.

(Merci à toutes celles et ceux à qui ces mots, parlés ou écrits, ont été adressés. Merci mes beautiful freaks d'être dans ma vie. Je retiens d'aujourd'hui des rires et de la tendresse, surtout. C'est beaucoup plus que ce que j'en avais espéré.)