Tout le monde a été frappé, mercredi midi, par l'impensable.
Mercredi soir, dans l'immense boîte pour laquelle je travaille, nous avons appris que l'un d'entre nous faisait partie de la liste des tués.
Frédéric Boisseau était bien moins connu qu'un certain nombre des victimes de l'attentat. Il n'était ni journaliste, ni dessinateur.
Pour autant, à sa façon, il contribuait, comme les autres, à rendre la vie meilleure. Les uns par le rire, par la dénonciation. Lui par ses gestes quotidiens.
Il faisait partie de ces gens qui, peut-être dans votre entreprise, fourmillent pour vous simplifier la vie, la rendre plus agréable. Remplir les machines à café, réparer ce qui est cassé, changer des néons ou des stores cassés, nettoyer, faire la plonge.... autant de métiers de l'ombre dont on se rend compte de l'importance quand ils sont mal assurés.
Je ne connaissais pas Frédéric, je ne sais pas s'il était petit ou grand, ou blond ou brun ou à carreaux. Je ne connaissais pas le son de sa voix, la couleur de ses yeux, je ne sais pas s'il avait le sens de l'humour, s'il était gourmand ou fan de foot.
Mais je sais que lui comme moi avons été, chaque jour, guidés par les mêmes valeurs d'entreprise : esprit de service, esprit d'équipe, esprit de progrès. Respect de toutes les formes de diversité. Éthique.
Mercredi midi c'était citoyen, humain, émotionnel. Depuis mercredi soir ça touche au perso, un peu irrationnellement, mais très nettement. Cette culture d'entreprise qui nous rassemble tous, cette envie de faire du bon boulot, ce soucis de contribuer, par chacun de nos gestes quotidien, à améliorer celui de ceux pour qui nous travaillons, font partie des "guides" de tous les employés, partout dans le monde, dans nos métiers si différents, dans des pays si éloignés. Et pourtant le même fil rouge.
Depuis mercredi soir, je pleure des grands messieurs dont le travail, très visible et exposé, incarne une forme de liberté. Et je pleure Frédéric, je pense à sa femme, à ses enfants, à sa famille, qui ne pourront jamais accepter que ce jour-là, simplement en partant faire son travail, leur mari et père, fils ou frère, ait perdu la vie.
Je voudrais, une peu vainement, un peu irrationnellement, que chacun ait le nom de Frédéric en tête en même temps que Cabu et Ahmed, Wolinski et Maris, et les autres. Je voudrais qu'il soit au cœur de tous les hommages. Dans le cœur des gens. Sa vie ne valait pas moins.
Depuis mercredi soir, je suis Frédéric.
Commentaires
Il y avait quelque chose de choquant à n'entendre parler que des personnes connues qui avaient été tuées, au départ. Même si c'est marquant, même si on les connaissait en dessin, en parole... quelques heures plus tard, l'hommage rendu était plus large avec tous les noms et fonctions.
Il n'y a pas de vie plus importante que d'autres.
Merci, c'est si juste et je suis tellement d'accord.
Je n'arrête pas non plus de penser aux policiers qui sont morts et à ces pauvres gens qui se trouvent en ce moment pris en otage. J'ai la nausée.
Mes amitiés.
Tomekoui, ça m'a fait du bien quand on a commencé à parler des autres.
Merci beaucoup pour ces mots, Vanessa, toutes mes amitiés également.
La vie de chacun est si précieuse à mes yeux que mercredi midi quand l'autoradio de ma titine a fait entendre l'indicible, mes premières pensées ont été pour les gens qui les aimaient...ils vont leur manquer tellement...
Jacotte oh oui, tellement... juste l'idée est insoutenable...
Merci Anne pour ces mots si justes, j'ai moi aussi été soulagée quand des noms ont été mis sur un nombre ...n'oublions pas non plus ceux qui luttent encore pour vivre, et maintenant les otages ....et les familles. Tout cela est trop dur, insoutenable,c'est vrai .
charlottine sur notre intranet il y a une page sur laquelle on peut écrire quelques mots pour la famille, elle se remplit à toute allure. C'est tragique et c'est beau à la fois.
Aussi.
Et au début, le "12 hommes", non en fait il y a une femme, en réalité 12 personnes.
12 de trop, évidemment.
Chacune a droit à sa juste place.
Et leurs proches... dans nos pensées.
Sûrement détruits.
J'espère qu'ils se protègent et surtout ...coupent le son.
K, oui, qu'ils coupent le son, l'image, et qu'ils se blottissent les uns contre les autres.
des hugs de soutien, madame, et des bisous à côté pour faire bon poids. je suis désolée pour lui, pour sa famille et pour ceux qui le pleurent.
Merci pour ces mots ; il y a si longtemps que je n'avais pas erré sur les blogs, mais je me retrouve comme il y a bien longtemps, quasi droguée à l'info... Merci pour ces mots car comme toi, j'ai écrit quelques lignes sur le fait qu'ils sont bien 12 victimes de la folie monstrueuse, 12, et pas seulement les 5 illustres et les 2 policiers, ces 7 dont on parle en boucle.
Je suis infiniment triste, et douloureuse, et depuis 48 heures, ça ne me lâche pas :(
krysalia s'il y a moyen de faire passer tes mots, je partagerai avec eux, qui sont ceux les plus à soutenir. Moi j'en veux à la bêtise et à l'obscurantisme qui nous mènent à ça... Bisous
RdT si tu veux mon avis, le fait que ça ne lâche pas est bon signe sur le côté de l'humanité auquel on appartient. Courage et soyons meilleurs. Chaque jour un peu plus.
Tout mon soutien et mon amitié.
Je t'embrasse
Anita tout pareil, l'humanité réchauffe.
Mes pensées vont à tous.. mais les mots semblent si vains dans ces circonstances..
Bisous doux
je viens de voir un très belle hommage sur le nouvel obs sur Frédéric.
Quelle gâchis toutes ces vies envolées
Dame Ambre, croyons au pouvoir des mots. Je t'embrasse.
Merci pour l'info, Lilou et oui quel gâchis...
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